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I'Hindoustan, et que, sans aucun doute, Barscema reçut ce surnom en considération de son caractère sacré; ce qui doit d'autant moins surprendre, que la langue mongole, tant ancienne que moderne, a toujours contenu un nombre considérable de mots sanscrits. On pourrait bien objecter que ces mots sanscrits s'étant introduits dans le Mongol par une voie qui nous est connue, et par suite de la conversion des Tartares au bouddhisme, il serait toujours étonnant de les voir employer à une époque antérieure à cet événement, dans un pays où il n'a pas eu d'influence; on pourrait encore être étonné qu'Argoun, prince des Mongols non bouddhistes de la Perse, se fût avisé de donner un titre indien, très-peu usité dans l'Inde même, à un moine ouïgour du rite syrien qu'il avait vu à la tête d'une ambassade du pays des Francs : mais on ne saurait nier pourtant que la dernière conjecture de M. Schmidt ne soit encore plus ingénieuse que les précédentes, et qu'elle ne puisse être admise jusqu'à ce qu'il s'en présente une qui soit à l'abri de toute

contestation.

Le saint du pays de Sakhora engagea le roi du Tibet à faire venir près de lui un autre personnage nommé Padmasambhava, lequel résidait dans le pays d'Oudayâna. Le traducteur avoue qu'il n'a pu déterminer ce que c'était que cette partie de l'Hindoustan (1). Oudyâna, comme nous l'apprennent les géographes

(1) Ich kann nicht bestimmen, was Udajana für eine Gegend Hindustan's ist oder war. pag. 354.

chinois d'après les voyageurs bouddhistes, était ainsi nommé (Oudyana, jardin, en sanscrit), parce que dans ce pays avait été jadis le parc d'un roi Tchakravarti ou souverain du monde; il était situé sur la rive droite de l'Indus, au nord du pays des Gandhȧras (1). Padma-sambhava enseigna au roi du Tibet beaucoup de pratiques religieuses, et l'usage de formules auxquelles les bouddhistes attachent un très-grand prix. Thisrong se rendit très-habile dans ce genre de connaissances, et vingt-cinq compagnons qu'il s'était choisis, surent acquérir par ces moyens toute sorte de facultés merveilleuses. Huit d'entre eux, au nombre desquels le monarque était compris, étaient parvenus à contempler la face d'autant de Bouddhas, dont l'auteur mongol rapporte les noms. Plusieurs de ces noms coïncident avec ceux des huit Dokchot que Pallas nous a fait connaître (2). Le titre de Bourkhan (Bouddha ), qui leur est attribué à tous, a droit de surprendre, puisque quelques-uns, par exemple Vadjra-pâni et Yamandaga, portent des noms connus pour appartenir à des intelligences du second ordre ou bodhisatouas. M. Schmidt, qui possède tant de moyens de résoudre les difficultés de ce genre, ne donne à ce sujet aucun éclaircissement.

(1) Pian-yi-tian, liv. LXIII. Notice sur le pays de Ou-tchang. On trouvera la traduction de cette notice et plusieurs autres relatives aux mêmes contrées, dans les notes et éclaircissemens qui suivront ma traduction du Fo koue ki. Voyez aussi le Wen hian thoung khao, liv. cccxxxvIII, pag. 13.

(2) Samml. Hist. Nachr. tome II, page 95.

Padma-sambhava ou le Maître, comme il était surnommé, avait formé le projet de faire composer des traductions du sanscrit en tibétain, et, pour cela, de faire apprendre à de jeunes Tibétains la langue sacrée de l'Hindoustan. Celui de ses élèves qui lui fit de plus d'honneur, et qu'à des marques particulières de pénétration il prétendait avoir reconnu pour une incar nation d'Ananda, se nommait Pagour Vaïrotchana. C'est celui dont le P. Horace a parlé sous le nom de Pe-ro-thza-na (1), et qui, suivant lui, avait concouru à la traduction des 108 volumes du Kaghiour. Sanang-Setsen dit seulement que tous les livres de doctrine et toutes les formules sans exception furent traduits en tibétain par lui et par ses collaborateurs, dont le chef (Padma-sambhava) était, comme on l'a vu, du pays d'Oudyâna, et dont le reste était des étrangers venus de l'Inde, du Nipol ou de la Chine. L'exécution d'une telle entreprise fit beaucoup d'honneur à Thisrong, qui fut regardé comme une incarnation de Mandjousri, et qualifié de roi Tchakravarti du milieu, faisant tourner mille roues d'or. Il régna vingt-quatre ans, et entra dans le Nirvana à l'âge de 56 ans, en 845.

