Écriture une chose remarquable de Néhémias. Ce grand homme étant envoyé pour régir le peuple de Dieu en Jérusalem, il nous a raconté lui-même, dans l'histoire qu'il a composée de son gouvernement, qu'il n'avoit point foulé le peuple comme les autres gouverneurs (ce sont les propres mots dont il se sert), qu'il s'étoit même relâché de ce qui lui étoit dû légitimement; qu'il n'avoit jamais épargné ses soins, et qu'il avoit employé son autorité à faire vivre le peuple en repos, à faire fleurir la religion, à faire régner la justice; après quoi il ajoute ces paroles : « Seigneur, souvenezvous de moi en bien, selon le bien que j'ai fait à ce peuple. » C'est qu'il savoit, Madame, que, de toutes les bonnes œuvres qui montent devant la face de Dieu, il n'y en a point qui lui plaisent plus que celles qui soulagent les misérables, et qui soutiennent l'opprimé qui est sans appui. Il savoit que ce Dieu, dont la nature est si bienfaisante, se souvient, en son bon plaisir, de ceux qui se rendent semblables à lui en imitant ses miséricordes. Puisque M. le M. a gouverné les peuples dans le sentiment et dans l'esprit de Néhémias, nous avons juste sujet de croire qu'il aura eu part à sa récompense, et que Dieu, se souvenant de lui en bien, aura oublié ses péchés. << Consolez-vous, Madame, dans cette pensée, et ne songez pas tellement à la sévérité de ses jugements, que vous n'ayez dans l'esprit ses grandes et infinies miséricordes. S'il nous vouloit juger en rigueur, nulle créature vivante ne pourroit paroître devant sa face; c'est pourquoi ce bon Père, sachant notre foiblesse, nous a lui-même donné les moyens de nous mettre à couvert de ses jugements. Il a dit, comme vous remarquez, qu'il jugeroit les justices; mais il a dit aussi qu'il feroit miséricorde aux miséricordieux : et quoique nos péchés les plus secrets ne puissent échapper les regards de cet œil qui sonde le fond des cœurs; néanmoins la charité les couvre : elle couvre non-seulement quelques péchés, mais encore la multitude des péchés. « M. le M. a été bienfaisant dans cette pensée; et quoique sa générosité naturelle, dont le fonds étoit inépuisable, le portât assez à faire du bien, il ne l'en a pas crue toute seule; il a voulu la relever par des sentiments chrétiens : il a pensé à se faire des amis qui le pussent recevoir un jour dans les tabernacles éternels; et je ne puis me ressouvenir des belles choses qu'il m'a dites sur ce sujet-là, sans en avoir le cœur attendri. C'est, Madame, ce qui me persuade fortement que Dieu l'aura jugé selon ses bontés : c'est pourquoi il l'a frappé, parce qu'il ne vouloit pas le frapper ; je veux dire qu'il ne l'a pas épargné en cette vie parce qu'il vouloit l'épargner en l'autre. Vous savez les peines d'esprit et de corps qui l'ont suivi jusqu'au tombeau, sans lui donner aucun relâche. Dieu a voulu, Madame, que vous et ses fidèles serviteurs eussent la consolation de voir qu'il n'étoit pas du nombre de ceux qui ont reçu leur récompense en ce monde. Il a crié à Dieu dans l'affliction et dans la douleur; lorsque sa main s'est appesantie sur lui, il lui a fait un sacrifice des souffrances qu'il lui envoyoit. Je ne puis assez vous dire, Madame, combien ces prières lui sont agréables, et la force qu'elles ont pour expier tout ce qui se mêle en nous de foiblesse humaine parmi les douleurs violentes. Il est donc avec Jésus-Christ, il est avec les esprits célestes, ou, si quelque reste de péché le sépare pour un temps de leur compagnie, il a du moins ceci de commun avec eux, qu'il jouit de cette bienheureuse assurance qui fait la principale partie