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honte, à l'horreur et à la femme. Voilà quelle estoit de ce costé la consternation.

Dedans Paris au contraire ne retentissoyent que les esclats d'une incomparable gayeté. Quelques princesses et grands se parèrent d'escharpes vertes, et, comme si avec la joye le courage eust changé de parti, voilà les galands sur les rangs à demander les coups de pistolets, dont se fit le duel d'entre L'Isle-Marivaut1 et Marolles. Ces deux s'estans deffiez d'un coup de lance avant mettre la main à l'espée, L'Isle coucha en arrest. L'autre aima mieux se fier en sa justesse et, prenant sa carrière un sillon entre deux, comme à courre la bague, logea le fer de sa lance entre les deux yeux de son ennemi, qui fut combatre d'une grande froideur, et l'estendit mort sur la place3. Cette victoire, qui fut bien autrement eslevée que celle du jour d'auparavant, fut un eschantillon de bonne espérance pour les autres, que les liguez se promettoyent à l'avenir. Il est bon de sçavoir comment tous les princes et seigneurs de l'armée assemblée firent une notable déclaration pour la recognoissance

1. Claude de l'Isle, s. de Marivaux, gouverneur du château d'Arques, gouverneur de Laon, lieutenant général au gouvernement de l'Ile-de-France, chevalier des ordres en 1595, mort en 1598.

2. Claude de Marolles, père du célèbre abbé de Marolles et partisan acharné de la Ligue.

3. Le duel entre Marivaux et Marolles eut lieu le 1er août 1589 (Lettres de Henri IV, t. II, p. 499, note). On conserve une relation de ce combat dans le vol. 20152 du fonds français, f. 407.

4. Allusion au combat singulier de d'Aubigné avec le s. de l'Éronière. Voyez le chapitre précédent.

5. La fin de l'alinéa manque à l'édition de 1620.

6. Le 4 août 1589, par une déclaration officielle, le roi jura de

de Henri IV, leur roi. Mais cette pièce fut mal signée pour le différent des ordres, ou en vérité ou en couverture de leur mauvaise volonté, ce qui parut en la dépesche vers le pape pour les catholiques seulement.

Or nous lairrons les deux partis en ceste grande diversité de faces, de conditions et de pensées, et avons attendu jusques ici à nous servir de la tresve qui devoit quelques mois plustost partager nostre livre pour deux principales raisons l'une que le parlement, n'ayant peu si tost estre establi à Tours, n'avoit peu aussi émologuer ceste pièce, laquelle sous le nom de tresve eut plus d'efficace qu'aucune paix, et aussi qu'à ce poinct vient bien à propos un nom, un estat et un roi tous nouveaux.

CHAPITRE XXV.

Liaison des affaires de France avec les quatre voisins.

En Allemagne se faisoyent de toutes parts diverses pratiques. Celles des réformez n'y avoyent plus de

maintenir la religion catholique en toute souveraineté dans les villes où la réforme n'était pas ouvertement pratiquée, et promit, quant à lui, de se faire instruire. Moyennant cette promesse, la plupart des seigneurs de l'armée royale le reconnurent pour roi. La déclaration des seigneurs catholiques, datée du 4 août 1589, fut signée par le prince de Conti, les ducs de Montpensier, de Longueville, de Piney, de Montbazon, par Biron, d'Aumont, d'Inteville, Nicolas et Louis d'Angennes de Rambouillet, Châteauvieux, Clermont d'Entragues, Manon, Richelieu, etc. D'Épernon refusa de signer sous prétexte que la préséance avait été donnée aux maréchaux. Ces deux pièces ont été souvent imprimées et se trouvent notamment dans le Recueil des anciennes lois d'Isambert, t. XV, p. 5.

vigueur, tant pour leur pauvreté que pour le mauvais succès des choses passées; car le peuple ne juge pas des causes aux effects, comme font les prudens. Les négociations pour le roi n'alloyent guère mieux, car ses pensionnaires estoyent trompez à tous coups pour la diversion des deniers au cabinet, ou bien desbauchez par les diligences des Lorrains, ausquels le roi d'Espagne, le pape et l'empereur prestoyent tout ce qu'ils avoyent de créance, crédit et authorité. Le duc de Guise avoit attachez à ses volontez particulières les collomnels Chomberg, Bassompierre, Taubith et HautPlot1. Et, pour vous faire voir comment il leur rendit compte soigneusement de ses actions, vous n'avez qu'à lire la lettre à Bassompierre que nous avons insérée ci-devant2.

