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tistes. Pourquoi un peintre d'histoire est-il communément un mauvais portraitiste? pourquoi un barbouilleur du pont Notre-Dame ferat-il plus ressemblant qu'un professeur de l'académie? C'est que celui-ci ne s'est jamais occupé de l'imitation rigoureuse de la nature; c'est qu'il a l'habitude d'exagérer, d'affoiblir, de corriger son modèle ; c'est qu'il a la tête pleine de règles qui l'assujettissent, et qui dirigent son pinceau sans qu'il s'en apperçoive; c'est qu'il a toujours altéré les formes d'après ces règles de goût et qu'il continue de les altérer; c'est qu'il fond, avec les traits qu'il a sous les yeux et qu'il s'efforce en vain de copier rigoureusement, des traits empruntés des antiques qu'il a étudiés, des table aux qu'il a vus et admirés,et de ceux qu'il a faits; c'est qu'il est savant; c'est qu'il est libre, et qu'il ne peut se réduire à la condition de l'esclave et de l'ignorant; c'est qu'il a son faire, son tic, sa couleur, auxquels il revient sans cesse; c'est qu'il exécute une caricature en beau, et que le barbouilleur, au contraire, exécute une caricature en laid. Le portrait ressemblant du barbouilleur meurt avec la personne, celui de l'habile homme reste à jamais. C'est d'après ce dernier que nos neveux se forment les images des grands hommes qui les ont précé

dés. Lorsque le goût des beaux arts est général chez une nation, savez-vous ce qui arrive? C'est que l'œil du peuple se conforme à l'œil du grand artiste, et que l'exagération laisse pour lui la ressemblance entière. Il ne s'avise point de chicaner; il ne dit point: Cet œil est trop petit, trop grand; ce muscle est exagéré, ces formes ne sont pas justes; cette paupière est trop saillante; ces os orbiculaires sont trop élevés; il fait abstraction de ce que la connoissance du beau a introduit dans la copie. Il voit le modèle où il n'est pas à la rigueur, et il s'écrie d'admiration. Voltaire fait l'histoire comme les grands statuaires anciens faisoient le buste; comme les peintres savans de nos jours font le portrait. Il agrandit, il exagère, il corrige les formes; a-t-il raison? a-t-il tort? Il a tort pour le pédant ; il a raison pour l'homme de goût. Tort ou raison, c'est la figure qu'il a peinte qui restera dans la mémoire des hommes à venir.

LE BE L.

43. Plusieurs paysages, sous le méme numéro.

Je les ai tous vus, mais je n'en ai regardé aucun, ou si je les ai regardés, c'est comme l'homme du bal à qui une femme disoit : M'a

t-il de ses gros yeux assez considérée? Madame, lui répondit-il, je vous regarde, mais je ne vous considère pas.

Dans l'un de ces paysages, ce sont des femmes qui lavent à la rivière; sur le fond, les arbres sont assez bien touchés, assez bien du moins par rapport au reste car la misère générale d'une composition, en relève quelquefois un coin et lui donne un faux air d'excellence; cela est bon là, ailleurs ce seroit mauvais. M. le Bel, en bonne-foi, sont-ce là des eaux? C'est un pré fanné, ras et nouvellement fauché. Ces monticules sont foibles et léchés : point de ciel. Au pied de ces vieux arbres petits objets, fleurettes de parterre qui papillottent. Figures roides, mannequins de la foire Saint-Ovide, pantins à mouvoir avec une ficelle; sur le devant, un gueux assis sur un bout de roche. O le vilain gueux ! il a le scorbut ou les humeurs froides; j'en appelle à Bouvard; mais vous me direz que Bouvard voit cette maladie par-tout.

L'autre est une belle plaque de cuivre rouge, terrasses, arbres, ciéls, montagnes, lointain, campagne, tout est cuivre, beau cuivre; si cela s'étoit fait de hasard, en coulant du fourneau dans le catin, ce seroit un prodige..

VENE VAULT.

44. Apothéose du prince de Condé.

Sujet immense, digne de l'imagination grande et féconde, et de la hardiesse de Rubens, et sujet fait en miniature par Venevault. C'est au centre une pyramide dont la base est surchargée de trophées; c'est Minerve; c'est sur le bouclier de la déesse l'effigie du héros; ce sont des génies lourds et bêtes; c'est une campagne; c'est une montagne; c'est sur cette montagne le temple de la gloire; ce sont des savans et des artistes qui y grimpent, mais entre lesquels on ne voit pas M. Venevault. Froide et mauvaise miniature; mauvaissalmis, qui n'en vaut pas un de bécasses. Cela est petitement fait, mal agencé, sec, dur, sans plan, sans liaison de lumières, platement peint, obscur, en dépit de la longue description du livret.

PERRONE A U.

45. Un portrait de femme.

On en voit la tête de face, et le corps deux tiers.

de

La figure est un peu roide et droite, fichée

Salon de 1787.

S

comme elle l'auroit été par le maître à danser; position la plus maussade, la plus insipide pour l'art, à qui il faut un modèle simple, naturel, vrai, nullement maniéré; une tête qui s'incline un peu, des membres qui s'en aillent négligemment prendre la place ordonnée par la pensée ou l'action de la personne; le maître des graces, le maître à danser détruisent le "mouvement réel, cet enchaînement si précieux des parties qui se commandent et s'obéissent réciproquement les unes aux autres. "Marcel cherche à pallier les défauts; Vanloo acherche à rendre leur influence sur toute la personne. Il faut que la figure soit une. Un mot là-dessus suffit à qui sait entendre; une page de plus n'apprendroit rien aux autres. C'est une chose à sentir mais revenons au portrait. L'épaule est prise si juste, qu'on la voit toute nue à travers le vêtement, et ce vêtement est à tromper. C'est l'étoffe même pour la couleur, la lumière, les plis et le reste; et la gorge, il est impossible de la faire mieux: c'est comme nous la voyons aux honnêtes femmes, ni trop cachée ni trop montrée, placée à merveille, et peinte il faut voir.

Le portrait de Marmontel pourroit bien être du même artiste. Il est ressemblant; mais il a l'air ivre, ivre de vin, s'entend, et l'on jureroit

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