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A la même époque, une autre femme régnait au pied des Alpes: Adélaïde, marquise de Suze, restée veuve deux fois, avait épousé en troisième noces Odon, comte de Maurienne; cette union, en mettant dans les mêmes mains le passage des Alpes Cottiennes et les pays arrosés par l'Isère et par la Doire, fut l'origine de la puissance de la maison de Savoie, qui devint l'une des premières de l'Italie.

la révolution complète qui s'y opéra quelque temps après.

Vingt ans après la défaite d'Othon II, quelques aventuriers normands jetèrent, entre les deux empires, les fondements d'une puissance qui, en moins d'un siècle, s'étendit sur toute l'Italie méridionale, subjugua les anciennes républiques, conquit la Sicile, et forma un royaume de cette grande Grèce, qui, à deux reprises différentes, avait été la patrie de la liberté italienne.

Les Normands, à l'époque dont nous par

Conquêtes et établissements des Normands en Italie et en Sicile. Avant d'entrer dans les détails de la lutte de l'Em-lons, l'emportaient sur tous les autres peuples pire et du saint-siége, nous allons retracer brièvement l'histoire des conquêtes et de l'établissement des Normands dans le sud de l'Italie.

Othon II, à son avénement au trône (973), renouvela les prétentions de son père sur l'Italie méridionale; s'appuyant sur son mariage avec la princesse grecque Théophanie, fille de l'empereur Romain II, il réclama comme douaire de sa femme, près de la cour de Constantinople, les provinces de Lucanie et de Calabre, ainsi que la suzeraineté des répúbliques de Naples, de Gaële et d'Amalfi, qui lui refusaient l'obéissance, sous le prétexte d'une prétendue fidélité à l'empire d'Orient. L'empereur Basile, après avoir tenté inutilement la voie des négociations, appela à son aide les Sarrasins de Sicile et d'Afrique. Othon, fortifié de l'alliance de Pandolfe Tête-de-Fer, qui avait réuni sous son autorité presque tout l'ancien duché de Bénévent, eut d'abord des succès: il s'empara même de Tarente; mais, s'étant avancé dans la Calabre ultérieure, il fut battu complétement par les Grecs et les Sarrasins, à Basentello, bourgade au bord de la mer; Pandolphe et un grand nombre d'autres seigneurs resterent sur le champ de bataille. Une des conséquences de la bataille de Basentello et de la mort de Pandolphe, fut le nouveau partage du duché de Bénévent en un grand nombre de petites principautés.

Pendant la minorité d'Othon III (983-995), les Grecs continuant leurs conquêtes, et les Sarrasins leurs ravages, réduisirent les contrées au sud du Tibre à un état de faiblesse et d'épuisement qui explique suffisamment

de l'occident par leur ardeur pour les pélerinages à la Terre-Sainte. Afin d'éviter les dangers et les ennuis d'un long voyage par mer, ils traversaient toute la France et la plus grande partie de l'Italie, visitaient, soit en allant, soit en venant, les monastères du mont Cassin et du mont Gargan, qui jouissaient d'une grande réputation de sainteté, et s'embarquaient enfin à Naples, à Gaële, à Amalfi, à Salerne, à Bari, villes où se faisait un grand commerce avec la Syrie.

Dans une des premières années du onzième siècle (1010), quarante de ces pieux voyageurs se trouvaient à Salerne au moment où une flotte de Sarrasins se présenta pour rançonner la ville. Les habitants, amollis par leurs richesses et par les délices du climat, ne songeaient point à résister, lorsqu'ils virent avec admiration cette poignée de chevaliers normands demander des armes et des chevaux au prince Guaimar III, sortir de la ville, charger avec intrépidité les pirates, et les mettre en fuite. Guaimar combla d'honneurs et de présents ses vaillants libérateurs, et leur fit les promesses les plus brillantes pour les engager à se fixer près de lui; ils refusèrent, en promettant toutefois d'envoyer quelques-uns de leurs compatriotes, pour combattre les infidèles.

