ページの画像
PDF
ePub

couvertes de chaume, bâties de pierre ou de pisai, et les fenêtres (casements) formées de petites vitres en échiquier et montées en plomb. On voit peu d'apparence de pauvreté : le peuple a l'air de la santé, et est proprement vêtu; mais l'on ne voit pas autant d'enfans fourmiller auprès des habitations qu'en Amérique.

3 Janvier. Nous avons couché à Ivy-Bridge (le pont au lierre). C'est un joli nom et un joli endroit, avec une petite rivière vive, claire et bruyante; des violiers en pleines fleurs croissent entre les pierres des murailles. L'auberge, extrêmement comfortable: tant d'empressement à vous recevoir, tant de promptitude à remplir, à prévenir vos désirs, des appartemens si propres, si bien meublés, et ce que l'on vous sert si bon et si bien apprêté! On peut bien appeler ceci le pays des commodités; et je ne conçois pas comment les Anglais peuvent s'accommoder des auberges étrangères après les leurs. Toute cette politesse, toutes ces prévenances, ont un motif sordide on vous caresse pour votre argent; mais pourquoi y regarder de si près? Le simulacre de la bienveillance trompe comme les vêtemens, qui ne couvrent pas toujours une belle peau : il est bon d'ignorer un peu la laideur du corps comme celle de l'esprit ; c'est assez de s'en douter.

Je cherche en vain un mot français qui rende celui de comfortable avoir toutes ses aises, toutes ses commodités, en jouir en paix et sans

ROUTES.

CHEVAUX DE POSTE.

15

contrainte, rend à peu près l'idée, mais affaiblie par la périphrase '. Home est un autre mot expressif, qui se rend assez bien par un chez soi, ou par le mot logis, qui a vieilli; a comfortable home est une expression tout anglaise, qui appartient naturellement à un peuple domestique : la disposition casanière n'est pas commune en France; ses jouissances n'ont pas besoin de

nom.

Les routes n'ont rien de magnifique; elles ne sont généralement pas plus larges qu'il ne faut pour deux voitures, et sans fossés, point pavées, mais, ce qui vaut bien mieux, couvertes de pierres brisées ou de gros gravier. Cette surface, dure et unie, épargne les roues, et quoique souvent fort boueuse, n'a jamais d'ornières. Il y a généralement, de chaque côté, une élévation de pierre et de gazon, surmontée d'une haie qui ne laisse rien voir qu'un bout de chemin en zigzag, dont la vue n'embrasse jamais plus de cent ou deux cents toises à la fois. Ce peuple voyageur n'est point pressé d'arriver, et aime à faire durer le plaisir long-temps. Les chevaux paraissent, en général, exténués de fatigue, et on les fouette sans miséricorde, à tel point que nous sommes souvent obligés d'intercéder en

'Nous avions bien autrefois confort, conforter, confortatifs, qui signifiaient à peu près la même chose; mais ces expressions sont tout-à-fait hors d'usage et perdues pour la langue.

leur faveur, aimant mieux aller doucement que d'être témoins et cause de tant de cruauté.

3 et 4 Janvier. Nous avons couché la nuit dernière à Exeter, et nous venons d'arriver à Taunton, 64 milles en deux jours; nous ne nous hâtons pas. L'approche d'Exeter est trèsremarquable. D'un lieu élevé et en plate-forme, on découvre, à vue d'oiseau, une vaste plaine, avec un bras de mer dans le lointain, et au delà encore, un horizon de montagnes bleuâtres, qui fuient et se perdent les unes derrière les autres c'est un océan de culture.

La cathédrale est un édifice vénérable : je tiens de la bonne femme qui le montre aux étrangers qu'il a été bâti dans le dixième siècle. L'extérieur me paraît avoir moins de légèreté et de hardiesse, et être moins aérien que je ne m'étais figuré le gothique. Il y a une tour carrée qui m'a paru très-lourde. Après vingt ans d'intervalle, les objets que l'on revoit ne sont plus ce qu'on se les figurait, lors même que l'on n'a vu depuis aucun nouvel objet du même genre qui puisse servir de comparaison et changer la mesure des idées. La mémoire n'est point un livre où tout reste gravé, c'est plutôt un champ où la semence germe, croît, mûrit et meurt; ce que l'on y jette s'altère sans cesse. Le temps, qui change, qui perfectionne et détruit tout, étend son influence jusqu'à l'espèce de mémoire machinale de nos doigts; on dessine mieux après avoir posé le crayon pendant quelque temps, on joue plus faci

CATHÉDRALE. — MUSIQUE.

17

lement d'un instrument, on fait mieux des armes, on nage mieux; et cependant la main a été inactive: on n'a point réfléchi, on ne s'est occupé en aucune manière de se perfectionner. Savoit-on trop peu avant cette interruption, on oublie tout; mais si l'habitude étoit suffisamment formée, elle s'accroît dans l'inaction même, puis s'arrête, et enfin se perd.

L'intérieur de cette cathédrale est trop éclairé, et les peintures du vitrage ne valent rien. Les fenêtres, à un bout de l'église, sont peintes depuis quatre cents ans; et notre conductrice a vu peindre celles de l'autre extrémité; c'est, je crois, trop tôt et trop tard pour l'époque de la perfection de cet art. Le service n'a pas été plutôt commencé, que nous avons oublié l'église pour ne nous occuper que du chant magnifique qui la remplissait, et nous livrer à une impression supérieure à ce qui me reste de souvenirs des effets du plain-chant. Le grand orgue, modérant sa puissance, accompagnait simplement le chant d'une belle basse, sans ornemens ambitieux et frivoles. L'air frémissant portait jusqu'au fond de l'âme un sentiment d'élévation et de sublimité religieuse, qu'aucune autre cause ne saurait produire, et qui donne l'idée d'une existence angélique. La musique et la poésie se ressemblent certainement à bien des égards; l'une est la douce et riche et vague distance où l'imagination place ce qu'elle veut, all blended into harmony; l'autre est le vigoureux premier plan, où tout est vu

distinctement, et clairement prononcé. L'une vous montre et vous fait partager ce que l'enthousiasme poétique a déjà su produire, et l'autre le fait naître en vous-même.

Après le service, nous avons vu les troupes en quartier à Exeter faire l'exercice: elles ont bonne mine, et paraissent bien disciplinées. Les chemins sont pleins de soldats à pied, en charrettes et dans les voitures publiques, allant vers Plymouth. Leur destination est, à ce que l'on dit, le Portugal on les Indes.

Les villages à travers lesquels nous avons passé ne sont en général ni beaux, ni pittoresques. Les habitations ont l'air de la pauvreté, et tout est vieux et usé; mais les fenêtres sont propres, en bon état, et on voit rarement un vieux chapeau, ou un paquet de guenilles rebouchant le trou d'une vitre cassée, objets trèscommuns dans le Nouveau-Monde, où l'on bâtit, mais où l'on ne répare point. A travers une porte ou une fenêtre entr'ouverte, nous voyons en passant que les planchers sont pavés de petites pierres rondes; quelques siéges en forme de banc, une table ou deux, un rouet à filer, et le long des murs, ou suspendus dans le milieu de la chambre, quelques ais en tablettes chargés de pain, de fromage, et d'ustensiles divers, et des rameaux verts, fichés partout, à cause des fêtes de Noël; le tout fort bien arrangé et fort propre. Les habitans ont l'air de la santé, et sont bien vêtus; mais ils ne sont pas de forte taille; les

« 前へ次へ »