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rant que les hommes puissent avoir de la probité des hommes.

Les points principaux de la religion de ceux de Pégu sont de ne point tuer, de ne point voler, d'éviter l'impudicité, de faire aucun déplaisir à son prochain, de lui faire au contraire tout le bien qu'on peut1. Avec cela ils croient qu'on se sauvera dans quelque religion que ce soit : ce qui fait que ces peuples, quoique fiers et pauvres, ont de la douceur et de la compassion pour les malheureux.

CHAPITRE IX.

Des Esséens.

Les Esséens faisaient vœu d'observer la justice envers les hommes, de ne faire de mal à personne, même pour obéir, de haïr les injustes, de garder la foi à tout le monde, de commander avec modestie, de prendre toujours le parti de la vérité, de fuir tout gain illicite.

CHAPITRE X.

De la secte stoïque.

Les diverses sectes de philosophie chez les anciens pouvaient être considérées comme des espèces de religion. II n'y en a jamais eu dont les principes fussent plus dignes de l'homme, et plus propres à former des gens de bien, que celle des stoïciens; et, si je pouvais un moment cesser de penser que je suis chrétien, je ne pourrais m'empêcher de mettre la destruction de la secte de Zénon au nombre des malheurs du genre humain.

Elle n'outrait que les choses dans lesquelles il y a de la grandeur, le mépris des plaisirs et de la

douleur.

Elle seule savait faire les citoyens; elle seule faisait les grands hommes; elle seule faisait les grands empereurs.

Faites pour un moment abstraction des vérités révélées; cherchez dans toute la nature, et vous n'y trouverez pas de plus grand objet que les Antonin. Julien même, Julien ( un suffrage ainsi arraché ne me rendra point complice de son apostasie); non, il n'y a point eu après lui de prince plus digne de gouverner les hommes.

Pendant que les stoïciens regardaient comme

Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, tome III, part. I, page 63. 2 Histoire des Juifs, par Prideaux.

une chose vaine les richesses, les grandeurs humaines, la douleur, les chagrins, les plaisirs, ils n'étaient occupés qu'à travailler au bonheur des hommes, à exercer les devoirs de la société; il semblait qu'ils regardassent cet esprit sacré qu'ils croyaient être en eux-mêmes comme une espèce de providence favorable qui veillait sur le genre humain.

Nés pour la société, ils croyaient tous que leur destin était de travailler pour elle: d'autant moins à charge que leurs récompenses étaient toutes dans eux-mêmes; qu'heureux par leur philosophie seule, il semblait que le seul bonheur des autres put augmenter le leur.

CHAPITRE XI.

De la contemplation.

Les hommes étant faits pour se conserver, pour se nourrir, pour se vêtir, et faire toutes les actions de la société, la religion ne doit pas leur donner une vie trop contemplative 1.

Les mahométans deviennent spéculatifs par habitude; ils prient cinq fois le jour, et chaque fois il faut qu'ils fassent un acte par lequel ils jettent derrière leur dos tout ce qui appartient à ce monde : cela les forme à la spéculation. Ajoutez à cela cette indifférence pour toutes choses que donne le dogme d'un destin rigide.

Si d'ailleurs d'autres causes concourent à leur inspirer le détachement, comme si la dureté du gouvernement, si les lois concernant la propriété des terres, donnent un esprit précaire, tout est perdu.

La religion des guèbres rendit autrefois le royaume de Perse florissant ; elle corrigea les mauvais effets du despotisme : la religion mahométane détruit aujourd'hui ce même empire.

CHAPITRE XII.

Des pénitences.

Il est bon que les pénitences soient jointes avec l'idée de travail, non avec l'idée d'oisiveté; avec l'idée du bien, non avec l'idée de l'extraordinaire; avec l'idée de frugalité, non avec l'idée d'avarice.

C'est l'inconvénient de la doctrine de Foé et de Laockium.

CHAPITRE XIII.

Des crimes inexpiables.

