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5) PAGE 10, VERS 7.

Humentemque Aurora polo dimoverat umbram, etc.

vers, d'une harmonie si douce, contraste heureusement avec la peinture des mouvemens violens dont Didon est agitée:

Anna soror, quæ me suspensam insomnia terrent!
Quis novus hic nostris successit sedibus hospes!

Quem sese ore ferens! quàm forti pectore, et armis, etc.

Depuis que M. Le Franc a substitué avec raison le nom d'Élise à celui d'Anne un peu vulgaire dans notre langue, tous les traducteurs de ce quatrième livre ont suivi cet exemple. On voit déjà dans ces vers l'impression profonde qu'Énée a produite sur le cœur de Didon; l'aveu qu'elle en fait rend cette passion intéressante. Elle sent combien cet amour peut la dégrader, et elle n'ose d'abord le faire connoître qu'à sa sœur, confidente de ses sentimens les plus secrets. Elle est frappée de la beauté des traits du héros; mais elle l'est surtout de ses vertus, de son courage, de ses malheurs. Elle-même veut ennoblir sa passion à ses propres yeux; elle ne doute point qu'Énée ne soit sorti d'une race divine. Il paroît que chez les anciens, comme parmi nous, comme dans les temps les plus héroïques de notre chevalerie, la valeur étoit auprès des femmes un des premiers moyens de séduction.

6) PAGE 10, VERS 13.

Degeneres animos timor arguit.

Pour être plus littéral, il eût fallu traduire ainsi,

Un cœur lâche décèle une basse origine;

mais cette idée est renfermée dans celle que j'ai préférée, et semble se lier plus naturellement à la suite du discours.

7 PAGE 10, VERS 15.

Si mihi non animo fixum immotumque se eret, etc.

Virgile jette ici les premiers germes de l'intérêt dramatique, en présentant Didon comme invinciblement attachée à la mémoire de Sichée, son premier époux, et fermement résolue de ne point lui donner de successeur. Nous observerons que c'est le même sentiment qui donne tant d'intérêt au rôle d'Andromaque.

8) PAGE 12, VERS 6.

Solus hic inflexit sensus, animumque labantem
Impulit.

Cette marche de la passion de Didon, exprimée par ellemême, est pleine de pudeur et de convenance. Énée seul, depuis la mort de Sichée, a ébranlé sa fidélité. Çe peu de mots fait prévoir sa foiblesse.

9) PAGE 12, VERS 7.

Agnosco veteris vestigia flammæ.

Ce trait est d'une extrême finesse. Dans sa passion pour Énée, Didon retrouve les traces de son amour pour Sichée; et l'on voit qu'elle ne s'éloigne que par degré de ce premier sentiment. Racine a profité de ce vers, lorsqu'il a fait dire à Oreste (Andromaque, act. I, sc. 1):

De mes feux mal éteints je reconnus la trace.

10) PAGE 12, VERS 8.

Sed mihi vel tellus optem priùs ima dehiscat,
Vel pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras,
Pallentes umbras Erebi, noctemque profundam,
Antè, pudor, quàm te violo, aut tua jura resolvo.

L'expression de ce serment est d'une grande harmonie. L'apostrophe à la pudeur, en la personnifiant, pour ainsi dire, donne une plus grande idée de la fidélité que Didon lui a vouée.

1) PAGE 12, VERS 12.

Ille meos, primus qui me sibi junxit, amores
Abstulit: ille habeat secum, servetque sepulcro.

Racine a heureusement imité ces deux vers, en faisant dire à Andromaque ( act. III, sc. 4 ):

Ma flamme par Hector fut jadis allumée :
Avec lui dans la tombe elle reste enfermée.

Peut-être qu'une flamme jadis allumée a moins de naturel, de douceur et d'élégance, que primus qui me sibi junxit, amores abstulit.

12) PAGE 12, VERS 14.

Sic effata, sinum lacrymis implevit obortis, etc.

La beauté de ce vers est fondée sur une grande connoissance du cœur humain. Didon a fait un grand effort pour avouer à sa sœur une passion qu'elle voudroit se dissimuler

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à elle-même, et son cœur une fois ouvert se soulage par des larmes : c'est la marche de la nature.

En général, tout ce début est plein d'adresse; Virgile arrive par des gradations insensibles, mais extrêmement naturelles, aux grands éclats de la passion qu'il veut peindre. C'est à travers les souvenirs de son premier amour, la crainte de sa nouvelle passion, le cri des remords, et les reproches qu'elle se fait d'avance de ses serments violés, que Didon en vient à l'abandon total de sa gloire et au sacrifice d'une longue fidélité. Elle est ici d'autant plus intéressante, qu'elle n'imagine pas même qu'elle puisse succomber.

13) PAGE 12, VERS 15.

Anna refert: O luce magis dilecta sorori, etc,

Tout ce discours d'Élise peut être comparé à celui d'OEnone dans Phedre. Virgile, respectant toujours les idées religieuses, s'est bien gardé de s'autoriser de l'exemple des dieux, comme l'a fait Racine dans ces vers:

Les dieux mêmes, les dieux de l'Olympe habitans,
Qui d'un bruit si terrible épouvantent les crimes,

Ont brûlé quelquefois de feux illégitimes.

(Phédre, act. IV, sc. 6.)

14 PAGE 14, VERS 6.

Placitone etiam pugnabis amori?

Ce passage a été imité par Racine:

Combattrez-vous encore un penchant qui vous plaît?

15) PAGE 14, VERS II.

Quid bella Tyro surgentia dicam,

Germanique minas?

Dîs equidem auspicibus reor, et Junone secundâ, etc.

Élise joint avec adresse aux considérations politiques les considérations religieuses. Pygmalion, frère de Didon, est d'autant plus à craindre, qu'il est l'assassin d'un époux vivement regretté. L'arrivée d'Énée à Carthage n'est plus pour elle un évènement ordinaire; elle a été dirigée par les dieux mêmes, et principalement par Junon, protectrice de son empire.

16) PAGE 16, VERS 5.

His dictis incensum animum inflaminavit amore,
Spemque dedit dubiæ menti, etc.

Le mot inflammavit suit naturellement incensum. La flamme s'échappe et s'élève du brasier une fois allumé. Spemque dédit dubiæ menti, est plein de délicatesse. L'amour n'est jamais dans toute son activité, lorsqu'il est sans espérance.

17) PAGE IỒ, VERS 6.

Solvitque pudorem.

Principio delubra adeunt, pacemque per aras
Exquirunt, etc.

La pudeur est ici représentée, avec beaucoup de justesse, comme un lien qu'il a fallu dénouer. Tout ce qui suit est d'une admirable beauté. Les idées religieuses mêlées à celles

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