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chant le sort de ses lettres, quand une fois elles seroient sorties de ses mains; ils s'offrirent de garantir, en leur propre et privé nom, l'engagement qu'ils lui proposoient au nom de la compagnie. Il rejeta leur offre avec les dernières marques de mépris et d'emportement. Ainsi, il ne leur resta plus d'autre parti à prendre que d'abandonner cet insensé à sa propre fureur.

Il n'en usa guère plus décemment ni plus raisonnablement dans nos assemblées. Dans celles où il assistoit ce n'étoient, de sa part, que pointillages, qu'altercations et qu'excès; il s'oublia tellement dans une des dernières où il se trouva, qu'il donna, aux officiers de l'Académie, un démenti formel, sur un fait prouvé par les actes conservés dans nos registres, et sur d'autres vérités non moins avérées et qu'il nioit avec exécration; il s'absenta d'une autre assemblée tout exprès pour y envoyer un libelle fort incivil et très mordant. L'émotion qu'y produisit ce libelle fit souvenir de la démarche de conciliation que s'étoient chargés de faire les deux députés amis du sieur Bosse. La compagnie les requit d'en faire le rapport. Le compte naïf qu'ils rendirent de tout ce qui s'étoit passé dans cette entrevue remplit l'assemblée de la plus vive indignation.

M. Le Brun, qui y présidoit, proposa que, sans autre délai, l'Académie procédât contre une con

par

duite d'une si pernicieuse conséquence, suivant la rigueur des règlements. Tous les membres de cette assemblée se montrèrent prêts à se ranger du même avis. Il prit en gré au seul M. Bourdon de venir au secours du réfractaire, de demander que l'on usât encore envers lui de quelque indulgence et que l'on tâchât de le ramener par la douceur. M. Le Brun lui représenta combien, après ce qu'il venoit d'entendre lui-même, le mal étoit venu à son comble, le peu de succès qu'il y avoit désormais à attendre de procédés amiables et combien l'honneur et l'autorité de l'Académie se trouvoient compromis à force de multiplier ainsi les tentatives et les délais. Les autres officiers de l'Académie renchérirent encore sur ces réflexions et insistèrent fortement sur la nécessité de mettre fin à tout ce scandaleux tracas. Leur sentiment déplut à M. Bourdon; contre son ordinaire, il le repoussa avec humeur, et, en se fâchant de plus en plus, lâcha quelques expressions aigres et choquantes qui portèrent particulièrement sur M. Le Brun. Celui-ci les releva aussitôt et peut-être un peu trop vertement. Sur quoi querelle en forme, et paroles assez vives de part et d'autre, qui n'eussent pas manqué de s'échauffer encore sans la sage entremise de quelques collègues estimés et aimés des deux contendants, dont la prudence rompit le cours de ce débat. L'assemblée se rompit

d'elle-même et le sieur Bosse, par ce second incident, gagna encore un nouveau répit, duquel il ne profita pas mieux que du précédent.

La brouillerie de deux hommes du mérite et de la réputation de MM. Le Brun et Bourdon ne pouvoit subsister sans porter un préjudice notable aux affaires de l'Académie. Aussi la compagnie n'oublia-t-elle rien pour la faire cesser. Elle députa ce qu'il y avoit parmi elle de plus capable et de plus liant pour travailler à la réconciliation de ces deux hommes capitaux. La négociation ne fut pas difficile à être conduite à bien. Ils étoient prévenus l'un pour l'autre d'une estime sincère et parfaite. Tous deux étoient animés d'un véritable esprit d'union et de paix; et si ce n'étoit pas avec la même élévation de sentiments, c'étoit du moins avec des intentions d'une égale droiture et d'une égale pureté. Et telle étoit la suavité, la politesse de leurs mœurs que, pour se rapprocher l'un de l'autre, chacun de son côté étoit disposé à faire le premier pas. L'entremise des députés se réduisit ainsi aux plus simples démarches usitées en occurrence semblable. Un généreux oubli fut réciproquement proposé pour toute condition de raccommodement. Un embrassement loyal et fraternel y mit le sceau et termina ce démêlé pour toujours. L'Académie compta parmi ses jours heureux celui qui lui ramena ces deux grands hommes, qu'ave

raison elle regardoit comme deux de ses plus illustres et plus solides soutiens. Elle n'eut pas cependant, durant les premiers mois qui suivirent ce raccommodement, la satisfaction complète de les voir reprendre leur ancienne assiduité. Il resta dans chacun d'eux quelque éloignement pour les assemblées, ou plutôt pour les occasions de tout nouveau débat. Peu à peu ces impressions de prudence firent place aux mouvements de leur zèle ordinaire qui leur firent reprendre leur train accoutumé.

La confusion tomba enfin sur l'auteur de tous ces derniers désordres par le jugement solennel que l'Académie, après bien d'autres tracas encore, se trouva forcée de rendre contre le séditieux et irréductible Bosse. Ce jugement, délibéré et arrêté en une assemblée générale expressément convoquée pour cet effet, destitua ce réfractaire de la qualité d'académicien, avec privation de tous les honneurs, prérogatives, priviléges et droits y attachés, et de plus annula les lettres de provisions à lui accordées ci-devant; révoqua tous autres actes qui avoient pu être faits en sa faveur, les déclarant comme non avenus, et ordonna qu'il ne seroit plus reçu en l'Académie ni lu en ses assemblées aucun mémoire ni écrit du sieur Bosse ni aucune autre production venant de sa part directement ou indirectement. Quelque soin qu'il se fût

toujours donné et de quelque souplesse qu'il eût usé pour circonvenir plusieurs des plus accrédités d'entre nos académiciens, et les intéresser dans ce qu'il appeloit la justice de sa cause, aucun d'eux n'osa, en cette occasion, se porter son défenseur ni même intercéder pour lui, et, frappé ainsi d'un abandon absolu et général, sa condamnation fut conclue et ordonnée tout d'une voix.

En expulsant de la sorte ce membre turbulent et contentieux, et en fermant tout accès à ses bilieux et impudents écrits, l'Académie se délivra sans retour de cette longue suite de troubles journaliers qu'elle avoit vus succéder à ceux de la jonction et qui n'avoient cessé de l'agiter depuis. Elle rentra aussitôt dans cette pleine et constante tranquillité, dont, par un véritable excès de bonté, elle ne s'étoit privée que durant trop de temps; car, pour les entreprises que le dépit et la haine de Bosse lui firent former au dehors, elle ne crut pas devoir y faire la moindre attention. Il les poussa assez loin cependant pour obliger la Cour d'en prendre connoissance et de les réprimer par un arrêt du conseil d'en haut, ainsi qu'il sera expliqué ci-après. Mais elle les regardoit comme hors de portée désormais de pouvoir donner atteinte à cette paix intérieure dont elle jouissoit; et, saisie de cet objet de sa prédilection, elle ne connoissoit plus d'autre sollicitude que celle d'en

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