Il paraît, par un passage des livres des pontifes, rapporté par Cicéron, qu'il y avait, chez les Romains, des crimes inexpiables; et c'est là-dessus que Zosime fonde le récit si propre à envenimer les motifs de la conversion de Constantin, et Julien cette raillerie amère qu'il fait de cette même conversion dans ses Césars 3.

CHAPITRE XIV.

Comment la force de la religion s'applique à celle des lois civiles.

Comme la religion et les lois civiles doivent tendre principalement à rendre les hommes bons citoyens, on voit que, l'orsqu'une des deux s'écartera de ce but, l'autre y doit tendre davantage : moins la religion sera réprimante, plus les lois civiles doivent réprimer.

Ainsi, au Japon, la religion dominante n'ayant presque point de dogmes, et ne proposant point de paradis ni d'enfer, les lois, pour y suppléer, ont été faites avec une sévérité et exécutées avec une ponctualité extraordinaires.

La religion païenne, qui ne défendait que quelques crimes grossiers, qui arrêtait la main et abandonnait le cœur, pouvait avoir des crimes inexpiables; mais une religion qui enveloppe toutes les passions, qui n'est pas plus jalouse des actions que des désirs et des pensées, qui ne nous tient Lorsque la religion établit le dogme de la népoint attachés par quelques chaînes, mais par un cessité des actions humaines, les peines des lois nombre innombrable de fils; qui laisse derrière doivent être plus sévères, et la police plus vigilante, elle la justice humaine, et commence une autre pour que les hommes, qui sans cela s'abandonnejustice; qui est faite pour mener sans cesse du re-raient eux-mêmes, soient déterminés par ces mopentir à l'amour, et de l'amour au repentir; qui tifs; mais si la religion établit le dogme de la liberté, met entre le juge et le criminel un grand média-c'est autre chose. teur, entre le juste et le médiateur un grand juge : une telle religion ne doit point avoir de crimes inexpiables. Mais, quoiqu'elle donne des craintes et des espérances à tous, elle fait assez sentir que s'il n'y a point de crime qui, par sa nature, soit inexpiable, toute une vie peut l'être; qu'il serait très-dangereux de tourmenter sans cesse la miséricorde par de nouveaux crimes et de nouvelles expiations; qu'inquiets sur les anciennes dettes, jamais quittes envers le Seigneur, nous devons craindre d'en contracter de nouvelles, de combler la mesure, et d'aller jusqu'au terme où la bonté pa

ternelle finit.

Liv. II, des Lois.

2 Sacrum commissum, quod neque expiari poterit, impie commissum est; quod expiare poterit, publici sacerdotes expianto.

3 Zosime dit que ce prince, ayant eu malheur de se laisser - prévenir contre son fils Crispus par sa femme Fausta, fit mourir ce prince innocent, et punit pareillement de mort la calomniatrice; que, troublé d'inquiétude et de remords, il s'adressa aux prêtres païens pour leur demander l'expiation de son crime, et que, sur la déclaration qu'ils lui firent qu'ils ne trouvaient rien dans leur religion qui fut capable d'expier un tel forfait, il recourut aux chrétiens, qui se montrèrent plus traitables. Mais ce récit a été réfuté, il y a douze cents ans, par Sozomène, et, de nos jours, par M. de Tillemont. Une observation bien simple suffit pour le détruire la conversion de Constantin est antérieure de quatorze ans à la mort de Crispus. (CRÉV.)

De la paresse de l'âme naît le dogme de la prédestination mahométane, et du dogme de cette prédestination naît la paresse de l'âme. On a dit : Cela est dans les décrets de Dieu; il faut donc rester en repos. Dans un cas pareil, on doit exciter par les lois les hommes endormis dans la religion.

Lorsque la religion condamne des choses que les lois civiles doivent permettre, il est dangereux que les lois civiles permettent de leur côté ce que la religion doit condamner, une de ces choses marquant toujours un défaut d'harmonie et de justesse dans les idées, qui se répand sur l'autre.

