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paroît assez convaincu de la justesse de sa remontrance. Ce n'est point ce Christ de l'évangile, accablé, agonisant, trempé d'une sueur de sang, repoussant le calice amer. Cette pusillanimité a paru indigne de Dieu à M. Parocel, qui s'est mis à jouer l'esprit-fort, quand il s'agissoit d'être peintre. Nous savons tout aussi bien que toi, mon ami, que cette fable est ridicule; mais faut-il pour cela en faire un tableau insipide.

Au bas, ce sont trois apôtres qui dorment de bon cœur, et à qui l'on ne sauroit pour tant reprocher le peu d'intérêt qu'ils prennent à leur maître; car le peintre ne l'a point fait intéressant.

Vous sentez qu'il n'y a point de liaison làdedans. Les anges jouent en haut. Le Christ et l'ange s'entretiennent au milieu. Les apôtres dorment en bas; mais n'allez pas couper cette toile en trois morceaux. J'aime encore moins trois mauvais tableaux qu'un.

Bon, excellent pour un dessus d'autel de campagne; mais pour un Salon, ah ! messieurs du comité, quand on a admis cela, on n'est pas en droit de refuser l'Antiope de madame Therbouche. Soyez sévères, j'y consens; mais, soyez justes. Là, messieurs, regardezmoi seulement cet ange couché dans de la laine.

Une Esquisse.

Une esquisse de Parocel? cela doit être curieux. Voyons ce que c'est.

C'est une gloire. L'esquisse est au ciel. Au haut, petite couronne formée de chérubins enlacés par les ailes; au-dessous, plus grande couronne de chérubins pareillement enlacés par les ailes. Puis sous un baldaquin d'une forme circulaire, une lumière divine, une vision béatifique. Ce baldaquin est soutenu sur des consoles. De droite et de gauche des cordons verticaux et symmétriques de chérubins enlacés par les ailes et rangés en colonnes. Au-dessous de cette extravagante et mystique composition, des anges, des archanges, des saints, des saintes en extasse.

Magnifique rétable d'autel à tourner la tête à tout un petit couvent de religieuses. Idée digne du onzième siècle, où toute la science théologique se réduisoit à ce que Denis l'Aréopagite avoit rêvé de la suite du Père éternel et de l'orchestre de la Trinité.

BREN E T.

118. Jésus-Christ et la Samaritaine.

Tableau de douze pieds six ponces de haut, sur neuf pieds trois pouces de large.

Brenet est un bon diable qui fait de son mieux, et qui feroit peut-être bien s'il étoit riche; mais il est pauvre. Il a la pratique de tous les curés de village. Il leur en donne pour leur argent. Il vit; sa femme a des cotillons, ses enfans ont des souliers, et le talent se perd.

Haud facile emergunt, quorum virtutibus obstat
Res angusta domi; sed Romæ durior illis
Conatus (1).

Maxime vraie par toute terre. Les besoins de la vie, qui disposent impérieusement de nous, égarent les talens qu'ils appliquent à des choses qui leur sont étrangères, et dégradent souvent ceux que le hasard a bien employés. C'est un des inconvéniens de la so

(1) Lorsque la misère est au logis, il est difficile aux talens de percer, et la tâche est bien plus dure à Rome qu'ailleurs.

ciété auquel je ne sais point de remède. Tenez, mon ami, je suis tout prêt à croire que ce maudit lien conjugal que vous prêchez, comme un certain fou de Genève prêche le suicide, sans vous y empiéger, abaisse l'ame et l'esprit. Combien de démarches auxquelles on se résout pour sa femme et pour. ses enfans, et qu'on dédaigneroit pour soi! On diroit avec Le Clerc de Montmercy (1), qui ne veut devoir l'aisance à personne, un grabat dans un grenier, sous les tuiles, une cruche d'eau, un morceau de pain dur et moisi, et des livres, et l'on suivroit la pente de son goût. Mais est-il permis à un époux, à un père d'avoir cette fierté, et d'être sourd à la plainte, aveugle sur la misère qui l'entoure? J'arrive à Paris. J'allois prendre la fourrure, et m'installer parmi les docteurs de Sorbonne. Je rencontre sur mon chemin une femme belle comme un ange; je veux coucher avec elle; j'y couche; j'en ai quatre enfans ; et me voilà forcé d'abandonner les mathématiques que j'aimois, Homère et Virgile que je portois

(1) Le Clerc de Montmercy est poète, philosophe, avocat, géomètre, botaniste, physicien, médecin, anatomiste; il sait tout ce qu'on peut apprendre; il meurt de faim, mais il est savant.

toujours dans ma poche, le théâtre pour lequel j'avois du goût; trop heureux d'entreprendre l'Encyclopédie à laquelle j'aurai sacrifié vingtcinq ans de ma vie.

'On voit à droite la Samaritaine appuyée sur le bord du puits. A gauche, le Christ assis et la dominant. Par-derrière le Christ, quelques apôtres scandalisés de leur divin maître, surpris en conversation avec une femme qui faisoit quelquefois son mari cocu, et révélant à cette femme ses petites fredaines qui n'étoient ignorées de personne. La tête du Christ n'est pas mal; mais le reste est mauvais. J'avois juré de ne décrire aucun mauvais tableau. Je ne sais pourquoi je manque à ma parole, en faveur de M. Brunet que je ne connois point et à qui je ne dois rien.

Jésus-Christ sur la montagne des Oliviers.

C'est un ange étendu à plat sur des nuages qui a bien plus l'air d'un messager de bonnes nouvelles, que d'un porteur de calice amer. C'est un Christ si sec, si long, si ignoble, qu'on le prendroit pour M. De Vaneck travesti.

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