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AN DE R. 914-945.]

Adrien. Quelques taches obscurcirent le beau caractère d'Antonin, comme pour prouver que l'homme ne peut arriver à la perfection; on lui reprocha avec raison le peu de sévérité de ses mœurs, et l'apothéose de Faustine, son indigne épouse. Il est connu dans l'histoire sous le nom d'Antonin le Pieux (Pius), nom qu'il dut à la vénération, peut être exagérée, qu'il montra pour la mémoire de son père adoptif. Antonin mourut (161) dans la vingt-cinquième année de son règne; ses cendres furent déposées dans le tombeau d'Adrien, et le sénat éleva en son honneur une colonne qui existe encore aujourd'hui sous le nom de colonne Antonine. De tous les souverains de Rome, Antonin fut presque le seul qui monta sur le trône et qui s'y maintint sans avoir recours au bourreau; son nom vénéré devint pendant quelque temps, comme celui d'Auguste, le titre du pouvoir, el fut pris par plusieurs de ses successeurs.

Lorsqu'Antonin fut adopté par Adrien, il adopta lui-même, à la recommandation expresse de l'empereur, Marc-Aurèle (M. Ælius Aurelius Verus Antoninus). A la mort d'Antonin, Marc-Aurèle associa au pouvoir Lucius Verus, son frère adoptif, et pour la première fois Rome vit deux empereurs. Revêtu de toutes les dignités de l'Empire, proclamé César, fils adoptif et gendre de l'empereur, Marc-Aurèle ne s'était jamais départi de la rigidité de la morale stoïcienne, dans laquelle il avait été élevé par Apollonius de Chalcis ; aussi son avénement fut-il salué par des acclamations unanimes. Justifiant, sur le trône, le surnom de philosophe, il fit presque oublier la mémoire d'Antonin. Des calamités extraordinaires, des guerres dangereuses lui laissèrent peu de repos, mais ne firent qu'ajouter un nouveau lustre à sa vertu.

L'indolent et vicieux Lucius Verus ne se recommandait que par une aveugle déférence pour son collègue; continuellement occupé dans des expéditions militaires, il était resté éloigné du gouvernement. Il mourut (167), laissant Marc-Aurèle seul pour lutter contre la peste et la famine qui désolaient l'Empire, et contre les

hordes de Marcomans, peuples Germains qui menaçaient l'Italie. L'empereur ne soumit ces Barbares qu'après deux sanglantes expéditions (167-174); il venait de leur dicter la paix, lorsque la révolte d'un de ses lieutenants l'appela en Orient; l'ordre rétabli, il revint à Rome avec l'espérance de jours meilleurs après tant de désastres, tant de combats et tant de victoires; mais il lui fallut reprendre les armes pour repousser une troisième fois la ligue des Marcomans (178). Une grande et sanglante victoire, sur ces hordes menaçantes, signala la fin de sa glorieuse carrière; il mourut de maladie à Vienne, en Pannonie, pensant avec douleur aux vices de son fils Commode, et prévoyant tous les maux qui en résulteraient pour l'Empire. Avec Marc-Aurèle finit le bel âge de l'Empire romain; nous allons désormais assister à sa décadence. A peine l'empereur eut-il fermé les yeux, que Commode se hâta d'acheter la paix des Barbares, pour retourner à Rome.

Commode (Lucius Elius Aurelius Antoninus Commodus), fils de Marc-Aurèle, et arrière-petit-fils de Trajan, montra sur le trône des folies et des cruautés nouvelles. «C'était,dit » Montesquieu, un monstre qui suivait toutes >> ses passions et celles de ses ministres. » Néron avait été histrion, Commode sut gladiateur, descendit dans l'arène et immola comme il s'en vantait lui-même, plus de mille victimes à cet horrible plaisir. Imitateur de Néron, il tenait aussi de Caligula, car il ne vivait que pour se livrer à son goût insatiable de sang et de débauche. C'est de ce prince et de ses pareils que Chateaubriand a dit : « Afin de ne pas trop épouvan» ter la terre, le ciel douna la folie à leurs » crimes, comme une sorte d'innocence.»> Commode avait inscrit sur un livre l'arrêt de mort de Marcia, la plus chérie de ses concubines de Lætus, préfet du prétoire ; et, d'Eclectus, l'un de ses premiers officiers; un enfant, en jouant dans la chambre impériale, s'empara du livre, et le montra à Marcia; elle en donna avis sur-le-champ à Lætus et à Eclectus, et tous trois prévinrent le tyran (192). Le sénat assemblé fit jeter son corps dans le Tibre, el flétrir sa mémoire; telle fut la fin

du dernier des Antonins. Pendant que Commode faisait trembler Rome par ses atroces caprices, ses généraux soutenaient la gloire des armes romaines, et arrêtaient les Barbares qui menaçaient les frontières. Sous ce règne infàme, les chrétiens qu'avait persécutés MarcAurèle furent tranquilles, grâce à la protection de cette Marcia, dont le crime délivra l'Empire. Pour faire excuser leur attentat, les meurtriers de Commode élevèrent sur le trône un vieillard recommandable par ses vertus, c'était Helvius Pertinax, préteur de la ville.