La Lorraine, qui avoit tousjours observé quelque neutralité aux guerres passées pour la crainte des passages d'armée ausquels elle est subjette, se fit à ces derniers mouvemens partisane de la Ligue à jeu descouvert, pource que, la confusion de France venant au poinct où on la vouloit mener, les liguez n'avoyent point désigné certainement quel prince succéderoit au roi Charles X, comme ils appelloyent le cardinal de Bourbon; et, quelques vertus éminentes qui parussent au duc de Guise, quelque faveur que le pape lui portast, tout cela n'alloit qu'au dernier eschelon de la royauté. Cettui-là si haut et le morceau si friand qu'il sembloit n'estre que pour un qui eust desjà gousté

1. Gaspard de Schomberg, comte de Nanteuil; Christophe de Bassompierre, colonel au service du duc de Lorraine.

2. Lettre du duc de Guise à Bassompierre, du 21 mai 1588. Voyez ci-dessus, liv. XI, chap. xxiv.

la souveraineté. D'ailleurs, il y avoit quelque apparence que les préparatifs faits par ceux de Lorraine devoyent estre au profit du chef de la maison. Le peuple avoit le nom et la rigueur espagnolle en haine, horsmis les ecclésiastiques, desquels nous dirons le goust en un autre lieu. On craignoit les exactions de Savoye, l'avarice des Italiens et leurs inventions. Tout cela sembloit rire au duc de Lorraine, de mesme langage et mœurs que nous. Cet espoir, coulé licentieusement en son esprit par les modesties et simplicitez du duc de Guise, faisoit que ce prince perdoit toutes circonspections, et au fait de la Ligue mettoit le tout pour le tout.

Le duc de Savoye1, qui se sentoit les reins plus fermes et n'embrassoit pas tant, se contentoit d'arondir sa pièce, de quoi vous avez eu des nouvelles aux Estats. Ce prince donc, ayant menacé Genève et de n'aguères espousé la fille puis-née d'Espagne2, se résolut d'en espouser aussi les passions. On lui remonstra que Charles-Philibert3, son père, avoit régné et plus gagné par la douceur que par la violence, tesmoin sa tolérence, quand les Suisses avoyent enjambé sur son estat; la liberté de religion qu'il souffroit aux vallées d'Angrongne et de Pragela; les bons et pacifiques conseils que receut en Savoye retournant de Poulongne le roi Henri. A cela on

1. Charles-Emmanuel, duc de Savoie depuis 1580.

2. Charles-Emmanuel de Savoie avait épousé l'infante Catherine, fille de Philippe II et d'Élisabeth de Valois.

3. Philibert-Emmanuel de Savoie, duc de Savoie, le vainqueur de Saint-Quentin, l'époux de Marguerite de France.

4. Henri III, revenant de Pologne, s'arrêta, le 24 août 1574, à Turin. Voyez le tome IV, p. 269.

adjoustoit qu'il irriteroit par ses mouvemens la censure du pape, les jalousies des Italiens, la prudence et force des Vénitiens, la pesante fureur des Suisses, l'authorité de l'empereur et les insolences des François, desquels il sentiroit le premier des mutations; et d'ailleurs qu'il devoit encor à la France une grande courtoisie de lui avoir rendu Savignan et Pignerol1 sans apparente nécessité.

En mesprisant toutes ces choses, voici le rideau qu'il mit au-devant de son action. Il escrit au pape que Lesdiguières se vouloit emparer de ses places, pour faire une retraite aux huguenots au milieu de sa souveraineté. Il envoye un ambassade au roi, pour lui faire enduire ce morseau à la mesme saulse du zèle de l'Église, y adjoustant, pour marque de sa continence, qu'il ne veut tenir ces places que sous l'authorité du roi2, demeurant tousjours souverain; et cependant change la monnoye, donne les grâces, change les officiers, arbore les armes de Savoye et abbat les fleurs de lis; faisant en mesme temps courir quelques discours sans son aveu, par lesquels il est exposé comment un marquis de Salusse, vassal de Savoye, eut son fief confisqué pour s'estre rebellé contre Charles VI, duc de Savoye3; que ainsi le marquisat estoit un fief de Savoye. Je laisse l'adoration du prince Hubert

1. Restitution de Savigliano et de Pignerol au duc de Savoie, 14 décembre 1574. Voyez le tome IV, p. 269 et 270.

2. Voyez plus loin l'indication d'une partie de la correspondance du roi avec le duc de Savoie.

3. Prise du marquisat de Saluces, fin septembre 1588. Voyez une relation contenue dans les Mémoires de la Ligue, t. III, p. 692 et suiv.

4. Humbert III de Savoie, dit le Saint, vivait au xío siècle,

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