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nombre de peintres et de sculpteurs dont Sa Majesté ignoroit également et les noms et les ouvrages. Elle en avoit fait rayer sur le champ toute cette troupe d'hommes obscurs, n'y avoit conservé qu'un très petit nombre de maîtres d'une certaine réputation, et avoit déclaré qu'à l'avenir elle entendoit qu'on n'y admît que des sujets d'un mérite supérieur. Des intentions aussi justes de la part du maître ne pouvoient être mieux confiées qu'à M. Colbert, et l'on a vu combien, dans toutes les occasions, il a su les remplir dignement.

L'arrêt ne tarda pas à être mis en exécution. L'on commença, dès qu'on en fut muni, par le faire signifier à quinze ou vingt des plus notables d'entre les brevetaires, du nombre desquels l'on peut croire que l'on n'oublia pas de mettre MM. Mignard et du Fresnoy. Le coup parut les abasourdir de prime abord. Les jours suivants, on les vit un peu chanceler sur le parti qu'ils avoient à prendre. L'exemple de plusieurs des mieux méritants d'entre les leurs parut les déterminer sur-lechamp, mais ce fut pour prendre tout-à-fait le contre-pied de leur conduite. Leur penchant à donner le ton aux autres, qui ne pouvoit être ni plus vif ni plus impérieux, fit qu'ils ne vouloient pas qu'on les pût seulement soupçonner d'être gens à le recevoir. Incapables d'ailleurs, par leur humeur et leur caractère, de la moindre flexibilité, surtout

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le premier, ils prirent le pitoyable parti de se ranger sous les lois de la maîtrise. Ainsi, cet homme qui tranchoit tant du noble et du magnanime se montra assez dénué de vrais sentiments d'honneur, pour non seulement s'unir à un vil corps de métier, ennemi implacable des beaux-arts, mais pour choisir encore cette union dans la vue d'avilir ces arts mêmes, de les vexer, de les dégrader, autant qu'il seroit en son pouvoir, en élevant, s'il est permis d'user ici de cette expression, corps contre corps, et autel contre autel.

Le premier pas que M. Mignard fit dans la maîtrise décela toute la noirceur de cette visée, et celle de l'esprit dont il étoit animé. Il commença par s'établir le chef de cet illustre corps, et y fit tant et si bien prôner la grandeur de son crédit, qu'il l'eut bientôt imbu de l'opinion que c'en étoit fait de l'Académie royale, puisque jamais elle n'en pourroit soutenir le poids. Personne d'entre les maîtres n'en douta presque plus, lorsqu'il leur eut fait entendre qu'il leur alloit procurer les exercices publics, avec l'étude du modèle, à l'instar de ceux de l'Académie; mais qu'il prétendoit donner aux leurs une telle supériorité à tous égards, que la chute et l'extinction des autres ne seroient l'affaire que de peu de mois.

Il est vrai qu'il prenoit de fortes mesures pour venir à bout de cet insidieux projet. La vogue où

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il s'étoit mis à la Cour par son manége et ses portraits lui avoit fait des partisans et des protecteurs considérables. Il employa toute la souplesse de son esprit à les mettre en œuvre, et à lui faire gagner ce point si important pour son orgueil auprès de M. Colbert. Sans un titre dérogatoire à l'arrêt du 24 novembre 1662, rendu contre Bosse, il n'y avoit point de prudence de passer outre, et il n'y avoit guère à se flatter d'en obtenir un sans des raisons bien transcendantes, d'un ministre aussi ferme et aussi instruit. Faute d'en avoir de solides, on en allégua de spécieuses. La plus considérable fut que l'établissement d'une seconde école exciteroit une plus forte et plus vive émulation, laquelle tourneroit tout entière au profit des arts. Ces raisons, débitées de vive voix, n'ayant fait qu'une assez légère impression, l'on prit le parti de les rédiger par écrit, et on les déduisit fort au long dans un mémoire dressé avec beaucoup d'art, que l'on présenta au ministre. M. Colbert le fit donner en communication à l'Académie, et demanda qu'elle y fît ses observations en forme de réponse. Elle y satisfit avec toute la force que pouvoit inspirer la défense d'une si bonne cause. Mais il y eut ensuite tant de répliques, de dupliques, de contredits et de suppléments, que les affaires de l'Académie en souffrirent une interversion notable. Et, comme c'étoit là le fait de la maîtrise,

la contestation eût traîné à l'infini, si M. du Metz n'eût interposé ses bons offices, et ne l'eût mise en état d'être jugée définitivement. Elle le fut à l'avantage complet de l'Académie et à la honte de son adversaire, dont le projet fut rejeté en plein et mis au néant.

Rendue ainsi encore une fois à elle-même, l'Académie se tourna tout entière vers le grand objet de son application et de ses vœux, et ne songea plus qu'à mettre la dernière main aux nouveaux statuts qui devoient fixer et assurer son état d'une manière inaltérable. Les secours qu'elle trouva pour la consommation de cet heureux ouvrage dans le zèle, l'amour et les soins infatigables de M. du Metz, le doivent faire considérer d'elle comme une espèce de second fondateur. Heureusement né du côté du cœur et de l'esprit, il aimoit la vertu et les talents, et les servoit avec une tendresse et une industrie également ardentes et pures. Les ayant trouvés réunis dans la constitution et les maximes du corps académique, il en embrassa les intérêts en véritable homme de bien qu'il étoit. Peu de personnes l'ont obligé plus essentiellement et plus noblement. Non content d'avoir, par ses amis et ses instances, obtenu des prix annuels et royaux, en faveur des étudiants, il a, le premier, donné l'exemple de leur en proposer et délivrer de particuliers; tantôt d'une montre à boîte d'or, tantôt

d'une médaille d'or ou de quelque autre effet de pareille considération. Sa sollicitude et ses bienfaits ayant incité nos académiciens à lui déférer le directorat, il les en remercia avec politesse, acceptant, toutefois, disoit-il, l'honneur qu'ils lui faisoient, de vouloir bien qu'il leur fût associé, mais en la simple qualité d'amateur. L'immortelle reconnoissance due par nous et nos successeurs à ce citoyen digne des siècles les plus heureux, me fait déposer ici ce témoignage, dont la sincérité et l'exactitude sont connues de tous.

Enfin, grâces à la sagacité et à la diligence de M. du Metz, le corps complet des nouveaux statuts et les lettres patentes destinées à l'approuver et le confirmer reçurent la forme dernière et furent remis devant M. Colbert. Le corps des statuts étoit composé de vingt-sept articles, la plupart formés sur ceux des statuts précédents de 1648 et de 1655, les autres fondés sur des délibérations de l'Académie, et le tout travaillé avec l'attention et les précautions expliquées ci-dessus. Les lettres patentes commençoient par confirmer ces statuts. Elles confirmoient ensuite les priviléges, exemptions, honneurs, etc., dans l'esprit de l'avis de M. Fournier; prononçoient sur la protection et la vice-protection déférées à M. le chancelier et à M. Colbert; validoient la pension annuelle de quatre mille livres; renouveloient la

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