Pertinax, Didius Julianus, Septime Sévère, Caracalla et Geta, Héliogabale, Alexandre Sévère. Pertinax était à peine revêtu de la pourpre, qu'il fut massacré par les prétoriens que ses projets de réforme effrayaient (193). Après cet assassinat, ils ne rougirent point de mettre l'Empire à l'enchère; le jurisconsulte Didius Julianus l'emporta sur ses concurrents. Cependant les légions se souvenant qu'après la mort de Néron elles avaient disposé du pouvoir, dédaignèrent le maître que leur donnaient les prétoriens; celles d'Asie proclamèrent Pescennius Niger; celles de la Grande-Bretagne, Albinus (Decimus Clodius); celles de Pannonie enfin, Septime Sévère (Lucius Septimus Severus); ce dernier s'annonçant comme le vengeur de Pertinax, marcha sur Rome, refusa de partager l'empire avec Didius, le fit décapiter, malgré ses prières et ses larmes, et cassa les prétoriens, après avoir puni ceux qui avaient trempé dans le meurtre du vieil empereur (193). Niger et Albinus, vaincus successivement, laissèrent Sé vère seul possesseur de l'Empire (197).

A la politique d'Auguste, à la tyrannie de Néron, ce prince fit succéder le despotisme militaire; sa maxime favorite était qu'il fallait bien traiter les gens de guerre, sans s'inquiéter du reste; il avait établi en principe, que la volonté de l'empereur de vait être l'unique loi de l'Etat, et avait soin de ses sujets, comme un maître intéressé a soin de ses esclaves; favorable aux faibles, dans le seul but d'humilier les grands, il affecta dans toutes les circonstances d'écraser le sénat; sa justice rigoureuse se fit sentir

(AN DE R. 946-970.]

dans les provinces comme à Rome. Malgré sa sévérité, il sut néanmoins gagner l'affection du peuple et des soldats; et ses talents, comme homme d'Etat et comme capitaine, retardèrent la chute de l'Empire. Depuis Tibère, nul prince ne fut peut-être plus jaloux de son autorité, et cependant il se laissa gouverner par Plautien, préfet du prétoire, jusqu'au moment où celui-ci, ayant conspiré, fut mis à mort par ordre de son maître (203). Sévère mourut (211) pendant une expédition dans la Grande-Bretagne, laissant l'empire à ses deux fils, Caracalla et Geta, qu'une haine implacable divisait, et dont l'un devait bientôt succomber sous les coups de l'autre.

Caracalla (Bassianus), élevé par son père au rang de César, avec les noms de M. Aurélius Antoninus, avait été associé à l'empire dès l'âge de 15 ans. Son enfance avait été douce et aimable: sa férocité se déclara tout d'un coup; il commença son règne par tuer son frère de sa propre main (212). Comme les prétoriens supportaient avec peine la mort de Geta, qui leur était cher, Caracalla leur distribua pour les calmer les immenses richesses qu'avaient amassées son père. Néron avait trouvé un Sénèque, pour faire l'apologie du meurtre de sa mère; Caracalla fut moins heureux : le jurisconsulte Papinien eut le courage de lui répondre : « Il est plus facile de commettre » un parricide que de le justifier, » et paya de sa vie sa noble indépendance.

Plus barbare encore que Caligula, que Néron, que Domitien, qui avaient borné leurs cruautés à Rome, Caracalla alla promener ses fureurs dans tout l'Empire, se glorifiant d'être appelé la bête féroce de l'Ausonie. Admirateur passionné d'Alexandre, il ne sut, malheureusement pour le monde, imiter ce héros que dans ses extravagances. Il régnait depuis six ans, quand Macrin, préfet du prétoire, débarrassa la terre de ce fou furieux, au moment où il s'était engagé dans une guerre sérieuse contre les Parthes (217). Caracalla, pour diminuer l'horreur du meurtre de son frère, en avait fait un dieu; Macrin, pour apaiser les prétorieus qui aimaient Caracalla à cause de ses largesses, lui rendit les mêmes honneurs.