de leur félicité, parce qu'elle établit solidement leur repos. «< Que s'il est en repos, Madame, il est juste aussi que vous y soyez. Je sais bien que vous n'avez pas une certitude infaillible; ce repos est réservé pour la vie future, où la vérité découverte no laissera plus aucun nuage qui puisse obscurcir nos connoissances mais les fidèles qui sont en terre ne laissent pas d'avoir leur repos, par l'espérance qu'ils ont de rejoindre au ciel ceux dont ils regrettent la perte. Et cette espérance est si bien fondée, quand on a les belles marques que vous avez vues, que l'Écriture qui ne ment jamais ne craint pas de nous assurer qu'elle doit faire cesser nos inquiétudes, et même nous donner de la joie. C'est ce repos, Madame, que je vous conseille de prendre; et cependant nous admirons qu'après tant de temps écoulé, votre douleur de 1. Cela prouve indubitablement que cette lettre est loin d'appartenir à l'année 1656, mais, ainsi que le commencement l'indique, qu'elle est meure si vive que vous ayez encore besoin d'être consolée. On voit peu d'exemples pareils; mais aussi ne voit - on pas souvent une amitié si ferme, ni une fidélité si rare que la vôtre. « Mais je passe encore plus loin; et j'avoue que votre douleur naissant des pensées de l'éternité, le temps ne doit pas lui donner d'atteinte. Qu'elle ne cède donc pas au temps, mais qu'elle se laisse guérir par la vérité éternelle, et par la doctrine de son Évangile. Voyant durer vos inquiétudes, j'ai cru que le service que je vous dois m'obligeoit à vous la représenter selon que Dieu me l`a fait connoître. Si j'ai touché un peu rudement l'endroit où vous ètes blessée, c'est-à-dire, si je n'ai pas assez épargné votre douleur, je vous supplie de le pardonner à l'opinion que j'ai de votre constance. « Je suis, etc. » d'une époque où Mme de Schomberg avait reparu à la cour et retrouvé l'amitié de la Reine mère après la mort de Mazarin. Peut-être même que ce mot la Reine, dont se sert Bossuet, désigne la reine Marie-Thérèse et non pas la reine Anne. Nous inclinons donc, avec les savants auteurs de l'édition de Bossuet que nous citons, à mettre cette lettre vers l'année 1665. FIN DE L'APPENDICE. TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE PREMIER. 16161637. - - La naissance et la famille de Marie de Hautefort. Piété amour. CHAPITRE DEUXIÈME. - Pages. 1 - Nouvelle passion de Louis XIII pour Mule de Hautefort. - Intrigues de Richelieu contre Mme de Haute- - Disgrâce de Mme de Hautefort. - Son - Après le 17 mai 1643..... 42 CHAPITRE TROISIÈME. 1643. Succès de Mme de Hautefort à la cour en 1643.. - Son esprit et son caractère. Sa beauté et les passions qu'elle inspire. La Rochefoucauld et Charles IV. Chavigni et le duc de Lian- court. Le marquis de Gèvres. Le duc d'Angoulême et le duc CHAPITRE QUATRIÈME. 1643. État des affaires au début de la Régence. Anne d'Autriche abandonne peu à peu son ancien parti et embrasse la poli- tique de Richelieu et de Mazarin. · Elle aime Mazarin. Me de Hautefort reste fidèle aux anciens amis de la Reine et condamne sa liaison avec le cardinal. Refroidissement graduel d'Anne d'Autriche pour son ancienne favorite. — Appuis de Mme de Hautefort à la cour: affection qu'elle inspi- rait à tout le monde; goût passionné du jeune Louis XIV pour la belle dame d'atours; ses amis; Charles de Schom- CHAPITRE CINQUIÈME. Pages. Manoeuvres de Mazarin contre Mme de Hautefort. pénibles entre la Reine et son ancienne amie. - Rapports de la police secrète de Mazarin sur la conduite de Mme de Hau- tefort. - Sa trop vive commisération en faveur de Beaufort |