Ainsi les Tartares de Gengis-kan, chez lesquels c'était un péché et même un crime capital de mettre le couteau dans le feu, de s'appuyer contre un fouet, de battre un cheval avec sa bride, de rompre un os avec un autre, ne croyaient pas qu'il y eût de péché à violer la foi, à ravir le bien d'autrui, à faire injure à un homme, à le tuer. En un mot, les lois qui font regarder comme nécessaire ce qui est indifférent, ont cet inconvénient, qu'elles font considérer comme indifférent ce qui est nécessaire.

Ceux de Formose croient une espèce d'enfer2; mais c'est pour punir ceux qui ont manqué d'aller nus en certaines saisons, qui ont mis des vêtements

1 Voyez la Relation de frère Jean Duplan Carpin, envoyé en Tartarie par le pape Innocent IV en l'année 1246.

2 Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, tom. V, part. I, pag. 192.

:

LIVRE XXIV, CHAPITRE XVII.

de toile et non pas de soie, qui ont été chercher des huîtres, qui ont agi sans consulter le chant des oiseaux aussi ne regardent-ils point comme péchés l'ivrognerie et le déréglement avec les femmes; ils croient même que les débauches de leurs enfants sont agréables à leurs dieux.

Lorsque la religion justifie pour une chose d'accident, elle perd inutilement le plus grand ressort qui soit parmi les hommes. On croit, chez les Indiens, que les eaux du Gange ont une vertu sanctifiante'; ceux qui meurent sur ses bords sont réputés exempts des peines de l'autre vie, et devoir habiter une région pleine de délices on envoie des lieux les plus reculés des urnes pleines des cendres des morts, pour les jeter dans le Gange. Qu'importe qu'on vive vertueusement ou non? on se fera jeter dans le Gange.

L'idée d'un lieu de récompense emporte nécessairement l'idée d'un séjour de peines; et, quand on espère l'un sans craindre l'autre, les lois civiles n'ont plus de force. Des hommes qui croient des récompenses sûres dans l'autre vie échapperont au législateur : ils auront trop de mépris pour la mort. Quel moyen de contenir par les lois un homme qui croit être sûr que la plus grande peine que les magistrats lui pourront infliger ne finira dans un moment que pour commencer son bonheur?

CHAPITRE XV.

Comment les lois civiles corrigent quelquefois
les fausses religions.

Le respect pour les choses anciennes, la simplicité ou la superstition, ont quelquefois établi des mystères ou des cérémonies qui pouvaient choquer la pudeur; et de cela les exemples n'ont pas été rares dans le monde. Aristote dit que dans ce cas la loi permet que les pères de famille aillent au temple célébrer ces mystères pour leurs femmes et pour leurs enfants. Loi civile admirable, qui conserve les mœurs contre la religion!

Auguste défendit aux jeunes gens de l'un et de l'autre sexe d'assister à aucune cérémonie nocturne, s'ils n'étaient accompagnés d'un parent plus âgé 3; et, lorsqu'il rétablit les fêtes lupercales, il ne voulut pas que les jeunes gens courussent nus 4.

Lettres édifiantes, quinzième recueil.

2 Politique, liv. VII, ch. xvn.

3 SUÉTONE, in Augusto, chap. XXXI.
4 Ibid.

CHAPITRE XVI.

Comment les lois de la religion corrigent les inconvé-
nients de la constitution politique.

D'un autre côté, la religion peut soutenir l'état politique lorsque les lois se trouvent dans l'impuis

sance.

Ainsi, lorsque l'État est souvent agité par des guerres civiles, la religion fera beaucoup si elle établit que quelque partie de cet État reste toujours en paix. Chez les Grecs, les Éléens, comme prêtres d'Apollon, jouissaient d'une paix éternelle. Au Japon on laisse toujours en paix la ville de Méaco, qui est une ville sainte la religion maintient ce règlement; et cet empire, qui semble être seul sur la terre, qui n'a et qui ne veut avoir aucune ressource de la part des étrangers, a toujours dans son sein un commerce que la guerre ne ruine pas.