Le règne de Thisrong est remarquable dans l'histoire tibétaine, non-seulement par la construction de

(1) Alphab. tibet. pag. 305. — Géorgi, par suite de la méprise qui a déjà été relevée, fait vivre Perothzana au 11. siècle. J'avais, par conjecture (Recherches tartares, tom. I, pag. 382), proposé une rectification de cette chronologie, qui se trouve complètement justifiée par le témoignage des auteurs mongols.

plusieurs temples célèbres, par l'arrivée dans le Tibet d'un grand nombre de savans religieux, venus de plusieurs contrées voisines, et enfin par la traduction en langue tibétaine du triple corps de doctrine intitulé en mongol, les trois Aïmâk Sava (1); mais plus encore par l'institution d'une hiérarchie parmi les prêtres et d'une sorte d'organisation ecclésiastique, que le monarque tibétain fonda par des réglemens. Ce fait, extrêmement important, résulte du témoignage précis des auteurs mongols, et a pour époque la première moitié du neuvième siècle de notre ère. C'est au moment où la religion bouddhique semble le plus solidement établie dans le Tibet, par la traduction des textes sacrés et la constitution ecclésiastique, qu'on voit paraître les premiers signes de division entre les sectes de cette religion. L'exemple des disputes théologiques est donné par deux Samanéens: l'un, venu de I'Hindoustan, se nommait Gamalashila; l'autre, Chinois de nation, était appelé Khochang Maha-yana. C'est ainsi que M. Schmidt désigne ces deux personnages; et quoiqu'il rapporte à leur sujet quelques particularités dans ses notes, il en aurait pu relever d'autres qui ne sont pas dénuées d'importance. Gamalashila, ou plus exactement Kamalashila [ Beauté de Nénuphar] est le nom sanscrit d'un personnage plus connu sous son nom tibétain de Ou-rgyan, et

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(1) C'est ce que les Chinois nomment San tsang ou les trois Collections, proprement les trois contenans; en sanscrit, Pitaka savoir, les Soûtras ou Aphorismes, les Vinayas ou Préceptes, et, Jes Abhidharmas ou Entretiens.

sur lequel on trouve des détails curieux dans un livre qui, comme on l'a déjà dit, a échappé aux savantes recherches de M. Schmidt (1). Le nom du second, Khochang Mahâ-yâna, est évidemment significatif, et il aurait pu, pour plus d'une raison, attirer l'attention du traducteur de Sanang-Setsen. Ho-chang est un mot de la langue de Khotan (2), dérivé du sanscrit Oupásika et introduit dans le chinois, où il désigne en général les prêtres bouddhistes. Mahâ-yâna est une expression sanscrite qu'on devait remarquer comme une singularité dans le nom d'un religieux de la Chine, et qui d'ailleurs avait précédemment arrêté M. Schmidt (3); elle s'applique à la grande doctrine ou à la doctrine secrète (4). Or Ho-chang, ou plutôt le Ho-chang dont

(1) Alphab. tibet. pag. 223, 242, 302.

(2) En langue fan, Yeou-po-che-kia, pour Oupásika. Les Chinois traduisent ce mot par li seng, robore nati. Mais M. E. Burnouf m'apprend que ce mot, qui désigne à Ceylan les croyans au bouddhisme, et spécialement les laïques, signifie proprement les fidèles.

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(3) Forschungen, u. s. w., pag. 253. II y rend les mots Mahayâna soûtra, d'après une traduction mongole, par un soutra de la grande tradition, einer Ssútra der grossen Ueberlieferung. II ajoute entre parenthèses le mot Lehre suivi d'un point de doute. Je remarque en outre, dit-il, que le mot tradition ou doctrine est pris par moi dans un sens figuré; car le mot correspondant, en mongol, gælgoun, signifie une bête de somme, une monture, comme »un cheval, un chameau, un âne, un éléphant, &c. » Le mot mongol gælgoun et le sanscrit yana signifient, dans le langage des bouddhistes, translation ou révolution. M. Schmidt trouvera de quoi lever ses doutes à cet égard, dans le Nouveau Journal asiatique d'avril 1831, p. 259.

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(4) Nouv. Journ. asiat. tom. VII, pag. 259.

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