Sous le règne de Caracalla, l'Italie per

AN DE R. 971-979.1

dil grandement de son importance; he droit de cité, dont jouissaient exclusivement les Italiens, fut accordé à tous les habitants de l'Empire. Il en résulta que les premiers, étant eu minorité, ne prirent plus qu'une trè -pelite part aux fonctions publiques et au gouvernement; nous verrons en effet, par la suite, que, parmi ceux qui arrivèrent au trône, il se trouva à peine deux ou trois Italiens.

Macrin (Marcus Opilius Macrinus), proclamé par l'armée, se hâta d'acheter la paix des Parthes. Pour consolider sa puissance, il avait nommé César son fils Diadumène, encore enfant, lorsque, quelques mois après, il fut assassiné avec le jeune César par les prétoriens, qui s'étaient déclarés pour Bassien (Valerius Antoninus), qu'on croyait fils de Caracalla (218).

Bassien (Héliogabale) commença, à l'âge de quatorze ans, le règne le plus bizarre et le plus extravagant qu'ait jamais vu la capitale du monde, si habituée depuis long-temps aux excès et aux dissolutions les plus inouis. Accompagné de sa mère Sœmis et de son aïeule Mæsa, belle-mère de SeptimeSévère et tante de Caracalla, il fit son entrée à Rome dans toute la parure et dans toute la pompe asiatique, conduisant sur un char la pierre noire du temple d'Emèse, le dieu syrien Elogabal (Héliogabale), dont il prit lui-même le nom, dont il s'institua le grand prêtre, et qu'il fit reconnaître comme Dieu suprême de l'Empire. Les noces du nouveau dieu avec l'Astarte de Carthage furent célébrées par des réjouissances qui ruinèrent l'Empire. La mère et l'aïeule de l'empereur entrèrent, par son ordre, au sénat; il n'y eut enfin sorte de caprices et de folies auxquels il ne se livra, et souvent elles étaient cruelles; il alla jusqu'à se déclarer femme et à épouser publiquement un de ses affranchis. Cette conduite insensée faisant murmurer les soldats, Héliogabale, par le conseil de Mæsa, adopta son cousin Alexandre (221): rare exemple de l'adoption d'un enfant par un adolescent. Le jeune César, par sa douceur et par la pureté de ses mœurs antiques, s'attira bientôt l'affection du peuple et de l'ar

mée; Héliogabale, jaloux, voulut le faire périr; les prétoriens s'y opposèrent; une sédition s'éleva, et l'empereur fut tué avec sa mère. Leurs cadavres mutilés, aprè avoir été ignominieusement traînés dans les rues, furent jetés dans le Tibre (222).

Alexandre Sévère (Marcus Aurelius Severus Alexander) n'avait que treize ans et demi quand Héliogabale fut tué. Aidé des conseils de sa mère Mammée, il montra bientôt qu'il était capable de relever l'empire. Plein d'une juste horreur pour les excès du règne passé, il eut le courage d'être réformateur à une époque où les vertus étaient, pour le souverain, plus dangereuses que les vices. Voulant faire renaître les vieux sentiments romains, il haranguait souvent le peuple, l'appelait aux suffrages, et rendait au sénat toute son influence. L'ordre dans les finances et la discipline dans l'armée furent rétablis par ses soins. Sous son règne, les chrétiens ne furent point persécutés; il leur avait emprunté cette belle maxime : « Ne faites point à » autrui ce que vous ne voulez pas qui vous » soit fait à vous-même, » et la prit constamment pour règle de conduite. Dans son oratoire, on voyait les images d'Abraham et du Christ à côté de celles d'Orphée et d'Apollonius de Tyanes.

Alexandre, après avoir fait la guerre avec succès en Illyrie, en Arménie et dans la Mauritanie Tingitane, se rendit en Orient, où se passaient de grands événements. L'empire des Parthes venait de s'écrouler sous les coups d'un soldat; Artaxerce, chef de la dynastie des Sassanides, avait détrôné le roi Artaban, et rétabli la monarchie des Perses (226). L'usurpateur victorieux menaçait les provinces d'Asie soumises à la domination romaine; Alexandre marcha contre lui et sortit vainqueur d'une lutte qui dura trois ans.

