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Testelin, secrétaire général, avoit fait de sérieuses réflexions sur un inconvénient très considérable pour l'Académie, qui pouvoit naître à tout moment de la constitution actuelle des deux corps réunis. Le nombre des maîtres peintres et sculpteurs ayant voix délibérative étoit fort supérieur à celui des académiciens revêtus du même droit. Ce droit n'étoit acquis dans l'Académie qu'à son chef, à ses douze anciens et au secrétaire, tandis que, dans la communauté, il appartenoit non seulement aux quatre jurés en charge, mais encore à tous ceux qui, ayant passé par la jurande, acquéroient la qualité d'anciens officiers de leur compagnie. Or, comme chaque année il s'y faisoit deux nouveaux jurés, le nombre des anciens s'accumuloit considérablement. Il est vrai que, par les articles deuxième et cinquième de l'acte de la jonction, la condition des deux compagnies avoit été rendue absolument la même à cet égard. Mais ces sortes de mutations n'étoient point en usage par rapport aux officiers de l'Académie, et ainsi le nombre de ses votants n'étoit point susceptible d'un semblable accroissement. Par là, ceux de la communauté pouvoient en toute rencontre se rendre les maîtres des délibérations où ils voudroient avoir le dessus, et, du train qu'alloient les choses, il étoit aisé de prévoir que rarement ils négligeroient cet avantage qu'ils avoient sur nous.

pour

M. Testelin, toujours plein d'amour et de zèle l'Académie, songea à la fortifier contre ce danger. Sans s'ouvrir de ce motif, qui le faisoit agir, qu'à ce peu de grands hommes pénétrés des mêmes sentiments et qui avec lui étoient l'âme du corps académique, il nous proposa, dans une assemblée générale, comme un acte de justice et de devoir, de reconnoître, du moins par quelque marque d'honneur, les soins gratuits et le succès avec lesquels nos élèves étoient formés depuis tant de temps à la perspective et à l'anatomie par MM. Bosse et Quatroulx. Il insinua ensuite que l'Académie, en honorant ces deux excellents hommes, qui avoient tant mérité d'elle, de la qualité d'académicien honoraire avec séance et voix délibérative dans ses assemblées, s'honoreroit ellemême, se les acquerroit plus particulièrement et les engageroit à continuer leurs exercices avec plus de zèle encore, ainsi qu'avec plus d'autorité et de fruit.

Comme cette proposition étoit également équitable et raisonnable, tout ce qu'il y eut en l'assemblée d'académiciens y acquiesça d'un vœu una

nime.

Les anciens du corps des maîtres, sans l'improuver et la combattre, jugèrent à propos de la diviser. Ils n'avoient pas pour M. Quatroulx la même considération qu'ils avoient pour M. Bosse. Celui

ci avoit un dehors et tenoit un état plus apparent que l'autre. Il étoit très bien voulu d'ailleurs de la plupart des maîtres. Ainsi leurs votants admirent, à son égard, la proposition dans toute son étendue, avec ces deux clauses toutefois qu'il ne pourroit entreprendre aucun ouvrage de peinture, et qu'aussi il ne seroit tenu d'aucune contribution. Pour M. Quatroulx, jamais ils ne voulurent lui passer que la qualité toute nue d'académicien honoraire, avec séance, s'il la vouloit, mais sans voix délibérative. Lorsqu'il sut cette différence de traitement, il la prit à offense, cessa de donner ses leçons à l'Académie, et même n'y parut plus du tout. Elle perdit en lui un maître habile, fort affectionné à la jeunesse, et celle-ci une branche d'instruction aussi importante qu'elle a été peu cultivée depuis.

M. Bosse étoit de ces gens qui cherchent à tirer avantage de tout et qui vont toujours à leurs fins. Ilen fournit en cette occasion une preuve assez bizarre qui, par la suite, donna lieu à un incident plus capital. Ce qui venoit d'être arrêté en sa faveur, le secrétaire fut chargé de lui en aller faire part au nom de l'Académie. Lorsqu'il se présenta pour s'acquitter de sa commission, il trouva l'autre informé et qui reçut son compliment avec un air de réserve et de défiance tout à fait extraordinaire car, au lieu d'y répondre, à ce com

pliment, comme la civilité sembloit le requérir, il dit assez froidement qu'il auroit quelque peine à se tenir assuré de cet honneur que l'Académie vouloit bien lui faire tant qu'elle ne lui en feroit point expédier les lettres de provision en bonne forme. M. Testelin, qui ne comprenoit rien à ce discours, répliqua tout uniment à M. Bosse qu'il étoit fort en état de lui certifier de l'intention qu'avoit l'Académie de lui accorder ces lettres, et comme c'étoit à lui, en sa qualité de secrétaire, à les dresser, qu'il ne devoit point douter qu'elles ne fussent conçues dans les termes les plus avantageux et les plus honorables qu'il pourroit les désirer.

C'étoit là où l'autre en vouloit venir. Ainsi, en s'adoucissant tout à coup, il pria M. Testelin de vouloir bien y travailler et de les lui communiquer en projet avant de les faire signer. Le secrétaire le lui promit et lui tint parole. L'autre, les ayant examinées d'un visage satisfait et reconnaissant, lui demanda de vouloir bien ajouter quelque peu de mots à deux endroits qu'il lui fit remarquer. L'un de ces endroits étoit celui où il étoit parlé, comme de choses méritantes, de ce qu'il avoit donné gratuitement les leçons de perspective; il témoigna désirer qu'on y ajoutât ces trois mots : Et les dépendances. L'autre endroit étoit à la fin de cette exposition, laquelle il pro

posa d'être augmentée de cette phrase: Comme il en a été prié par l'Académie. Il affecta de ne s'attacher que très légèrement à ces deux additions, qu'il insinua cependant trouver aussi justes par rapport à lui que pour l'Académie elles lui paroissoient indifférentes.

Le peu d'objet que le secrétaire vit dans cette demande l'éloigna de tout soupçon qu'elle pouvoit renfermer aucun dessein caché. Prévenu d'ailleurs d'une affection particulière pour M. Bosse, sa pénétration naturelle s'arrêta devant l'opinion qu'il avoit de la franchise d'un ami dont il n'avoit jamais eu lieu de penser autrement, et l'empêcha de démêler la petite ruse que ce dernier employa en ceci pour mener les choses à son point. M. Testelin ne fit donc nulle difficulté d'accorder les additions proposées. Il se contenta seulement d'en rendre compte à M. de Charmois et à l'ancien de l'Académie étant alors en mois, en leur communiquant le surplus du projet qu'il avoit minuté. Non plus que lui ils n'y trouvèrent nul inconvénient. En conséquence, les lettres furent expédiées avec cet assaisonnement, et délivrées à M. Bosse dès le lendemain. Il en remercia la compagnie en pleine assemblée peu de jours après, et prit séance en sa nouvelle qualité.

La manière dont il s'y comporta et dont il s'appliqua à faire valoir son suffrage dans toutes les

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