Dans les États où les guerres ne se font pas par une délibération commune, et où les lois ne se sont laissé aucun moyen de les terminer ou de les prévenir, la religion établit des temps de paix ou de trêve pour que le peuple puisse faire les choses sans lesquelles l'État ne pourrait subsister, comme les semailles et les travaux pareils.

Chaque année, pendant quatre mois, toute hostilité cessait entre les tribus arabes: le moindre trouble eût été une impiété. Quand chaque seigneur faisait en France la guerre ou la paix, la religion donna des trèves qui devaient avoir lieu dans de certaines saisons.

CHAPITRE XVII.

Continuation du même sujet.

Lorsqu'il y a beaucoup de sujets de haine dans un État, il faut que la religion donne beaucoup de moyens de réconciliation. Les Arabes, peuple brigand, se faisaient souvent des injures et des inpardonne le sang de son frère4, il pourra pourjustices. Mahomet fit cette loi3 : « Si quelqu'un « suivre le malfaiteur pour des dommages et intérêts; mais celui qui fera tort au méchant, après « avoir reçu satisfaction de lui, souffrira au jour du jugement des tourments douloureux. »>

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Chez les Germains, on héritait des haines et des inimitiés de ses proches; mais elles n'étaient pas

Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, tom. IV, part. I, pag 127.

2 Voyez Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 64.

3 Dans l'Alcoran, liv. I, chap. de la l'ache.

4 En renonçant à la loi du talion.

éternelles. On expiait l'homicide en donnant une certaine quantité de bétail; et toute la famille recevait la satisfaction: chose très-utile, dit Tacite1, parce que les inimitiés sont très-dangereuses chez un peuple libre. Je crois bien que les ministres de la religion, qui avaient tant de crédit parmi eux, entraient dans ces réconciliations.

Chez les Malais, où la réconciliation n'est pas établie, celui qui a tué quelqu'un, sûr d'être assassiné par les parents ou les amis du mort, s'abandonne à sa fureur, blesse et tue tout ce qu'il rencontre".

CHAPITRE XVIII.

Comment les lois de la religion ont l'effet des lois civiles.

Les premiers Grecs étaient de petits peuples souvent dispersés, pirates sur la mer, injustes sur la terre, sans police et sans lois. Les belles actions d'Hercule et de Thésée font voir l'état où se trouvait ce peuple naissant. Que pouvait faire la religion, que ce qu'elle fit pour donner de l'horreur du meurtre? Elle établit qu'un homme tué par violence était d'abord en colère contre le meurtrier, qui lui inspirait du trouble et de la terreur, et voulait qu'il lui cédât les lieux qu'il avait fréquentés 3; on ne pouvait toucher le criminel ni converser avec lui sans être souillé ou intestable 4; la présence du meurtrier devait être épargnée à la ville, et il fallait l'expier 5.

CHAPITRE XIX.

Que c'est moins la vérité ou la fausseté d'un dogme qui le rend utile ou pernicieux aux hommes dans l'état civil, que l'usage ou l'abus que l'on en fait.

Les dogmes les plus vrais et les plus saints peuvent avoir de très-mauvaises conséquences lorsqu'on ne les lie pas avec les principes de la société; et, au contraire, les dogmes les plus faux en peuvent avoir d'admirables lorsqu'on fait qu'ils se rapportent aux mêmes principes.

La religion de Confucius nie l'immortalité de l'âme; et la secte de Zénon ne la croyait pas. Qui

De Moribus Germanorum.

Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, tom. VII, pag. 303. Voyez aussi les Mémoires du comte de Forbin, et ce qu'il dit sur les Macassars. 3 PLATON, des Lois, liv. IX.

4 Voyez la tragédie d'OEdipe à Colonne. 5 PLATON, des Lois, liv. IX.

Dans l'ancienne Grèce, on se contentait de bannir du pays les homicides. Il n'était pas permis de leur ôter la vie. (P.)

