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Si l'on voyoit ce morceau seul, on ne pourroit s'empêcher de s'écrier: O la belle chose ! mais on le compare malheureusement avec un Vernet, qui en alourdit le ciel, qui fait sortir l'embarras et le travail de la fabrique, qui accuse les eaux de fausseté, et qui rend sensible aux moins connoisseurs la différence d'une figure qui a du dessin et de la couleur, mais qui n'a que cela; la différence d'un pinceau vigoureux, mais âpre et dur, et d'une harmonie de nature; d'un original et d'une belle imitation, de Virgile et de Lucain. Le Loutherbourg est fait et bien fait. Le Vernet est créé.

Une Tempête.

On voit, à gauche, un grand rocher. Sur une longue saillie de ce rocher s'élevant à pic au-dessus des eaux, un homme agenouillé et courbé, qui tend une corde à un malheureux qui se noie. Voilà qui est bien imaginé. Sur une avance, au pied du rocher, un autre homme qui tourne le dos à la mer, qui se dérobe avec les mains, dont il se couvre le visage, les horreurs de la tempête, cela est bien encore. Sur le devant, du même côté, un enfant noyé, étendu sur le rivage, et la mère qui se désole sur son enfant. M. Loutherbourg,

cela est mieux, mais ne vous appartient pas ; Vous avez pris cet incident à Vernet. Au même endroit, plus vers la droite, un époux qui soutient sous les bras sa femme nue, et moribonde. Ni cela non plus, M. Loutherbourg; autre incident emprunté de Vernet. Le reste est une mer orageuse, des eaux agitées et couvertes d'écume. Au-dessus des eaux un ciel obscur, qui se résout en pluie.

Tableau crud, dur, sans mérite, sans effet, peint de réminiscence de plusieurs autres. Plagiat. Ces eaux de Loutherbourg sont fausses, ou celles de Vernet. Ce ciel de Loutherbourg est solide et pesant, ou les mêmes ciels de Vernet ont trop de légéreté, de liquidité et de mouvement. M. Loutherbourg, allez voir la mer. Vous êtes entre des étables, et l'on s'en apperçoit; mais vous n'avez jamais vu de tempêtes.

Autre Tempête.

A droite, roches formidables, dont les proéminences s'élancent vers la mer, et sont suspendues en voûte au-dessus de la surface des eaux. Sur ces roches, plus sur le devant, autres roches moins considérables, mais plus avancées dans la mer. Dans une espèce de détroit ou d'anse formée par ces dernières, une

mer qui s'y porte avec fureur. Sur leur penchant, dans la demi-teinte, homme assis, soutenant par la tête une femme noyée, qu'un autre, sur la pente en dessous, porte par les pieds. Sur l'extrémité d'une de ces roches ceintrées du fond, la plus isolée, la plus loin jetée sur les flots, un spectateur, les bras étendus, effrayé, stupéfait, et regardant les flots en un endroit où vraisemblablement des malheureux viennent d'être brisés, submergés. Autour de ces masses escarpées, hérissées inégales, sur le devant et dans le lointain, des flots soulevés et écumeux. Vers le fond, sur la gauche, un vaisseau battu de la tempête. Toute cette scène obscure ne reçoit du jour que d'un endroit du ciel, à gauche, où les nuées sont moins épaisses. Ces nuées vont en se condensant, en s'obscurcissant sur toute l'étendue des eaux. Elles sont comme palpables vers la gauche.

Les eaux sont dures et crues. Pour ces nuées, Vernet auroit bien su les rendre aussi denses, sans les faire mattes, lourdes, lourdes, immobiles et compactes. Si les ciels, les eaux, les nuées de Loutherbourg sont durs et crus, c'est la suite de sa vigueur affectée, et de la difficulté de mettre d'accord, quand on a forcé de couleur, quelques objets.

PAYSAGE S.

Cascade.

A droite, masse de rochers. Cascade entre ces rochers. Montagnes sur le fond. Vers la gauche, au-delà des eaux de la cascade, sur une terrasse assez élevée, animaux et pâtre,. une vache couchée, une autre vàche qui descend dans l'eau, une troisième arrêtée, sur laquelle le pâtre, debout et vu par le dos, a les bras appuyés. Tout-à-fait vers la gauche, le chien du pâtre, ensuite des arbres et du paysage.

Arbres lourds, mauvais ciel, à l'ordinaire; pauvre paysage. Cet artiste a communément le pinceau plus chaud. Mais, me direz-vous, qu'est-ce que peindre chaudement? c'est conserver sur la toile, aux objets imités, la couleur des êtres de la nature, dans toute sa force, dans toute sa vérité, dans tous ses accidens. Si vous exagérez, vous serez éclatant; mais dur, mais crud. Si vous restez en deçà, vous serez peut-être doux, moelleux, harmonieux, mais foible. Dans l'un et l'autre cas, vous serez faux, à vous juger à la rigueur.

Autre Paysage.

J'apperçois des montagnes à ma droite ; plus sur le fond, du même côté, le clocher d'une église de village; sur le devant, en m'avançant vers la gauche, un paysan assis sur un bout de rocher, son chien dressé sur les pattes de derrière, et posé sur ses genoux; plus bas et plus à gauche, une laitière qui donne, dans une écuelle, de son lait à boire au chien du berger. Quand une laitière donne de son lait à boire au chien, je ne sais ce qu'elle refuse au berger. Autour du berger, sur le devant, moutons qui se reposent et qui paissent. Plus vers la gauche, et un peu plus sur le fond, des bœufs, des vaches; puis une mare d'eau. Tout-à-fait à ma gauche, et sur le devant, chaumière, maisonnette, petite fabrique, derrière laquelle des arbres et des rochers qui terminent la scène champêtre, dont le centre présente des montagnes dispersées dans le lointain; montagnes qui lui donnent de l'étendue et de la profondeur. La lumière rougeâtre dont elle est éclairée est bien du soir, et il y a quelque finesse dans l'idée du tableau.

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