ページの画像
PDF
ePub

VI

nationalité, pour ne la recouvrer peut-être jamais. Telle est, du reste, la conséquence des gouvernements démocratiques, c'est de conduire infailliblement à la servitude par l'anarchie; les annales des républiques en fournissent de fréquents exemples.

Plusieurs années passées en Grèce et en Italie nous ont rendu familière l'histoire de ces pays: chaque localité, en effet, est tellement empreinte de souvenirs, que le voyageur se trouve acquérir, presque à son insu, une masse de connaissances historiques qu'il ne peut plus oublier. Est-il à Athènes? les murailles de l'Acropolis lui présentent encore les traces du passage des Perses, des Romains, des Goths, des Français, des Catalans, des Turcs, des Vénitiens; non loin du Parthénon, dévasté par les boulets de Morosini, il voit les orgueilleuses colonnes du temple d'Adrien s'élever dans la plaine, et l'élégant minaret de la ville du KislarAga (chef des eunuques noirs) (1) dominer le palais du monarque bavarois! La ville éternelle, Rome, n'est pas moins fertile en monuments historiques : la monarchie, la république, l'empire, le pontificat se déroulent à chaque pas aux yeux de l'obser

vateur.

Chargé de retracer l'histoire de ces deux belles contrées, dont le séjour a eu tant de charmes pour nous, nous nous sommes efforcé de compléter nos souvenirs en puisant aux meilleures sources, en consultant les auteurs anciens et modernes les plus estimés; aussi pensons-nous n'avoir omis aucun des faits nécessaires à l'intelligence de l'histoire. Les limites qui nous étaient imposées, et que nous avons, cependant, été forcé de dépasser, ne nous ont pas permis de comprendre dans l'histoire grecque celle du Bas-Empire, bien qu'il soit généralement désigné sous le nom d'Empire grec. L'histoire byzantine est remplie de révolutions si nombreuses; elle se rattache, par tant le liens, aux annales de la plupart des peuples de l'Europe et de l'Asie; elle com

(1) Après la conquête des Turcs, Athènes partagea le sort malheureux du reste de la Grèce ; plus tard, ce fut un bonheur pour elle d'être donnée en apanage au chef des eunuques noirs, par le crédit d'une belle Athénienne qui était entrée au sérail. Cette juridiction lointaine fut une sorte d'affranchissement.

VII

porte, en conséquence, tant de développements, que nous n'avons pu la faire entrer dans le cadre d'un précis consacré exclusivement à l'histoire de l'Hellade ou Grèce proprement dite. Nous avons donné plusieurs chapitres à l'histoire littéraire; elle occupe une si grande place dans les annales des deux nations, qu'elle devient un complément indispensable du livre. Le christianisme amena une révolution si féconde en résultats dans l'état moral et politique de l'ancien monde, que nous avons cru devoir présenter un rapide aperçu de ses commencements et de ses progrès jusqu'à son adoption par Constantin; enfin, nous avons mis tous nos soins à rendre ce travail le moins imparfait possible c'est au lecteur à juger si nous avons réussi.

15 août 1840.

A. DUPONCHEL.

ERRATA.

Page 65, ligne 7, au lieu de : le luxe et les plaisirs y avaient établi leur séjour : de là le proverbe qu'il n'était pas permis à tout le monde d'aller à Corinthe, lisez : Son rôle politique ne fut pas, toutefois, en rapport avec son importance, et elle n'eut jamais que peu d'influence sur les affaires de la Grèce.

Page 102, ligne 28, au lieu de : 4 juillet 463, lisez : 4 juillet 363.

Page 392, note, ligne 3, au lieu de : Othon-le-Gros, lisez : Othon-le-Grand.

Page 393, lignes 24 et 25, au lieu de : sur la Grèce, lisez : sur les Grecs.

Page 395, ligne 13, au lieu de : des mains du pape Jean XII, lisez : des mains du pape Jean XXII (962).

OU

HISTOIRE DE TOUS LES PEUPLES

DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULES

JUSQU'A NOS JOURS.

HISTOIRE

DE

LA GRÈCE

GÉOGRAPHIE NATURELLE ET POTITIQUE.

Il suffit de jeter un coup-d'œil sur la carte du monde connu des anciens pour rester convaincu qu'aucun pays ne fut jamais aussi heureusement situé que cette contrée qu'à l'exemple des Romains nous désignons sous le nom de Grèce, mais que ses habitants ont toujours appelée et appellent encore Hellade.

Placée au milieu de la Méditerranée, comme un lien entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique, dont elle n'était séparée que par des étendues de mer qu'une courte traversée pouvait franchir, découpée en golfes profonds, en baies nombreuses, qui lui faisaient oublier que ses fleuves n'étaient point navigables, planant sur des groupes d'îles nombreuses, semées autour d'elle comme des fleurs sur un champ de verdure, la Grèce offrait à ses enfants les charmes d'un beau ciel, d'un doux climat, d'un sol fertile; aussi, dès les temps les plus reculés, la vit-on acquérir une vaste influence et devenir le centre GRÈCE ET ITALIE.

du commerce et de la civilisation du monde.

