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C'étoit attaquer ouvertement la plus noble de nos lois académiques, celle qui n'accordoit l'admission au corps de l'Académie qu'à ceux qui seroient jugés dignes d'en être, et l'accordoit d'une manière tellement gratuite, qu'elle interdisoit jusqu'aux festins et banquets qui pourroient être proposés à cette occasion. C'étoit entreprendre de nouveau sur l'état honorable d'homme d'art, le ravaler, cet état, et le réduire à la condition humiliante du bas artisan et de l'homme de métier, tels qu'étoient la plupart des suppôts de la maîtrise. Il y avoit plus c'étoit vouloir assujettir l'Académie à la communauté, et la lui rendre tributaire.

Quelque révoltante que dût paroître cette proposition, même dès le premier coup d'œil, à tout membre académique un peu touché de ses droits, elle ne laissa pas d'en trouver qui, éblouis par le tour spécieux sous lequel elle étoit produite, ne la crurent pas tellement rejetable qu'elle ne méritât d'être examinée un peu plus à fond. Ses auteurs l'appuyèrent spécialement sur l'injustice qu'il y auroit que leur compagnie fût seule chargée d'emplir la bourse commune, pour la partager ensuite avec l'Académie, lorsqu'il s'agiroit de subvenir aux besoins courants, et qui regarderoient également les deux corps, comme si ce point n'avoit pas été réglé par l'article 9 de ceux dits de la jonction, l'Académie observoit avec son exac, que

titude ordinaire. Tout ce que l'on put dire, au surplus, pour montrer combien la nouvelle demande étoit contraire à l'honneur, à la dignité, aux priviléges de l'Académie, fut éludé de leur part avec une adresse infinie. Pouvoit-on penser qu'ils voulussent y donner la moindre atteinte? L'éclat, qui en rejaillissoit par la jonction et sur eux et sur leur communauté, ne les intéressoit-il pas à en maintenir, et, s'il se pouvoit, à en augmenter la splendeur? Mais cet avantage de la nouvelle union, si flatteur pour eux, et dont ils connoissoient si bien le prix, l'Académie voudroitelle s'en prévaloir aux dépens des règles de l'équité la plus commune? Comment le présumer d'un corps aussi respectable et composé de tant d'hommes si célèbres, moins recommandables encore par la supériorité de leurs talents que par leur exacte probité et leur amour pour la justice?

Ce ton doucereux et flatteur que prenoient ainsi les jurés et leurs émissaires avec l'Académie ne tendoit qu'à leurrer et à s'acquérir plus facilement le commun, autrement dit le gros des académiciens, toujours prêt à se prendre à cet appât, bien sûrs, dès qu'une fois ils en seroient là, d'emporter de haute lutte ce qui ne seroit plus défendu que par nos sages et par la raison. La chose leur réussit comme ils l'avoient prévue et projetée. En vain les défenseurs ordinaires de la

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avis. Ils n'attendirent plus que le moment conveayant été mise sur le tapis, l'élite de nos chefs, ne et måle défense. Nos gens s'ébranlèrent alors, comme pour s'avancer au secours. La cabalé des jures les sut bientôt faire rebrousser chemin. Pour peu que ce mouvement eût tenu et se fût commumais elle savoit aussi comment le rompre, niqué, elle manquoit son coup. Elle le savoit; qu'elle fit voir à l'instant même : car, laissant là le ton d'insinuation qu'en tout ceci elle avoit afcelui de la plus prochaine assemblée. L'affaire y posé, déclarant avec hauteur qu'il falloit à l'heure jusqu'alors, elle prit tout à coup le ton op

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même, ou lui accorder sa demande, ou consentirà la disjonction, en chargeant d'avance l'Académie de tout le blâme de cet événement. Un coup foudre n'eût pas fait un effet plus terrible et plus subit que fit cette alternative menaçante sur l'esprit de tous ces bons confrères dont étoit composé le renfort. Tous se rendirent avec effroi et formerent le spectacle du monde le plus ridicule. De pouvoir être cités comme les causes, même concourantes, d'une rupture, que tout ce qui se passoit devoit faire regarder comme inévitable, étoit à leurs yeux le comble des disgrâces; c'est tout ce qu'ils y voyoient. Les choses en cet état, il ne restoit d'autre parti à prendre au petit nombre de nos vrais et sages défenseurs que de succomber avec le moins de déshonneur qu'il seroit possible. Tout ce qu'ils purent faire pour cet effet fut d'éviter que l'on assujettît les agréés à l'Académie par aucun acte en forme au droit en question. İls firent donc en sorte qu'il passât que les jurés seroient autorisés à prendre dans la bourse commune le montant des droits de réception d'un aspirant à la maîtrise pour chaque sujet qui seroit admis en qualité d'académicien. Encore ne fut-ce qu'avec bien de la peine que ces derniers voulurent bien se contenter de ce tempérament.

Une fermentation si marquée dans les deux corps porta M. Hervé à presser l'affaire de la

vérification des statuts, etc., dont on a vu qu'il avoit bien voulu se réserver le soin. Il s'imagina qu'en donnant à la jonction cette dernière forme qui lui manquoit, il la rendroit indissoluble et feroit tomber cet esprit contentieux qui, dans son opinion, ne continuoit de se montrer encore que parce que les deux compagnies ne se croyoient pas liées irrévocablement et sans retour. Plein de cette pensée, il présenta au parlement deux requêtes, 22 et 23 janvier 1652, l'une au nom des maîtres, gardes, jurés, peintres et sculpteurs de la ville et faubourgs de Paris, l'autre au nom des peintres et sculpteurs de l'Académie royale, et toutes deux tendantes à la vérification, enregistrement et homologation, tant des lettres patentes du mois de février 1648 et des statuts et règlements de ladite Académie confirmés par ces lettres, que du contrat et des articles de jonction passés entre ceux de la même Académie et lesdits maîtres peintres et sculpteurs. M. Hervé fit cette démarche sans en rien communiquer aux parties intéressées, dans la crainte de donner lieu à quelque nouvel incident qui dérangeât ou retardât la consolidation d'un accommodement, lequel, comme étant son ouvrage, lui tenoit extrêmement en quoi sans doute il fit fort bien. Dans ce qui venoit de se passer en l'assemblée, où il s'étoit agi des droits de réception, M. Henri

cœur,

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