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qu'elle ne pouvoit plus demeurer dans l'état où elle étoit; qu'elle lui demandoit une déclaration pofitive, ou pour ou contre elle. Elle me fomma en fa préfence de lui tenir la parole que je lui avois donnée, de ne point balancer à éclater contre M. le prince, s'il continuoit à agir comme il avoit commencé. Monfieur, voyant que je n'hésitois pas à prendre ce parti auquel il avoit trouvé bon lui-même que je me fuffe engagé, s'en fit honneur auprès de la reine, & il crut la payer par ce moyen de ce qu'il ne la payoit pas de fa perfonne, qu'il n'aimoit pas naturellement à expofer. Il lui donna une douzaine de raisons, pour lui faire agréer qu'il ne fe trouvât plus au parlement; & il lui infinua que ma préfence, qui entraînoit la meilleure partie de fa maifon, feroit affez connoître à la compagnie & au public fa pente & fes intentions. La reine fe confola affez aifément de fon abfence, quoiqu'elle fît femblant d'en être fâchée. Elle connut en cette occafion, fans en pouvoir douter, que j'agiffois fincérement pour fon service; elle vit clairement que je ne balançois point à tenir ce que je lui avois promis. Ce fut en cet endroit où elle eut la bonté de me parler de la maniere, qu'il me femble que je vous ai tantôt touchée; elle s'abaiffa, mais fans feinte & de bon cœur, jufqu'à me

faire des excufes des défiance qu'elle avoit eues de ma conduite, & de l'injuftice qu'elle m'avoit faite (ce fut fon terme). Elle voulut que je conféraffe avec M. de Châteauneuf de la propofition qu'elle lui avoit faite de ne demeurer pas toujours fur la défenfive, comme elle avoit fait jufques-là, & d'attaquer M. le prince dans le parlement. Je vous rendrai compte de la fuite de cette propofition, après que je vous aurai expliqué la raifon qui porta la reine à prendre en moi plus de confiance qu'elle n'y en avoit pris jufques-là. Les incertitudes de Monfieur l'avoient fi fort effarouchée, qu'elle ne favoir quelquefois à qui s'en prendre; & les fous-miniftres qui entretenoient toujours un grand commerce avec elle, à la réserve de Lionne qu'elle haïffoit mortellement, n'oublioient rien pour lui mettre dans l'efprit que Monfieur ne faifoit dans le fond quoi que ce foit que pár mes mouvemens. Elle en remarqua quelques-uns de fi irréguliers, & même fi oppofés à mes maximes, qu'elle ne put me les attribuer; & je fais qu'elle écrivit un jour à Servien à ce propos: « Je ne fuis 30 pas la dupe du coadjuteur; mais je ferois » la vôtre, fi je croyois ce que vous m'en

mandez aujourd'hui ». Bertet m'a dit qu'il étoit préfent loifqu'elle écrivit ce billet; il ne fe reffouvenoit pas précisément fur quel

fujet. Quand fa patience fut à bout, & qu'elle fe fut réfolue, & par les confeils de M. de Châteauneuf, & par la permiffion qu'elle en reçut de Breuil, de pouffer M. le prince, elle fut ravie d'avoir lieu de fe pouvoir fier à moi pour l'y fervir. Etle chercha ce lieu avec plus d'application qu'elle n'avoit fait; & en voici une marque. Elle mena Madame avec elle aux Carmelites, un jour de quelque folemnité de leur ordre; la prit au fortir de la communion; elle lui fit faire ferment de lui dire la vérité de ce qu'elle lui demanderoit; & ce qu'elle lui demanda fut, fi je la fervois fidélement auprès de Monfieur. Madame lui répondit fans aucun fcrupule, qu'en tout ce qui ne regardoit pas le retour du cardinal, je la fervois non-feulement avec fidélité, mais avec ardeur. La reine qui aimoit & qui eftimoit la véritable piété de Madame, ajouta foi à fon témoignage, & à un témoignage rendu dans cette circonftance. Il fe trouva par bonheur que dès le lendemain j'eus occafion de m'expliquer à la reine devant Monfieur, ce que je fis fans balancer & d'une maniere qui lui plut; & ce qui la toucha encore plus que tout cela, fut que Monfieur, qui n'avoit pas paru jufqu'à ce moment bien ferme à tenir ce qu'il avoit promis en de certaines occafions à la reine, ne lui manqua point

en celle-ci, au moins fi pleinement que les autres fois. Il ne fut pas au pouvoir de M. le prince de le mener au palais, quoiqu'il y employât tous fes efforts; & la reine attribua à mon induftrie, ce que je croyois dès ce tems-là, & que j'ai toujours cru' depuis n'avoir été que l'effet de l'appréhension qu'il eut de fe trouver dans une mêlée, qu'il avoit fujet de croire pouvoir être proche, & par l'emportement où il voyoit la reine, & par le nouvel engagement que je venois de prendre avec elle. Je reviens à la conférence que j'eus avec M. de Châteauneuf, par le commandement de la

reine.

Je l'allai trouver à Montrouge avec M. le président de Bellievre, qui avoit écrit fous lui le mémoire qu'il avoit propofé à la reine d'envoyer au parlement, & dont il eft vrai que les caracteres paroiffoient avoir moins d'encre que de fiel. M. de Châteauneuf, qui n'avoit plus que quelques femaines à attendre pour se voir à la tête du confeil, comme je vous l'ai déja dit ci-deffus, joignoit en cette rencontre à fa bile & à fon humeur très-violente, une grande frayeur que M. le prince ne fe raccommodât avec la cour & ne troublât fon nouvel emploi. Je crois que cette confidération avoit encore aigri fon ftyle. Je lui en dis ma pen

fée avec liberté. Le président de Bellievre m'appuya, il en adoucit quelques termes, il y laiffa toute la fubftance. Je le rapportai à la reine, qui le trouva trop doux. Elle l'envoya par moi à Monfieur, qui le trouva trop fort. M. le premier préfident, à qui il le communiqua par le canal de M. de Brienne, y trouva trop de vinaigre; mais y mit du fel, (ce fut l'expreffion dont il fe fervit en le rendant à M. de Brienne, après l'avoir gardé un demi-jour). Voici le précis de ce qu'il contenoit. Le reproche de toutes les graces que la maifon de Condé avoit reçues de la cour, la plainte de la maniere dont M. le prince s'étoit fervi & conduit depuis fa liberté, la fpécification de cette maniere, fes cabales dans les provinces ; le renfort des garnifons qui étoient dans les places; la retraite de madame de Longueville à Montrond; les Efpagnols dans Stenai; les intelligences avec l'archiduc; la féparation de fes troupes d'avec celles du roi. Le commencement de cet écrit étoit orné d'une proteftation folemnelle de ne jamais rappeller le cardinal Mazarin, & la fin, d'une exhortation aux compagnies fouveraines, & à l'hôtel-de-ville de Paris, de fe maintenir dans la fidélité.

Le jeudi 17 d'août 1651, fur les dix heures. du matin, cet écrit fut lu en présence du

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