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modoient fort ceux d'entre ces officiers qui, étant peu opulents, ne les faisoient qu'aux dépens de leur propre subsistance. Les plus aisés, pour surcroît de peine, étoient ceux qui, mécontents de la jonction, s'abstenoient, depuis qu'elle avoit lieu, d'aller à l'Académie. Enfin, les choses en vinrent au point que les ressources manquèrent absolument. Faute de payer, le modèle quitta. Il y eut donc encore une fois cessation entière des exercices publics. Les jurés et leurs adhérents triomphèrent. Ils ne triomphèrent pas longtemps. Cette cessation ne dura en tout qu'environ deux mois.

Au bout de ce temps, les mêmes sentiments qui avoient toujours si noblement agi dans nos grands chefs académiques reprirent le dessus et produisirent leur effet ordinaire. Par les soins de ces vrais pères des beaux-arts, notre école fut relevée aussitôt et remise en sa splendeur première; leur exemple sembla réchauffer tous les cœurs, et servit comme de signal de ralliement à tous les académiciens dispersés. Nul ne se dispensa d'assister aux assemblées, et la désertion de la maîtrise rendit à celles-ci et leur première ferveur et leur première unanimité. L'on y prit de justes mesures pour empêcher que les exercices publics fussent à l'avenir exposés à de pareilles interruptions. Cette conduite de l'Académie lui fit beau

coup d'honneur dans le public. Le parallèle qui en résultoit avec les déportements des jurés frappa ces derniers d'une désapprobation générale. Ils en craignirent le contre-coup, et reprirent en conséquence les voies d'accommodement. L'usage abusif qu'ils en avoient déjà fait tant de fois fit que, pour celle-ci, l'Académie les vit revenir avec indifférence et avec circonspection.

Elle n'eut pas lieu de se départir de ce sentiment, lorsqu'elle eut vu les propositions qu'ils osèrent lui envoyer par écrit, et sur le pied desquelles la jonction devoit être consentie de leur part. Il étoit sensible qu'elles n'avoient pour but que d'imposer, d'un côté, par un faux dehors d'esprit de conciliation, tandis que, de l'autre, elles engageroient à des discussions qu'un peu d'adresse pourroit facilement tourner en procès réglé; toutes les manœuvres de la cabale ne tendoient toujours qu'à ce point là. C'étoit le seul, elle le savoit bien, qui lui pût donner quelque supériorité sur l'Académie. Quelle supériorité!

Mais, pour mettre à portée de juger plus particulièrement de la valeur de ces propositions, il suffira d'en exposer ici le précis. Elles étoient au nombre de quatre; les jurés y demandoient: 1° l'exécution de l'arrêté touchant les droits qui leur revenoient sur la réception des académiciens nouvellement admis; 2o que l'on portât à eux, jurés,

dans leur bureau, les registres de l'Académie, comme l'étant également de la communauté au moyen de la jonction, pour qu'ils y pussent insérer, dans les termes qu'ils jugeroient convenables, le détail de leurs séances et le compte des deniers par eux touchés depuis la séparation pour droits de réception à la maîtrise, etc.; 3° qu'il fût fait un inventaire en forme des meubles et effets appartenant en commun aux deux corps réunis; et 4° qu'il fût pourvu par l'Académie au remboursement des sommes qu'eux jurés prétendoient avoir avancées au greffe du parlement pour retirer l'arrêt d'enregistrement de nos lettres, etc.

Quelque inciviles que fussent ces propositions, et quelque révoltante que fût surtout la deuxième, l'Académie jugea à propos de se renfermer dans sa modération ordinaire. L'impudence qu'eurent ces lâches déserteurs de lui demander ses registres pour servir à ratifier et à autoriser leurs infractions et leurs malversations lui parut ne pouvoir être mieux humiliée que par un silence dédaigneux. Il fit plus d'effet, pour lors, ce silence, qu'auroient pu faire les réponses les plus vertes et les plus nerveuses: il rompit toutes les mesures de la cabale et dérangea tous ses projets. La séparation subsistoit et la couvroit de blâme. L'école académique étoit florissante et combloit de bénédictions les auteurs d'un bien si désirable et

opéré si à propos. L'Académie, avec cette estime publique, jouissoit d'une tranquillité parfaite. Ce spectacle étoit trop rude à soutenir aux jurés pour qu'ils ne s'ingéniassent point à le faire changer. Mais l'Académie étoit désormais sur ses gardes. Cela ne les embarrassa que très légèrement. Au pis aller, ils savoient bien par où la prendre. Le détour qu'ils choisirent, tout usé qu'il fût, ne manqua pas de leur réussir, comme il avoit fait toutes les fois qu'ils s'en étoient servis en semblable cas.

Il consistoit à capter assez la confiance et la persuasion de cette nouvelle classe de nos collègues, jadis membres de la maîtrise, reçus parmi nous depuis la jonction, et vulgairement connus sous le nom d'académiciens modernes, pour pouvoir jouir de leur bonne foi et les faire agir suivant les vues et les fins de la cabale. Cette classe étoit composée de gens d'un mérite assez distingué dans leur art pour avoir été jugés dignes par leur seul talent de cette translation. La plupart ne l'étoient pas moins par leurs sentiments et l'honnêteté de leurs mœurs, et le respect qu'ils avoient toujours montré pour les mœurs académiques en étoit un assez sûr garant. Il est certain que plusieurs d'entre eux étoient, pour ce dernier regard, en grande considération dans l'Académie. L'attachement qu'ils lui avoient voué à leur tour ne pou

voit être ni plus complet ni plus sincère; mais ils ne le croyoient pas incompatible avec ces sentiments de bienveillance que le galant homme se plaît assez volontiers de conserver pour le corps auquel il peut avoir appartenu. Bien loin qu'ils fussent blâmes de cette façon de penser par les anciens académiciens, ceux-ci, justes appréciateurs de tout mouvement vertueux, ne faisoient que les en estimer davantage. Cette position frappa les jurés et leur inspira le dessein de s'en prévaloir.

L'exécution s'en suivit de près. Ils détachèrent sans affection vers ces académiciens modernes des émissaires affidés ou trompés qui n'oublièrent rien pour les émouvoir sur les inconvénients d'une si longue séparation. A les entendre, elle n'avoit pour cause que quelque malentendu ou tout au plus quelques propos peu mesurés, quelques mouvements de vivacité échappés dans la chaleur de certains débats, propos et mouvements très déplacés à la vérité, mais qui, après tout, ne devroient pas tenir dans la désunion éternelle tant d'honnêtes gens qui ne respirent que l'amour de la paix et du bien commun en général. Quoi, disoient-ils, de plus digne d'un confrère vertueux et censé neutre que de s'entremettre pour faire cesser les divisions existantes? Quoi de plus honorable et de plus satisfaisant pour lui que d'y réussir, et peut-être de

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