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ceptions près) dans toutes les langues de la même famille, ils eussent prouvé uniquement la parenté générale de ces idiomes, mais non l'affinité particulière et plus intime du gothique avec le zend. Je me suis borné à des mots où l'élément propre à ces deux derniers idiomes pût être facilement reconnu, et j'ai voulu seulement détacher des recherches dont les textes zend sont devenus pour moi l'objet, un point que j'avais d'autant plus à cœur de soumettre à l'attention des philologues, qu'il a échappé à la sagacité de Rask, auquel ses recherches sur plusieurs dialectes d'origine germanique fournissaient des moyens de comparaison et des secours en quelque sorte nationaux. Eugène BURNOUf.

CRITIQUE LITTÉRAIRE.

Vocabulaire français-turc, à l'usage des interprètes et autres voyageurs dans le Levant, par T. X. BIANCHI. Paris, 1831 (1).

La langue turque, envisagée sous le rapport littéraire, n'offre pas des richesses aussi abondantes et aussi variées que les langues arabe et persane, quoique la belle collection des historiens ottomans, et quelques ouvrages estimables de géographie écrits en turc,

(1) Un vol. in-8.o de 1004 pages, chez l'auteur, rue de Beaune, n.o 41, et chez Dondey-Dupré.

mettent dans la balance un poids considérable. Dans l'intérêt du commerce et des voyages, le turc peut aller de pair avec l'arabe, et a l'avantage sur le persan; sous le point de vue diplomatique, la langue des Ottomans a sur les deux autres une supériorité d'importance incontestable. En effet, si l'on observe que, dans les parties de l'Orient habitées par des populations arabes, le turc est l'idiome parlé par les principaux dépositaires de l'autorité, que les traités avec la Porte et les régences barbaresques sont rédigés en cette langue, qu'elle est employée à la cour de Perse, dont le souverain tire son origine de la tribu des Kadjars; si l'on réfléchit sur-tout à la gravité des intérêts qui se traitent à Constantinople, on sera disposé à accorder au turc cette prééminence politique.

peu

Aux yeux du philologue, la langue turque présente un singulier phénomène. Conquérante comme le ple qui la parle, elle s'est emparée des langues arabe et persane, et se les est incorporées de telle sorte, qu'elle est devenue une espèce de trinité dont les élémens, mêlés sans se confondre, conservent un caractère distinct et particulier. De son côté, le persan s'est approprié une partie de la langue arabe, avec laquelle il a contracté une union intime, en repoussant l'alliance du turc. L'arabe seul a gardé son individualité; car le petit nombre de mots étrangers que les relations de peuple à peuple y ont introduits, comme cela arrive toujours, ne sont point une altération véritable de sa pureté primitive. Fière d'avoir produit le livre de la loi musulmane, regardé comme un prodige d'élo

quence, la langue arabe ouvre ses trésors au persan et au turc, sans user à leur égard du droit de réciprocité.

Telle est la liberté avec laquelle les auteurs turcs puisent des expressions et des locutions dans l'arabe et le persan, que les mots réellement turcs entrent à peine pour un tiers ou un quart dans leurs compositions. Il est même tel de leurs ouvrages, comme l'Humayoun name, où les mots turcs se rencontrent dans une proportion beaucoup moindre. Dans le style relevé, les Ottomans semblent dédaigner leur propre idiome, de même qu'ils renient le nom de Turcs, qu'ils regardent comme une injure. Mais on doit observer que, dans le style simple et dans le langage ordinaire de la conversation, le nombre des expressions arabes et persanes qu'ils emploient, quoique toujours trèsconsidérable, est cependant restreint dans des bornes qu'on ne pourrait dépasser sans tomber dans l'obscurité. Il est même certaines parties de l'Asie mineure où l'on parle un turc moins mélangé et plus rapproché de l'idiome primitif; mais ce langage est réputé grossier par la majorité des Ottomans, et sur tout par les habitans de Constantinople, où l'on peut dire que le turc est parlé avec le plus d'élégance.

Il résulte de cet emploi, dans le langage ordinaire, d'un nombre limité de mots étrangers naturalisés turcs, et, d'autre part, de la faculté illimitée laissée aux écrivains de faire des emprunts à l'arabe et au persan, que des personnes parlant fort bien le turc, qué des Turcs même ayant un certain degré d'instruction, ne peuvent comprendre des ouvrages de haut style, sans

le secours de dictionnaires arabes et persans. C'est un vice de la langue, qui retarde chez eux les progrès des

connaissances.

Un autre défaut du style turc, sur-tout de celui de chancellerie, c'est la longueur et l'enchaînement des périodes. Au moyen de certaines formules de liaison dont la langue offre une malheureuse abondance, les écrivains turcs réunissent une multitude de phrases, laissant suspendu le sens de chacune jusqu'à la fin de la dernière. Ils se plaisent à jeter ainsi le lecteur au milieu d'immenses labyrinthes dont le fil est toujours près d'échapper à son attention.

A la vérité, ce défaut appartient plutôt au goût et aux habitudes des écrivains qu'à la langue elle-même; car, dans le langage usuel, la phraséologie turque, malgré ses inversions, a de la simplicité, et il ne serait pas difficile d'écrire avec autant de clarté que l'on parle. Je crois que les Turcs sont un peu sur la voie des améliorations à cet égard. Constantinople donne le ton aux provinces musulmanes; et dans les pièces émanées de la Porte, on remarque, dit-on, un système de rédaction moins compliqué qu'autrefois. On assure que la simplification du style de chancellerie est une des réformes entreprises par le sultan actuel. La publication de gazettes turques contribuera sur-tout à répandre parmi la nation ottomane l'usage d'une manière d'écrire claire, précise, exempte d'enflure.

On a lieu de s'étonner que les Turcs n'aient composé jusqu'ici aucun ouvrage de grammaire pour leur langue. Le zèle avec lequel ils cultivent l'arabe et le

persan, devenus classiques pour eux, le nombre des traités grammaticaux qu'ils ont écrits pour ces langues, et sur-tout pour la première, contrastent singulièrement avec l'indifférence qu'ils témoignent pour leur propre idiome. Des savans européens ont réparé cette omission, quant aux élémens ou partie étymologique, mais ils se sont arrêtés devant la partie méthodique ou syntaxe. Ce sujet est épineux à traiter, parce qu'il est neuf et aussi parce qu'il y a du vague dans la syntaxe turque. Il est à regretter qu'aucun écrivain national ne se soit occupé d'en fixer les règles.

Pour ce qui concerne les travaux lexicographiques, les Turcs en ont fait beaucoup et de fort considérables, principalement pour l'arabe, et n'en peuvent citer pour leur langue qu'un seul véritablement important: c'est le dictionnaire in-fol. intitulé Lehdjet-ul-loghat, imprimé à Constantinople en 1216 de l'hégire, livre estimable et précieux, mais qui ne suppose pas encore dans son auteur, As-àd éfendi, un amour pour la langue turque aussi ardent que celui dont était animé le savant et laborieux Méninski lorsqu'il a exécuté son immense ouvrage. Le Lehdjet-ul-loghat paraît d'ailleurs moins destiné à déterminer la signification des mots turcs qu'à faciliter aux Ottomans la connaissance et l'emploi des termes persans et arabes. On peut en dire autant des vocabulaires trilingues intitulés Teuhfei-chahidi et Nazm-uddjevahir. Ces deux petites productions, dont la seconde a été imprimée à Constantinople il y a peu d'années (en mai 1826), sont écrites en vers, comme notre Jardin des racines grec

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