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ronge et détruit nos vampires, et qui nous reverse goutte à goutte le sang dont ils nous ont épuisés.

GRIM M.

Et honni soit le ministre qui s'aviseroit au centre d'un sol immense et fécond de créer des loix somptuaires; d'anéantir le luxe subsistant, au lieu d'en susciter un autre des entrailles de la terre.

DIDER o t.

Et d'arrêter aux barrières les productions des arts, au lieu d'engendrer des artistes. Ce n'est pas moi qui ai marché, c'est vous qui m'avez conduit; et s'il y a un peu de bonne logique dans ce qui précède, il s'ensuit, comme je le disois au commencement, qu'il y a deux sortes de luxe, l'un qui naît de la richesse et de l'aisance générale, l'autre de l'ostentation et de la misère; et que le premier est aussi sûrement favorable à la naissance et au progrès des beaux-arts, que le second leur est nuisible; et là-dessus, rentrons dans le Salon; et revenons à nos Belle, à nos Bellanger, à nos Brenet et à nos Voiriot.

Satyre contre le luxe, à la manière de Perse.

Vous jetez sur les diverses sociétés de l'espèce humaine un regard si chagrin, que je ne connois plus guère qu'un moyen de vous contenter; c'est de ramener l'âge d'or.... Vous vous trompez. Une vie consumée à soupirer aux pieds d'une bergère, n'est point du tout mon fait. Je veux que l'homme travaille. Je yeux qu'il souffre. Sous un état de nature qui iroit au-devant de tous ses voeux, où la branche se courbéroit pour approcher le fruit de sa main, il seroit fainéant; et n'en déplaise aux poètes, qui dit fainéant, dit méchant. Et puis des fleuves de miel et de lait ! Le lait ne va pas aux bilieux comme moi; et le miel m'affadit.... Dépouillez-vous donc; suivez le conseil de Jean-Jacques, et faites-vous sauvage.... Ce seroit bien le mieux. Là du moins il n'y a d'inégalité que celle qu'il a plu à la nature de mettre entre ses enfans; et les forêts ne retentissent pas de cette variété de plaintes que des maux sans nombre arrachent à l'homme dans ce bienheureux état de société.... Mais quoi! ces mœurs si vantées de Lacédémone ne trouveront pas grace auprès

de vous !.... Ne me parlez pas de ces moines armés.... Mais là cet or, ce luxe qui vous blesse, ces repas somptueux, ces meubles recherchés.... Il n'y en a point, d'accord; mais ces pauvres, ces malheureux îlotes, n'en avez-vous point pitié? La tyrannie d'un colon d'Amérique est moins cruelle; la condition du, nègre moins triste.....Qu'objecterez-vous au siècle de Rome pauvre, à ce siècle où des hommes à jamais célèbres cultivoient la terre, de leurs mains, prirent leurs noms des fruits, des fonctions agrestes qu'ils avoient exercées, où le consul pressoit le boeuf de son aiguillon, où le casque et la lance étoient déposés sur la borne du champ, et la couronne du triomphateur suspendue à la corne de la charrue? O le beau temps! que celui où la femme déguenillée du dictateur pressoit le pis de ses chèvres, tandis que ses robustes enfans, la cognée sur l'épaule, alloient dans la forêt voisine couper des fagots pour l'hiver.... Vous riez; mais à votre avis, la chaumière de Quintus n'est-elle pas plus belle aux yeux de l'homme qui a quelque tact de la vertu, que ces immenses galeries où l'infâme Verrès exposoit les dépouilles de dix provinces ravagées? Allez vous enivrer chez Lucullus, Applaudissez aux poëmes divins de Virgile; pro

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menez-vous dans une ville immense, où les chef-d'œuvres de la peinture, de la sculpture et de l'architecture suspendront à chaque pas vos regards d'admiration; assistez aux jeux du cirque; suivez la marche des triom. phes; voyez des rois enchaînés; jouissez du doux spectacle de l'univers qui gémit sous la tyrannie, et partagez tous les crimes, tous les désordres de son opulent oppresseur. Ce n'est point là ma demeure.... Je ne sais plus en quel temps, sous quel siècle, en quel coin de la terre vous placer. Mon ami, aimons notre patrie; aimons nos contemporains; soumettons-nous à un ordre de choses qui pourroit par hasard être meilleur ou plus mauvais; jouissons des avantages de notre condition. Si nous y voyons des défauts, et il y en a sans doute, attendons - en le remède de l'expérience et de la sagesse de nos maîtres, et restons ici.... Rester ici! moi! moi! y reste celui qui peut voir avec patience un peuple qui se prétend civilisé, et le plus civilisé de la terre, mettre à l'encan l'exercice des fonctions civiles; mon cœur se gonfle; et un jour de ma vie, non', un jour de ma vie, je ne le passe pas sans charger d'imprécations celui qui rendit les charges vée nales. Car c'est de-là, oui, c'est de-là et de la création des grands exacteurs, que sont dé

coulés tous nos maux. Au moment où l'on put arriver à tout avec de l'or, on voulut avoir de J'or; et le mérite, qui ne conduisoit à rien, ne fut rien. Il n'y eut plus aucune émulation honnête. L'éducation resta sans aucune base solide. Une mère, si elle l'osoit, diroit à son fils : « Mon fils, pourquoi consumer vos yeux » sur des livres? Pourquoi votre lampe a-t-elle >> brûlé toute la nuit? Conserve-toi, mon fils. >> Eh bien! tu veux aussi remuer un jour >> l'urne qui contient le sort de tes conci>>toyens; tu la remueras. Cette urne est en » argent comptant au fond du coffre-fort de » ton père». Et où est l'enfant qui l'ignore? Au moment où une poignée de concussionnaires publics regorgèrent de richesses, habitèrent des palais, firent parade de leur honteuse opulence, toutes les conditions furent confondues; il s'éleva une émulation funeste, une lutte insensée et cruelle entre tous les ordres de la société. L'éléphant se gonfla pour accroître sa taille, le boeuf imita l'éléphant, la grenouille eut la même manie, qui remonta d'elle à l'éléphant; et dans ce mouvement réciproque, les trois animaux périrent triste, mais image réelle d'une nation abandonnée à un luxe, symbole de la richesse des uns, et masque de la misère

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