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DES ROMAINS,

POLITIQUE DES ROMAINS,

DIALOGUE DE SYLLA ET D'EUCRATE,
LYSIMAQUE, ET PENSÉES.

LETTRES PERSANES

ET

TEMPLE DE GNIDE.

PAR MONTESQUIEU.

PARIS,

LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT,

RUE JACOB, 56.

1843

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Il ne faut pas prendre de la ville de Rome, dans ses commencements, l'idée que nous donnent les villes que nous voyons aujourd'hui, à moins que ce ne soit de celles de la Crimée, faites pour renfermer le butin, les bestiaux, et les fruits de la campagne. Les noms anciens des principaux lieux de Rome ont tous du rapport à cet usage.

La ville n'avait pas même de rues, si l'on n'appelle de ce nom la continuation des chemins qui y aboutissaient. Les maisons étaient placées sans ordre, et très-petites; car les hommes, toujours au travail ou dans la place publique, ne se tenaient guère dans les maisons.

Mais la grandeur de Rome parut bientôt dans ses édifices publics. Les ouvrages qui ont donné, et qui donnent encore aujourd'hui la plus haute idée de sa puissance, ont été faits sous les rois 2. On commençait déjà à bâtir la ville éternelle.

[Cet ouvrage, généralement regardé comme le chef-d'œuvre de Montesquieu, parut en 1734. L'auteur était alors dans sa quarante-cinquième année. ]

2 Voyez l'étonnement de Denys d'Halicarnasse sur les égouts faits par Tarquin. (Ant. rom., liv. III.) — Ils subsistent encore.

MONTESQUIEU.

I

Romulus et ses successeurs furent presque toujours en guerre avec leurs voisins pour avoir des citoyens, des femmes, ou des terres; ils revenaient dans la ville avec les dépouilles des peuples vaincus; c'étaient des gerbes de blé et des troupeaux : cela y causait une grande joie. Voilà l'origine des triomphes qui furent dans la suite la principale cause des grandeurs où cette ville parvint.

Rome accrut beaucoup ses forces par son union avec les Sabins, peuples durs et belliqueux comme les Lacédémoniens, dont ils étaient descendus. Romulus prit leur bouclier, qui était large, au lieu du petit bouclier argien dont il s'était servi jusqu'alors'. Et on doit remarquer que ce qui a le plus contribué à rendre les Romains les maîtres du monde, c'est qu'ayant combattu successivement contre tous les peuples, ils ont toujours renoncé à leurs usages sitôt qu'ils en ont trouvé de meilleurs.

On pensait alors, dans les républiques d'Italie, que les traités qu'elles avaient faits avec un roi ne les obligeaient point envers son successeur : c'était pour elles une espèce de droit des gens 2; ainsi, tout ce qui avait été soumis par un roi de Rome se prétendait libre sous un autre, et les guerres naissaient toujours des guerres.

Le règne de Numa, long et pacifique, était très-propre à laisser Rome dans sa médiocrité; et, si elle eût eu dans ce temps-là un territoire moins borné et une puissance plus grande, il y a apparence que sa fortune eût été fixée pour jamais.

Une des causes de sa prospérité, c'est que ses rois furent tous de grands personnages. On ne trouve point ail-• leurs, dans les histoires, une suite non interrompue de tels hommes d'État et de tels capitaines.

' PLUTARQUE, Vic de Romulus.

2 Cela paraît par toute l'histoire des rois de Rome.

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