VIE DE M. CHARLES NODIER DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE. Il est des esprits éminents qui, venus au monde pour résumer en quelque sorte le caractère, les mœurs d'une époque ou d'une nation, semblent s'être enrichis çà et là, butinant comme l'abeille, et recevant le tribut intellectuel de leurs contemporains. Ces génies faciles à classer et tout formés aux allures de leur temps, dont ils sont les historiens et les peintres, jouissent d'une popularité fort grande. On se plaît à réfléchir son image dans leurs écrits; ils appartiennent à tout le monde, comme Molière; ils épurent, ils mettent en œuvre l'esprit de tout le monde, ainsi que l'a fait Voltaire. D'autres hommes, et la vocation de ces derniers est la plus impérieuse, la plus réelle, sinon la plus éclatante en résultats, ne puisent l'inspiration qu'en eux-mêmes; leur originalité est le trait distinctif de leur talent, leurs livres les racontent et leur esprit porte leur nom. Charles Nodier occupe une place unique et respectable au milieu de ces artistes inimitables et singuliers. Dès qu'on essaie d'appliquer à ces écrivains de fantaisie, de sentiment et, si l'on peut ainsi dire, d'i vidualité, des comparaisons plus ou moins spécieuses vous contredisent à l'instant, vous égarent et vous mentent, tant le vol de leur imagination est capricie tant leurs idées se succèdent imprévues et indépendan Sterne, Hoffmann, Bernardin de Saint-Pierre, Bal: Cyrano, Montaigne, Henri Estienne, nous présente chacun dans les conditions particulières de leur gé quelques-uns de ces traits exclusivement propres à physionomie, et auxquels ils durent d'être excepte mis à part parmi les gens illustres de leur siècle. Q ne s'étonne pas de ce rapprochement de plusieurs n que l'on ne s'avise guère de grouper; ils ont tour à 1 servi à dépeindre Nodier ; à aider les critiques, dépi quand les classifications leur font défaut dans l recherches obstinées de traditions d'école et de filiat littéraires; méthode vicieuse, et dont l'usage est på leux lorsqu'il s'agit d'un auteur dans le genre de celui nous occupe. C'est en lui-même, et sans se préoccupe dehors, qu'on doit chercher cet écrivain, bien plus c plet, bien plus varié à notre sens, que la plupart de c auxquels on l'a assimilé. Ce qui distingue principalement la manière de C les Nodier, l'homme assurément le plus fin, le spirituel, le plus incisif qui ait paru en France de Voltaire, et avec un genre d'esprit bizarre et iné c'est le jeu continuel de la sensibilité, et l'anima incessante du cœur que l'on sent battre jusque ses passages les plus satiriques. Il raille avec sorte de mélancolie; l'on sent qu'en lui l'esprit dor abonde est doublé d'une âme compatissante et bor L'alliance de ces deux qualités est infiniment rare; là ce qui a valu à Nodier, comme à La Fontaine, ce re |