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l'étendue des desirs de son cœur. Puis, s'apercevant que par bienséance ainsi que par sentiment elle s'alloit défendre sur l'article du protectorat, il l'interrompit tout net, et déclara qu'à l'instant qu'il parloit il cessoit d'être protecteur de l'Académie, puisqu'il se démettoit de cette qualité ; mais que, prévenu d'une aussi parfaite estime qu'il l'étoit en faveur d'un corps aussi recommandable, il vouloit bien lui rester uni en la qualité de son vice-protecteur. Le brevet enfin donna lieu à une dernière observation de M. le chancelier: il lui parut valable et suffisant pour le fait du logement et celui de la pension annuelle, mais non pour le surplus des grâces, c'est-à-dire pour les priviléges et exemptions qu'il plaisoit au roi d'accorder à l'Académie, sur lesquels il décida qu'il falloit des lettres patentes enregistrées au parlement. Tout s'étant terminé ainsi avec cette abondance d'affection et de grâce, M. le chancelier congédia la compagnie de nouvelles assurances de la continuation de sa faveur et de sa bienveillance dans toutes les occasions où elle voudroit y avoir recours. La compagnie, après lui avoir témoigné sa respectueuse gratitude, se retira comblée de satisfaction et dans l'état d'un véritable ravissement.

par

Avant de se séparer, elle prit de justes mesures pour empêcher que ce qui venoit de se passer ne se répandît au dehors, et surtout pour que les

adversaires de tout bien ne fussent instruits de tout

l'intérieur de celui que l'on travailloit à procurer à l'Académie et aux beaux-arts. Chacun s'engagea sur sa parole d'honneur de garder sur le tout un secret inviolable jusqu'à la pleine et parfaite consommation de l'arrangement, ou qu'il en fût autrement ordonné d'un consentement général. Et, chose merveilleuse, quelque considérable que fût le nombre de ceux qui formèrent cette espèce de confédération, il ne paraît pas qu'il y en eût un seul qui eût manqué à son engagement.

La joie que ressentit M. Ratabon de ces commencements si heureux et pour lui si flatteurs, sembloit redoubler son courage et son activité. Il travailla avec une ferveur et une diligence exemplaires à mettre le brevet, les statuts et les lettres patentes en la forme que M. le chancelier avoit jugé qu'ils devoient être conçus. Il les mit ensuite entre les mains du secrétaire de l'Académie pour qu'il en fit faire les expéditions convenables, lequel eut soin de les faire transcrire curieusement sur du vélin.

Une députation très nombreuse d'académiciens, conduite encore par M. Ratabon, se rendit avec ces expéditions chez M. de la Vrillière, secrétaire d'Etat, pour le supplier de vouloir bien les valider par sa signature. Dans l'accueil qu'elle reçut de ce ministre, il sembla n'être occupé qu'à ren

chérir sur les marques de bienveillance dont il avoit comblé l'Académie lors de la formation de son établissement, et il déclara considérer cette réformation plus digne encore de ses soins, ainsi que de son zèle sincère pour les progrès et la gloire des beaux-arts. Comme il savoit tout ce qu'il en coûte pour y exceller, il sentit toute la nécessité de les rendre à eux-mêmes, et alla jusqu'à traiter la chose d'affaire d'état. Il voulut repasser encore avec les députés et peser les moyens que l'on entendoit employer pour parvenir à une fin si désirable. Les nouveaux statuts, le brevet, les lettres patentes, de la façon que ces pièces étoient conçues et tournées, pourvoyoient à son gré à tout et avec une sagacité qui les garantissoit de tout inconvénient. Il les signa à l'heure même et témoigna trouver le tout composé avec tant de discernement et d'élégance, qu'il s'en fit remettre des copies, lesquelles il assuroit vouloir conserver dans son cabinet, comme un ouvrage excellent, dont le succès formeroit toujours l'objet de ses plus tendres vœux.

Une autre députation, moins nombreuse, mais formée des plus célèbres d'entre nos académiciens, et des plus considérés, fut présentée ensuite par M. Ratabon à M. le cardinal Mazarin. Elle supplia Son Éminence de vouloir bien prendre l'Académie sous sa sauvegarde spéciale, et agréer la

liberté qu'elle avoit prise de lui en déférer le protectorat. M. le cardinal accepta cette qualité de protecteur avec beaucoup de marques de bonté et d'affection, parla de la compagnie et des membres de la députation dans les termes les plus honorables et les plus obligeants, et chargea expressément M. Ratabon de faire, de sa part, tout ce qui seroit nécessaire et convenable pour faire jouir les beaux-arts de l'appui et du secours qu'il vouloit leur donner en toute occasion.

Au sortir de chez Son Éminence, M. Ratabon mena les mêmes députés tout de suite chez M. le garde des sceaux. Ils le supplièrent très respectueusement de vouloir bien sceller les lettres patentes qu'il avoit plu au roi d'accorder à leur compagnie, et qu'ils avoient l'honneur de présenter pour cet effet à Sa Grandeur. M. Molé avoit été circonvenu par quelques partisans de la jurande, qui avoient travaillé à lui inspirer du soupçon contre la conduite de l'Académie, et n'avoient pas toutà-fait travaillé vainement. La réception froide et un peu sévère que ce magistrat fit aux députés les mit d'abord au fait de ces dispositions intérieures. Peu touché, comme ils le connoissoient, des beautés et de la gloire des arts, ils s'étoient bien attendus qu'ils ne trouveroient pas en lui cet amour de père dont les honoroit M. le chancelier. Après avoir parcouru assez légèrement les lettres paten

tes, il y fit plusieurs difficultés trop longues à déduire ici en détail, mais dont la principale fut qu'il y avoit une transaction avec les maîtres de la communauté, laquelle, disoit-il, il falloit exécuter de bonne foi. M. Ratabon répondit que l'on n'avoit pas dessein d'y contrevenir, mais que le roi, informé des fruits avantageux au public, et même à l'État, que produisoit l'Académie de peinture et de sculpture, avoit bien voulu l'encourager à de plus grands progrès par une augmentation de grâces, objet unique des lettres dont il s'agissoit.... M. Molé l'interrompit en lui disant d'un ris moqueur: « Quoi! une Académie de pein>> tres ?»>«<Oui, Monseigneur,» reprit M. Ratabon avec vivacité et avec cette présence d'esprit qui lui étoit naturelle : « Une Académie vraiment digne » de cette noble qualité, où des beaux-arts, >> norés dans l'ancienne Grèce et des empereurs » romains, sont enseignés et cultivés sur des prin»cipes solides, et d'une manière savante, lumi»> neuse, et singulièrement recommandable. » Il ajouta «< que le roi étoit très satisfait de l'état et >> des services de cette Académie; que Son Émi» nence l'avoit prise sous sa protection spéciale >> et par titre formel; qu'elle étoit résolue de don» ner une attention particulière à fortifier de plus » en plus ses succès, et, qu'au point où elle étoit » déjà parvenue, elle vouloit que sa réputation

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