La Grèce, située entre les 41° et 36° degrés de latitude septentrionale, et les 18° et 22o degrés de longitude orientale du méridien de Paris, s'étendait du nord au sud, c'est-à dire des monts Cambuniens, qui la séparaient de la Macédoine, au cap Ténare, pointe méridionale du Péloponèse, dans une longueur de quatre-vingt-douze lieues environ; sa plus grande largeur, du cap Sunium, extrémité orientale de l'Attique, au promontoire de Leucade, en Épire, était de cinquantehuit lieues. Elle était bornée au nord par la Macédoine et l'Illyrie; dans tout le reste de son étendue elle était entourée par la mer Méditerranée, qui prenait différents noms suivant les côtes qu'elle baignait : ainsi à l'est, c'était la mer Égée; à l'ouest, la mer Ionienne; au sud, la mer de Crète, etc.

Toute la contrée semblait naturellement divisée en trois portions presque égales; la presqu'île du Péloponèse, ou partie méridionale, était séparée par les golfes Saronique et de Corinthe, de la Grèce continentale

1

ou Hellade proprement dite, à laquelle elle ne tenait que par un isthme large de deux lieues. L'Hellade se trouvait partagée en deux parties, l'une centrale, l'autre septentrionale, par la chaîne du mont OEta, qui courait presque parallèlement aux frontières du nord.

La portion septentrionale de la Grèce renfermait à l'est la Thessalie, et à l'ouest l'Épire.

La Thessalie, nommée Homonie dans les temps réculés, était peut-être, sous le double rapport du sol et du climat, la région la plus favorisée de la Grèce ; elle avait pour limites, au couchant et au sud, la chaîne du Pinde et de l'OEta, qui la séparait de l'Épire et de la Phocide; au nord, elle était bornée par les monts Cambuniens, qui s'élevaient entre elle et la Macédoine; enfin à l'est la mer Égée baignait ses côtes que dominaient les sommets du Pélion, de l'Ossa et de l'Olympe, séjour des dieux. La contrée était arrosée par le Pénée, qui, prenant sa source dans le Pinde, coulait de l'ouest à l'est pour aller se jeter dans le golfe Thermaïque, et recevait dans sa course les eaux d'un grand nombre de rivières. La tradition, d'accord avec les observations géologiques faites depuis, rapportait qu'à une époque reculée le Pénée couvrait tout le pays, mais qu'enfin un tremblement de terre, ayant séparé l'Ossa de l'Olympe, ouvrit au fleuve à travers la vallée de Tempé un passage jusqu'à la mer. Le sol de la Thessalie, couvert d'un limon fertilisant, sortit des eaux, prêt à récompenser les travaux des cultivateurs par les plus riches récoltes. Le Sperchius, qui se jette dans le golfe Maliaque et dont l'embouchure forme aujourd'hui une partie des frontières du nouvel État grec, appartenait aussi à la Thessalie.

La Thessalie était divisée en cinq provinces: 1° l'Estiotide, dont la ville principale était Gomphi; 2o le Pelasgiotide, qui comptait parmi ses cités, Larisse qui porte encore le même nom, et Gonnus; la délicieuse vallée de Tempé faisait partie de cette province; 3o la Thessaliotide, qui renfermait la ville de Pharsale, dont les plaines virent périr la liberté romaine; 4° la Phthiotide,

[ocr errors]

patrie d'Achille; Phères en était la ville la plus importante; 5° enfin la Magnésie située au bord de la mer, avec une capitale du même nom. Quelques cantons moins importants prenaient les noms des tribus qui les habitaient, et qui, comme les Perrhèbes, n'étaient point d'origine grecque. Au nord du Pénée on ne trouvait plus la race hellénique pure, mais bien des peuplades d'origine illyrienne, qui se considéraient comme appartenant, les unes à la Thessalie, les autres à la Macédoine.

Dans les temps héroïques, la Thessalie fut la plus importante région de la Grèce; ses belliqueux enfants, descendant des montagnes, s'avancèrent en Phocide, et chassèrent devant eux les Pélasges, forcés d'abandonner leurs anciennes demeures. Mais depuis la guerre de Troie jusqu'aux migrations des peuplades doriennes, la Thessalie paraît avoir promptement déchu, sans qu'on puisse connaître les causes de cette décadence; il est probable cependant que la fertilité du sol amna la dégénération des habitants, en les plongeant dans la mollesse et dans les plaisirs. Leurs villes furent tour à tour la proie de l'anarchie ou de la tyrannie, et cette belle contrée, malgré sa nombreuse population, malgré la facilité que ses montagnes présentaient pour sa défense, se soumit toujours sans résistance au joug du premier qui se présenta pour la conquérir. La cavalerie thessalienne était en grande réputation; à l'époque du siége de Troie, lorsque les Grecs ne se servaient de chevaux que pour faire traîner leurs chars, l'art de l'équitation était déjà connu en Thessalie chez une peuplade qui portait le nom de Centaures.

L'Epire était, après la Thessalie, la plus vaste contrée de la Grèce, mais aussi la plus sauvage. Elle était habitée par plusieurs nations, dont le plus petit nombre seulement avait une origine hellénique; les Molosses, peuple grec, furent les plus puissants des Epirotes, et purent se vanter d'avoir possédé le plus long-temps un gouvernement stable, puisque les rois de la famille des Éacides, qui régna jusqu'en l'an 219 avant J.-C., époque à laquelle elle s'éteignit, descendaient en ligne directe et non interrompue

« 前へ次へ »