De retour dans leur patrie, les Normands racontèrent leurs faciles exploits, leurs éclatants triomphes, les offres splendides des princes, et les attraits de ces heureux climats. Enflammé par ces séduisants récits, un chevalier, nommé Drengot, résolut d'aller tenter la fortune dans cette terre favorisée du ciel; quelques aventuriers se réunirent à

lui, et ils étaient au nombre de cent, quand ils arrivèrent au Mont Gargan, but apparent de leur voyage (1016). Ce fut là qu'un riche citoyen de Bari, nommé Melo, voulant soustraire son pays à la domination des empereurs de Constantinople, les engagea à combattre les Grecs, avec les promesses les plus magnifiques s'ils demeuraient victorieux. Les Normands acceptèrent; Melo, trois fois vainqueur avec ses nouveaux auxiliaires, fut enfin baltu à Cannes (1019); la plupart des Normands furent tués; le petit nombre de ceux qui s'échappèrent se mirent à la solde des princes de Salerne et de Capoue, et virent bientôt leurs pertes réparées par l'arrivée d'autres aventuriers de leur nation.

Après l'expédition de Henri II dans le Pouille (1021), les Normands qui s'étaient rangés sous l'étendard impérial, se trouvèrent tous réunis sous les ordres de Rainol he, frère de Dreugol, et s'emparèrent d'Aversa, petit château du duché de Naples, entre cette ville et Capoue; ils y étaient établis depuis quelques années, lorsque le prince de Capoue s'empara par surprise de Naples, qui, jusqu'alors, avait repoussé toutes les attaques des Lombards. Sergius, maître des soldats de cette dernière ville, délivra bientôt sa patrie de la domination étrangère, avec l'aide des Normands, et leur confirma, pour les récompenser de leurs bons services, la possession d'Aversa et de son territoire, qu'il érigea en comté, et dont il investit Rainolphe. Les premiers Normands qui eurent un établissement en Italie furent donc vassaux et feudataires de la république napolitaine. La famille de Rainolphe n'était point appelée cependant à porter la couronne de Naples; cette gloire était réservée à une maison plus illustre, à celle de Tancrède de Hauteville.

Tancrède avait douze fils, dont les aînés, séduits par les succès de leurs compatriotes, se décidèrent à aller chercher des établis sements en Italie. Ils se mirent en route (1035), accompagnés d'une troupe nombreuse de pélerins et de soldats, et prirent, à leur arrivée, du service chez Guaimar IV, prince de Salerne et de Capoue, qu'ils aiderent à faire la conquête de Sorrente et d'A

malfi; cette dernière ville, cependant, ne se rendit qu'à la condition de conserver sa liberté. Du service de Guaimar, les Normands passèrent à celui des Grecs: Georges Maniacès, lieutenant de l'empereur Michelle-Paphlagonien, prit à sa solde, pour reconquérir la Sicile, Guillaume Bras-de-Fer, Drogou et Unfroi, tous trois fils de Tancrède, avec trois cents chevaliers (1041). Cette expédition ne servit qu'à éloigner les deux nations l'une de l'autre, en faisant voir de près aux Normands la lâcheté, la perfidie et la cupidité de leurs nouveaux alliés. De retour à Aversa, dans la même année, ils formèrent le hardi projet d'attaquer l'empereur d'Orient, et de conquérir pour euxmêmes ce que les Grecs possédaient encore en Pouille et en Calabre. Quelque audacieuse que fût leur entreprise, elle fut couronnée de succès, car une année s'était à peine écoulée que la plus grande partie de la Pouille était en leur pouvoir. Melphi devint la capitale de la domination normande; Guillaume Bras-de Fer y fixa sa résidence, el douze comtes normands furent mis en possession des douze principales villes de la contrée, qui devint ainsi le siége d'une sorte de république militaire et oligarchique.

Les déprédations des Normands leur attirèrent bientôt de nombreux ennemis; tous leurs voisins se liguèrent contre eux; le pape Léon IX se mit à la tête de la ligue, el reçut, de l'empereur Henri III, un secours de cinq cents chevaliers qui formèrent le noyau d'uue armée composée de tous les peuples du sud de l'Italie, et à laquelle se joignirent les Grecs. Les Normands, beaucoup moins nombreux que leurs ennemis, étaient beaucoup plus aguerris; GuillaumeBras-de-Fer était mort, il est vrai : Drogon venait d'être tué; mais ils avaient encore à leur tête Unfroi, le dernier des trois frères, el Robert Guiscard, l'aîné des enfants du second lit de Tancrède de Hauteville, qui était arrivé tout récemment avec un renfort considérable; ces deux chevaliers passaient, avec raison, pour être des plus habiles et des plus vaillants. Richard, comte d'Aversa, de la famille de Drengot, vint, avec tous les siens, partager les dangers de ses compa