Un philosophe chinois argumente ainsi contre la doctrine

le dirait? ces deux sectes ont tiré de leurs mauvais principes des conséquences, non pas justes, mais admirables pour la société. La religion des Tao et des Foé croit l'immortalité de l'âme; mais de ce dogme si saint ils ont tiré des conséquences affreuses.

Presque par tout le monde, et dans tous les temps, l'opinion de l'immortalité de l'âme, mal prise, a engagé les femmes, les esclaves, les sujets, les amis, à se tuer, pour aller servir dans l'autre monde l'objet de leur respect ou de leur amour. Cela était ainsi dans les Indes occidentales; cela était ainsi chez les Danois ; et cela est encore aujourd'hui au Japon 2, à Macassar 3, et dans plusieurs autres endroits de la terre.

Ces coutumes émanent moins directement du dogme de l'immortalité de l'âme que de celui de la résurrection des corps d'où l'on a tiré cette conséquence, qu'après la mort un même individu aurait les mêmes besoins, les mêmes sentiments, les mêmes passions. Dans ce point de vue, le dogme de l'immortalité de l'âme affecte prodigieusement les hommes, parce que l'idée d'un simple changement de demeure est plus à la portée de notre esprit, et flatte plus notre cœur, que l'idée d'une

modification nouvelle.

Ce n'est pas assez pour une religion d'établir un dogme, il faut encore qu'elle le dirige. C'est ce qu'a fait admirablement bien la religion chrétienne à l'égard des dogmes dont nous parlons : elle nous fait espérer un état que nous croyions, non pas un état que nous sentions, ou que nous connaissions; tout, jusqu'à la résurrection des corps, nous mène à des idées spirituelles.

CHAPITRE XX.

Continuation du même sujet.

Les livres sacrés des anciens Perses disaient : « Si vous voulez être saint, instruisez vos enfants, « parce que toutes les bonnes actions qu'ils feront

de Foé: « Il est dit, dans un livre de cette secte, que notre corps « est notre domicile, et l'âme l'hôtesse immortelle qui y loge; « mais, si le corps de nos parents n'est qu'un logement, il est « naturel de le regarder avec le même mépris qu'on a pour un «<amas de boue et de terre. N'est-ce pas vouloir arracher du << cœur la vertu de l'amour des parents? Cela porte de même à « négliger le soin du corps, et à lui refuser la compassion et l'af«fection si nécessaires pour sa conservation: ainsi les disciples « de Foé se tuent à milliers. » (Ouvrage d'un philosophe chinois, dans le recueil du P Duhalde, tom. III, pag. 52.) 1 Voyez Thomas Bartholin, Antiquités danoises.

2 Relation du Japon, dans le Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes. 3 Mémoires de Forbin.

LIVRE XXIV, CHAPITRE XXIII.

« vous seront imputées. » Ils conseillaient de se marier de bonne heure, parce que les enfants seraient comme un pont au jour du jugement, et que ceux qui n'auraient point d'enfants ne pourraient pas passer. Ces dogmes étaient faux, mais ils étaient très-utiles.

CHAPITRE XXI.

De la métempsycose.

Le dogme de l'immortalité de l'âme se divise en trois branches celui de l'immortalité pure, celui du simple changement de demeure, celui de la métempsycose; c'est-à-dire le système des chrétiens, le système des Scythes, le système des Indiens. Je viens de parler des deux premiers; et je dirai du troisième que, comme il a été bien et mal dirigé, il a aux Indes de bons et de mauvais effets. Comme il donne aux hommes une certaine horreur pour verser le sang, il y a aux Indes très-peu de meurtres; et quoiqu'on n'y punisse guère de mort, tout le monde y est tranquille.

D'un autre côté, les femmes s'y brûlent à la mort de leurs maris: il n'y a que les innocents qui y souffrent une mort violente.

CHAPITRE XXII.

Combien il est dangereux que la religion inspire de l'horreur pour des choses indifférentes.

CHAPITRE XXIII.

Des fêtes.