Au commencement de son règne, l'empereur avait eu à réprimer plusieurs fois la rébellion des soldats; les prétoriens, à Rome, avaient eu l'audace de massacrer à ses pieds leur préfet Ulpien; plus tard, à Alexandrie, il avait apaisé une violente sédition avec une fermeté digne de Cé

sar. Malgré la sollicitude de l'empereur pour l'armée, les troupes ne pouvaient souffrir un prince qui voulait les soumettre au sénat; elles ne lui pardonnaient pas la discipline à laquelle il voulait les assujettir, et lui reprochaient de ne point leur avoir donné à son avénement la gratification accoutumée (donativum). Alexandre régnait depuis treize ans, lorsqu'il fut appelé sur les bords du Rhin par les mouvements des peuples de la Germanie. Les légions des Gaules, qui ne le connaissaient que par ses réformes, se rendirent l'instrument de l'ambition du Thrace Maximin, que sa valeur brutale et sa force extraordinaire avaient élevé aux premiers grades; elles tuèrent l'empereur dans le bourg de Sésila, près de Mayence (235). Alexandre Sévère fut le dernier de cette race impériale syrienne, qui tira son nom de la femme de Septime Sévère, Julia Domma, née à Emèse. Sa mort, pleurée de Rome et des provinces, causa un deuil universel dans l'empire. Cet empereur, mort si jeune et si pur au milieu d'une corruption si générale, est peut-être le plus beau type de la vertu romaine, heureusement modifiée par les admirables maximes du christianisme.

Maximin, Gordien père et fils, Maxime et Balbin, Gordien-le-Jeune, Philippe père et fils, Décius, Gallus Hostilien et Volusien, Emilien, Valérien, Gallien, Claude II, Aurélien, Tacite et Florien, Probus, Carus, Carin et Numérien. La mort prématurée d'Alexandre Sévère, dont le règne fut cependant un des plus longs de l'époque. mit Rome sous le despotisme militaire de Maximin (C. Julius Verus Maximinus). Ce tyran farouche et grossier, qui fit de son camp le siége du gouvernement, se montra le persécuteur cruel du sénat que son prédécesseur avait voulu relever, et fit recommencer le règne des proscriptions et des confiscations. L'indignation était au comble, lorsque l'excès des maux donna au sénat le courage de reconnaître empereur le vieux proconsul Gordien (M. An tonius Gordianus), que les légions d'Afrique avaient revêtu, malgré lui, de la pourpre, et qui s'était associé son fils (239). A cette

[AN DE R. 988-996.)

nouvelle, Maximin partit furieux de Sirmium, pour descendre en Italie (238). Pendant ce temps, les deux Gordien avaient été défaits et tués en Afrique. Le sénat, qui n'avait aucune grâce à espérer, nomma deux autres empereurs Pupien Maxime (M. Claud. Maximus Pupianus) et Balbin (Décimus Cælius Balbinus), confiant à l'un l'administration intérieure et à l'autre la défense de l'Empire. Le peuple, qui voulait un chef de son choix, nomma César un enfant de treize ans, petit-fils du vieux Gordien. Cependant Maximin, dont la rage ne pouvait plus se calmer que par l'ivresse, avait franchi les Alpes Juliennes; il assiégeait Aquilée quand il fut assassiné par ses soldats. Après la mort de ce forcené, la tranquillité semblait renaître sous la sage administration des deux empereurs nommés par le sénat; l'autorité civile se relevait, et les légions retournaient paisiblement dans les provinces; mais les prétoriens ne pouvaient supporter une élection qu'ils n'avaient pas faite ; ils se révoltèrent, massacrèrent Maxime et Balbin deux mois après leur élévation à l'empire, et proclamèrent le jeune Gordien (M. Anton. Gordianus Pius), déjà César (238). Ainsi le despotisme fut rétabli par l'élection mili taire. « Ce qu'on appelait l'empire romain »dans ce siècle-là, dit Montesquieu, était »une espèce de république irrégulière, telle »à peu près que l aristocratie d'Alger où la »milice, qui a la puissance souveraine, fait »et défait un magistrat qu'on appelle le »dey; et peut-être est-ce une règle assez

:

générale que le gouvernement militaire est, »à certains égards, plutôt républicain que » monarchique. »

Les espérances que faisait naître le jeune Gordien réunirent tous les partis. A la mort d'Alexandre Sévère, six peuples barbares menaçaient les frontières les plus importantes de l'Empire; l'anarchie qui avait succédé à cette catastrophe n'avait fait qu'augmenter leur audace; Gordien repoussa leurs attaques: les Francs furent battus à Mayence (241); le roi de Perse, Sapor, se retira à l'approche de l'empereur (243). A l'intérieur, la sagesse et la fermeté qui présidaient à tous les actes du prince, promet

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