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triotes. On combattit près de Civitella, dans la Capitanate (1053); la victoire ne fut pas long-temps douteuse : l'armée pontificale fut mise en pleine déroute, et le pape lui-même fut fait prisonnier. Les Normands, vain queurs, s'avancèrent vers lui, se jetèrent à ses genoux, el se couvrirent de poussière, implorant leur pardon et sa bénédiction; ils le retinrent néanmoins captif, malgré leurs marques profondes de respect et leurs démonstrations d'humilité. Léon IX, vaincu, pensa que Dieu s'était prononcé contre lui, et proposa la paix à ces mêmes hommes contre lesquels il avait prêché une sorte de croisade. Sur la demande des Nor mands et pour sortir de leurs mains, il leur accorda l'investiture, au nom de saint Pierre, et pour le tenir en fief de l'Église, de tout ce qu'ils avaient déjà conquis et de ce qu'ils pourraient conquérir encore dans la Pouille, dans la Calabre et dans la Sicile. Une défaite donna au saint-siége plus peut-être qu'il n'aurait obtenu par une victoire.

Les Normands, dont les conquêtes étaient désormais sanctifiées aux yeux des peuples par cette investiture, ne pensèrent qu'à les étendre. Unfroi mourut (1057); Robert Guiscard appela de Normandie son jeune frère Roger. Malgré la bravoure de ces deux chefs, les progrès des Normands fu rent cependant peu rapides, soit parce qu'ils étaient trop peu nombreux, soit parce que les soldats, méconnaissant la voix de leurs officiers, quittaient l'armée quand ils avaient amassé quelque butin, et ne reparaissaient que quand ils étaient redevenus pauvres. Il fallut près de vingt-cinq ans au comle Roger pour enlever la Sicile aux Sarrasins; il n'en fallut pas moins à Robert Guiscard pour chasser complétement les Grecs de l'Italie (1057-1080). Quelques années auparavant, la dernière des principautés lombardes, celle de Salerne, avait été soumise (1077). Cette nation, naguère si puissante, cessa dès lors d'avoir des souverains à elle il y avait cinq cent neuf ans qu'Alboin était entré en Italie avec les Lombards; trois cent trois ans s'étaient écoulés depuis la défaite de Didier, leur dernier roi. Guiscard n'avait pu réduire Salerne qu'a

vec le secours des Amalfitains; ils l'avaient assisté de leurs flottes après l'avoir reconnu pour duc, en se réservant toutefois leur liberté et leur constitution, et en stipulant que jamais les Normands ne seraient introduits dans leur ville et sur leur territoire.

Après ces longues guerres, Robert Guiscard, devenu duc de Pouille, se trouva souverain d'un puissant État qu'il avait conquis à la tête de quelques aventuriers; la Sicile, gouvernée par son frère Roger, était un fief relevant de son duché. Une si haute fortune ne satisfit point son ambition: il aspira à la conquête de l'empire d'Orient. Ayant passé la mer (1081), il s'empara de plusieurs places importantes, et vainquit Alexis Comnène, qui s'était avancé au secours de Durazzo. La gloire de voir fuir devant lui les deux empereurs d'Orient et d'Occident était réservée à Robert. Rappelé en Italie par une révolte qu'il réprima promptement, le conquérant normand voulut délivrer des attaques des Allemands le pape Grégoire VII, dont il s'était déclaré le protecteur, bien qu'auparavant il eût été excommunié par lui. A l'approche des Normands, l'empereur Heuri IV leva le siége du château Saint-Ange, où le pape s'était renfermé, et se retira. Robert, entré dans Rome, en brûla une partie, et la livra en pillage aux Sarrasins qu'il avait dans son armée (1084). Tels furent ses derniers, mais non ses plus glorieux exploits; il mourut l'année suivante (1085) à Céphallénie, comme il recommençait ses attaques contre l'empire grec.

L'histoire de ses successeurs immédiats, de son fils et de son petit-fils, est loin de présenter le même intérêt. Ils conservèrent avec peine une monarchie que lui seul avait su fonder: des guerres civiles troublèrent le règne de Roger Ir, duc de Pouille; son frère aîné, Boëmond, dépouillé par le testament de sou père, lui disputa l'héritage paternel, jusqu'au moment où la prédication de la première croisade l'entraîna en Asie, avec son cousin Tancrède (1096). Les Normands, sur ce nouveau théâtre, déployèrent la même bravoure, la même avidité, la même politique et la même ambition qui les avaient reudus si puissants en Neustrie, en Angleterre,

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