Quand une religion ordonne la cessation du travail, elle doit avoir égard aux besoins des hommes, plus qu'à la grandeur de l'être qu'elle honore.

C'était à Athènes un grand inconvénient que le trop grand nombre de fêtes. Chez ce peuple dominateur, devant qui toutes les villes de la Grèce devaient porter leurs différends, on ne pouvait suffire aux affaires.

Lorsque Constantin établit que l'on chômerait le dimanche, il fit cette ordonnance pour les villes 2, et non pour les peuples de la campagne : il sentait que dans les villes étaient les travaux utiles, et dans les campagnes les travaux nécessaires. Par la même raison, dans les pays qui se mainle nombre des fêtes doit tiennent par le commerce, être relatif à ce commerce même. Les pays protestants et les pays catholiques sont situés de manière que l'on a plus besoin de travail dans les premiers que dans les seconds 3: la suppression des fêtes convenait donc plus aux pays protestants qu'aux pays catholiques 4.

1 XÉNOPHON, de la République d'Athènes.

2 Leg. 3, cod. de Feriis. Cette loi n'était faite sans doute que pour les patens.

3 Les catholiques sont plus vers le midi, et les protestants vers le nord.

4 Lorsque l'Europe entière suivait la même religion, le

Un certain honneur que des préjugés de religion nombre des fêtes était égal dans tous les royaumes. Les ouétablissent aux Indes, fait que les diverses castes ont horreur les unes des autres. Cet honneur est uniquement fondé sur la religion; ces distinctions de famille ne forment pas des distinctions civiles : il y a tel Indien qui se croirait déshonoré s'il mangeait avec son roi.

Ces sortes de distinctions sont liées à une certaine aversion pour les autres hommes, bien différentes des sentiments que doivent faire naître les différences de rangs, qui parmi nous contiennent l'amour pour les inférieurs.

Les lois de la religion éviteront d'inspirer d'autre mépris que celui du vice, et surtout d'éloigner les hommes de l'amour et de la pitié pour les hommes.

La religion mahométane et la religion indienne ont dans leur sein un nombre infini de peuples : les Indiens haïssent les mahométans, parce qu'ils mangent de la vache; les mahométans détestent les Indiens, parce qu'ils mangent du cochon.

M. Hyde.

vriers anglais, hollandais, suédois, danois, allemands, suisses, demeuraient oisifs autant de jours dans l'année que les ouvriers français; et comme les forces et les richesses ne sont grandes ou petites, fortes ou faibles que par comparaison, toute l'Europe était au pair pour le temps qui s'employait à l'industrie et à la main-d'œuvre, et les bénéfices qui en procèdent étaient par conséquent en égalité de proportion.

Mais, depuis l'établissement de la religion protestante, cette égalité se trouve détruite, et la balance affaiblie de plus d'un septième à notre préjudice, attendu que cette religion permet dans l'année au moins cinquante jours de travail plus que la catholique; et comme la marchandise doit supporter tous les frais de la matière et de l'industrie, elle supporte la subsistance de l'ouvrier pendant ces jours d'inaction: d'où il suit que lorsque nous vendons une marchandise de nos fabriques pour un certain prix, les protestants, toutes choses égales, peuvent la donner à beaucoup meilleur marché, avec profit égal pour l'ouvrier; en sorte qu'un commerçant qui a un avantage si considérable sur son concurrent doit nécessairement l'écraser à la longue.

Quelques évêques pensant sainement et informés que l'oiont supprimé quelques-unes dans leurs diocèses; mais ils sont siveté devenait une source de libertinage pendant ces fêtes, en demeurés encore bien loin de ce que l'utilité publique exigerait à cet égard.

Pendant que nos boutiques sont fermées, que les ateliers sont abandonnés, que le jeu ou le vin consomment le salaire de nos ouvriers, et souvent le nécessaire de leurs nombreuses familles qui périssent de misère; qu'ils se querellent, qu'ils se baltent, et que par leurs excès ils se mettent hors d'état de

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