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effet tout contraire. Pour rendre justice aux principes vertueux qui l'avoient fait naître, il eût fallu qu'ils eussent été cultivés chez elle par delà le discours. Elle possédoit trop peu de sujets de la trempe dont étoient les promoteurs de l'accommodement proposé pour qu'il fût possible que leurs sentiments y prissent le dessus. Les différents intérêts qui la divisoient ne voyoient d'appui bien assuré que dans le trouble. De cette nature étoient surtout ceux des jurés. Aussi étoient-ils les plus opposés de tous au projet, et les plus attentivement occupés à le faire échouer. Il y parut assez par les propositions qu'ils ne purent se dispenser de faire à l'Académie en réponse à son arrêté. Elles en furent trouvées si absurdes et si impraticables, pour ne rien dire de plus, que notre compagnie, sans daigner même d'en délibérer, les renvoya à leurs auteurs. Elle eut lieu aussi de concevoir, dès ce premier pas, que les intentions en apparence les plus louables courent risque de mal tourner lorsqu'elles sont conduites avec plus de précipitation que de prudence et de discernement.

Ceux d'entre les maîtres qui avoient à cœur l'affaire de l'accommodementne se rebutèrent point de cette première difficulté; leur nombre étoit notablement grossi depuis le commencement de la négociation. L'idée de l'honneur et de la distinction attachés à la qualité d'Académicien en atti

roit plusieurs, flattés d'y participer par la jonction projetée. L'estime, l'amitié, d'anciennes liaisons d'affaires entre les honnêtes gens des deux corps, y appeloient plusieurs autres. Le seul désir de voir cesser tous ces anciens troubles et débats y fixoit le surplus. Tous s'étant réunis, ils agirent auprès de leurs jurés avec tant d'empressement et de succès qu'ils les portèrent à réformer leurs premières propositions, et à les mettre en état de pouvoir être présentées à l'Académie. Les trouvant conçues en termes plus convenables, cette fois elle y répondit favorablement, et nomma des députés pour entrer en conférence avec ceux que la communauté voudroit nommer de son côté.

Ces conférences se passoient assez rondement au premier début, mais n'allèrent pas bien loin. Les dissensions intérieures de la communauté ne lui permirent point de s'accorder sur aucun des points avancés ; presque tous ses anciens étoient pour la jonction. Il n'en falloit pas davantage aux jurés en charge pour s'y montrer contraires; les moyens qu'ils employèrent pour la traverser furent si irréguliers et si répréhensibles que l'on en vint à faire démettre deux de ces officiers par autorité de justice. Cette démarche des bien intentionnés irrita les esprits brouillons, dont il ne se trouva que trop dans la communauté. L'intérêt qu'ils avoient à mettre et à entretenir la confusion dans ses af

faires les armoit contre tout ce qui pouvoit tendre à les arranger. Il n'y eut ni artifices ni intrigues qu'ils ne missent en usage pour parer le coup dont ils s'estimoient menacés. Ils firent jouer mille ressorts pour troubler les conférences ou pour en retarder l'effet. Mais leurs députés, qui étoient en garde contre eux, se hâtèrent d'en fixer le résultat et de le porter à une assemblée générale de leur communauté. C'étoient des articles très raisonnables, sur le pied desquels l'Académie consentoit de conclure la jonction, et si raisonnables qu'il n'y eut personne de ce grand nombre de maîtres là ̧ présents qui y formât la moindre difficulté.

La cabale des turbulents, se voyant pressée de la sorte, prit tout à coup un parti vraiment digne d'elle ce fut de rompre la négociation d'une manière brusque et choquante, et par quelque incident d'éclat. Ainsi, au lieu de laisser répliquer les jurés, conformément aux règles de la bienséance, à ce qui avoit été mis en avant par l'Académie, elle les porta à présenter une requête au Parlement tendant à ce qu'il plût à cette Cour, sans avoir égard aux lettres obtenues par l'Académie, de limiter le nombre des peintres et des sculpteurs privilégiés, etc. Cette requête ayant été répondue, l'Académie, pour première nouvelle, reçut par un huissier la sommation d'y défendre dans le délai prescrit.

Un procédé aussi sauvage n'eut rien de surprenant pour ceux qui connoissoient le génie toujours prédominant de la jurande, ni de déplaisant pour les vrais zélateurs de l'honneur académique. Bien loin de là, ceux-ci le regardoient comme l'événement du monde le plus favorable pour rendre l'Académie à elle-même, et la conduire au terme heureux de la pleine et paisible jouissance de ses droits. Ils se saisirent en conséquence de cette juste indignation répandue dans tous les cœurs, et s'en servirent habilement à faire prendre sur ce point une résolution finale dans une assemblée générale tenue le .. mars 1651. Il fut arrêté unanimement que, sans différer davantage et toutes affaires cessantes, l'Académie poursuivroit la vérification des lettres de son établissement. Par la même délibération, M. Testelin le puîné fut chargé des soins nécessaires pour mettre cette affaire en état. Il venoit de succéder à son frère aîné dans l'emploi de secrétaire de l'Académie et ne lui cédoit ni en lumières ni en sentiments. Les intérêts de la compagnie ne pouvoient être remis en meilleures mains.

La diligence dont il usa en cette occasion fut telle que peu de jours après nous présentâmes nos lettres au Parlement. M. Doujat, conseiller de la grand'chambre, en fut nommé le rapporteur. L'Académie fit auprès de lui et de ses autres juges

toutes les démarches convenables pour se concilier leur bienveillance, et les instruisit d'abord des motifs de son institution et de l'état d'oppression d'où ils alloient avoir la gloire de tirer les beaux arts. L'honneur et le progrès de ces arts faisoient tout le fort de ses espérances comme de ses moyens. Ceux que lui opposèrent les jurés et leur cabale étoient tirés uniquement de ce labyrinthe de chicane dont, par un long usage, ils savoient si bien tous les détours. Malgré leurs efforts, leurs menées et leurs raffinements, l'on parvint à mettre la cause en état d'être jugée. L'avocat qui la devoit plaider pour l'Académie, choisi et endoctriné par M. Le Brun, étoit tout prêt, et en devoit faire une cause d'apparat dont il ne se promettoit pas moins d'honneur que de succès. Tout le barreau en auguroit comme lui. A l'approche du moment de la décision que nous cherchions avec ardeur et avec confiance, l'audace des jurés fit soudainement place à la terreur. L'estime où ils voyoient l'Académie les força de faire un retour sur eux-mêmes. Ils se regardoient comme perdus s'ils s'exposoient au sort d'un jugement. Dans cette perplexité, ils se replient et n'ont point de honte de rechercher l'Académie par de nouvelles propositions d'accommodement.

Chose incroyable, si l'on connoissoit moins les ressorts qui font mouvoir le commun des hommes,

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