Sur les tilleuls fleuris enlève son butin, Moissonne la lavande et dépouille le thym. Tout s'empresse; partout coule un miel odorant. L'un tour à tour enferme et déchaîne les vents; On sent que le premier charme de cette -comparaison est la variété qu'elle produit, et que l'imagination aime à passer de ces foibles animaux pétrissant la cire et distilant le miel dans leurs humbles cellules, à ces robustes fils de Vulcain, qui dans leurs forges brûlantes fatiguent l'enclume, et façonnent les métaux. Par le même artifice, et, pour le même but, le poëte compare les grands objets aux petits; ainsi Virgile, après avoir peint les Troyens, préparant à l'envi leur départ de Carthage, ajoute : Ainsi, quand des fourmis la diligente armée, L'une conduit la troupe, et trace le chemin; L'autre, non sans effort, pousse un énorme grain; paresse; Pour le bien de l'État, tout agit, tout s'empresse ; C'est ici que la richesse et la variété sont Virgile a quelquefois poussé plus loin encore cette heureuse hardiesse. Dans l'un de ses six derniers livres, si décriés par une tradition collégiale adoptée par M. de Laharpe lui-même, Vulcain ayant consenti à forger, sur la demande de Vénus, une armure pour le fils de cette déesse, se lève bien avant le retour de la lumière. Pour exprimer cette diligence, le poëte pouvoit tirer sa comparaison de l'aurore ou du soleil, ou de quelqu'autre objet de la nature convenable à la noblesse du personnage. Le besoin de variété l'a conduit à celle qui suit: A peine un court sommeil a fermé sa paupière, Et, telle que, rendue ses soins journaliers, La sage ménagère, à ses humbles foyers, Ranime en haletant la flamme qui sommeille, Prescrit leur longue tâche aux femmes qu'elle éveille; Elle-même, ajoutant la nuit à ses travaux, Ainsi, le lecteur, en quittant la couche d'or du couple divin, le palais de l'Olympe, les forges de Lemnos, où se forgeoient l'égide de Pallas et les foudres de Jupiter, se trouve transporté, par la magie de cette comparaison, dans l'humble ménage d'une mère de famille laborieuse et vigilante, qui dès le point du jour réveille le feu assoupi sous la cendre, distribue leur tâche journalière aux femmes qui la servent, travaille elle-même pour élever ses enfans en bas âge, et conserver la chasteté conjugale. Voilà un de ces admirables tableaux qui n'appartiennent qu'à Virgile, où il a su réunir sans disparate les idées les plus majestueuses et les plus simples; et tout cela est dû aux traits ingénieux et naïfs d'une comparaison bien choisie. Enfin, la comparaison a lieu quelquefois entre les objets de la nature et les travaux des arts. Dans un épisode, plusieurs fois imprimé, je me proposois de peindre, avec des traits nouveaux, une jeune beauté. Laissant donc de côté, la vivacité, l'enjouement, l'élégance des formes et la régularité des traits, j'ai tâché de la rendre intéressante, en la rendant insignifiante; c'est-à-dire, en lui donnant une ame neuve, des sens non encore éveillés, un grand calme, et une extrême modestie. C'est ce que j'ai essayé d'exprimer dans cette comparaison qui m'a paru obtenir le suffrage de plusieurs gens de lettres : |