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mination supérieure ou par quelque événement extraordinaire. La détermination ne se pouvoit guère espérer tant que M. Ratabon seroit à la tête des bâtiments. L'on convint donc qu'il falloit de nécessité s'en remettre au sort d'un événement.

Cet événement arriva plus tôt qu'on ne paraissoit avoir eu lieu de s'y attendre. M. le cardinal Mazarin mourut le 9 mars 1661. La qualité de protecteur de l'Académie, qui lui avoit été déférée, en 1655, par le conseil et sur la démission de M. le chancelier, devoit indispensablement lui être reportée par l'Académie, afin qu'il reprît de dessus elle le premier rang dont il avoit bien voulu descendre alors pour l'obliger; ceux qui étoient à la tête de la compagnie, et qui la dominoient, savoient trop combien il leur importoit de ne la point faire paroître devant M. le chancelier sans être assistés de M.Le Brun. Afin qu'il ne leur manquât point dans ce besoin, ils le firent inviter à cette démarche une députation qu'ils eurent l'attention de composer de ses meilleurs amis. Il se fit honneur de la circonstance, et se remit, par là, dans le train de se retrouver avec la compagnie quand il le jugeroit propos. M. le chancelier la reçut avec son affabilité et sa bonté ordinaires, caressa beaucoup M. Le Brun, accepta le protectorat qui faisoit l'objet de cette démarche de l'Académie, laquelle ne fournit rien de remarquable au demeurant, sinon

à

par

un petit manque de souvenir de la part de M. Ratabon, dont nos gens, par la suite, surent merveilleusement bien faire leur profit.

Dans le compliment qu'il fit en cette occasion à M. le chancelier, il oublia, tout net, de pressentir ses intentions sur le choix d'un vice-protecteur, que l'Académie avoit à remplacer. Peu de jours après, la cour partit pour Fontainebleau. Ainsi, il ne fut pas question par la compagnie de retourner sur ses pas, pour suppléer cette omission. Le secrétaire de l'Académie s'en prévalut avec une dextérité digne de lui en l'assemblée générale qui se tint à la fin du mois de juin suivant. C'étoit celle où l'on avoit coutume de procéder au changement des officiers. Après que l'on y eut pourvu à ce changement selon les errements nouveaux, c'est-à-dire au gré de MM. Errard et de son patron, le secrétaire, sans affectation, et comme s'il se fût agi d'une suite nécessaire de ce détail, mit en question s'il ne seroit pas du devoir de l'Académie de s'adresser à M. le chancelier pour savoir s'il désiroit nommer à la place de vice-protecteur, ou s'il lui plairoit de réunir cette qualité en sa personne à celle de protecteur, qu'il avoit bien voulu agréer. L'affirmative de cette proposition passa tout uniment, comme il étoit assez naturel, et il fut convenu, n'étant point à présumer que de longtemps M. le chancelier se trouvât à

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Paris, qu'on lui feroit une députation à Fontainebleau. M. Ratabon fut mis à la tête de cette députation, que l'on composa, pour plus grande commodité, de ceux des membres de l'Académie qui se trouvoient alors occupés sur les lieux. Les bien intentionnés, à telles fins que de raison, y firent ajouter le secrétaire Testelin.

Dès que celui-ci vit la partie ainsi liée, il travailla en grand secret, avec M. Le Brun, à minuter divers points d'un nouveau règlement qui pût rédimer l'Académie des vexations où elle se trouva exposée, et la mettre à l'abri de semblables entreprises pour l'avenir. Il s'agissoit aussi entre eux de trouver un vice-protecteur qui, de concert avec M. le chancelier et par ses propres dispositions, fût en état et eût la volonté d'appuyer et de faire valoir les nouveaux arrangements qu'il convenoit de prendre, et rompre le cours des abus existants. Le commun des bien intentionnés s'étoit mis en tête que le but de M. Le Brun étoit de faire tomber la place de vice-protecteur à M. Fouquet, l'homme du monde le plus munificent, de qui il étoit singulièrement bien voulu, et qui étoit alors dans une faveur extrêmement éclatante, et qu'il songeoit à se faire donner après cela à lui-même la place de directeur de l'Académie. Cet excellent homme pensoit et trop sagement et trop solidement pour concevoir un tel dessein. Cet éclat mê

me de la faveur de M. Fouquet y formoit un obstacle décisif. Une qualité subordonnée sembloit y désassortir trop pour que l'offre n'en dût déplaire plutôt qu'agréer. La dépossession de M. Ratabon, pour être remplacé par M. Le Brun, M. Le Brun, répugnoit également à la modestie de celui-ci et à la saine raison. Quand même on eût pu parvenir à exclure celui-là du directorat, la préséance, dans l'Académie, ne lui étoit pas moins acquise par les statuts en certains cas, en sa qualité de surintendant des bâtiments. D'ailleurs, quel abîme de troubles toujours renaissants, qu'un arrangement qui n'eût paru fondé que sur la récrimination et sur l'intérêt personnel. Ceux qui connoissoient bien M. Le Brun lui rendoient plus de justice, et savoient qu'uniquement occupé de la liberté et de la gloire des beaux-arts, il n'entreprendroit jamais de les défendre ou de les relever que par les voies de l'honnêteté et de l'honneur.

Le bon génie de l'Académie protégea des intentions aussi nobles et aussi pures, et conduisit si heureusement cette affaire, qu'à moins d'un miracle, ou d'une providence surnaturelle, il n'étoit pas possible de penser ou d'espérer rien de plus avantageux pour notre compagnie et pour les arts que l'issue de cet événement. M. Colbert avoit été donné au roi, par feu M. le cardinal Mazarin, comme un sujet de confiance et de distinction. Le roi goûtoit

fort son esprit, et le consultoit dans une infinité d'affaires. Pour se rendre de plus en plus capable de servir un tel maître, il recherchoit les hommes les plus habiles en tout genre, afin de s'instruire avec eux à fond de tout ce que chaque objet d'administration pouvoit avoir de particulier et d'intéressant. Il comprit bientôt les secours qu'il pouvoit tirer de M. Le Brun par rapport à la connoissance des beaux-arts, pour lesquels il se sentoit naturellement une forte passion. Les affaires de ce grand peintre l'attiroient assez souvent à la cour. M. Colbert ne manqua pas de l'accueillir, et de l'engager à des entretiens, lesquels, pour un esprit comme celui dont il étoit doué, ne pouvoient être ni plus attrayants, ni plus fructueux. En fort peu de temps, les mystères les plus sublimes de ces arts lui furent dévoilés. L'utilité de ces mêmes arts pour le bien et la gloire de l'État fut examinée à son tour, aussi bien que celle de l'Académie, destinée à en assurer et en perpétuer la bonne culture. Jamais les intérêts des uns et de l'autre ne s'étoient trouvés en de meilleures ni de plus dignes mains. Si la beauté et la noblesse des idées, des vues et des sentiments de M. Le Brun charmèrent M. Colbert, l'autre ne demeura pas moins ravi de voir toute la sagacité et la pénétration de cet homme né supérieur, et de démêler en lui ces hautes et lumineuses intentions, dont on

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