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» qu'on y observe et qu'on y voit affiché encore >> aujourd'hui. »

Ce sont là toutes les différences de faits, toutes les additions qu'on puisse relever dans Piganiol, et j'ai tenu à les présenter toutes, pour montrer combien elles sont légères et insignifiantes; aucune ne porte sur quelque chose d'essentiel, et ce sont comme des variantes, qui se pouvoient, qui se devoient trouver sur la copie que Piganiol a eue sous les yeux : car il ne sauroit être douteux, malgré la forme de sa phrase, qui ne seroit pas autre s'il s'agissoit de renseignements oraux, que Piganiol n'ait eu sous les yeux un ouvrage rédigé, un manuscrit en un mot. En effet, né en 1673, il n'avoit que vingt-trois ans à la mort de Testelin, et il n'est pas à croire qu'il s'occupât de sa Description de Paris, qui, comme nous l'avons vu, ne parut, avec les développements qu'on lui connoit, qu'en 1736.

Ainsi, si Piganiol, puisqu'il est plus court, ne dit pas tout ce qui est dans nos mémoires, et dit autrement ce qu'il y a pris, il ne dit rien qui ne s'y trouve, et il est facile, quand on compare les deux textes, de retrouver dans son abrégé non seulement la suite des faits, mais les idées et jusqu'à des membres de phrases de nos mémoires. Je prierai ceux qui voudroient examiner eux-mêmes la question de le faire comme je l'ai fait, car ici les citations seroient à la fois et trop nombreuses et trop fatigantes par leur minutie. Je remarquerai seulement des deux côtés la présence de deux réponses du chancelier Séguier qui, étant orales, se devroient moins ressembler que toute autre chose.

Il faut signaler aussi une ressemblance d'une autre nature et plus concluante encore, c'est-à-dire une erreur copiée : une note postérieure (II, 257), corrigeant nos mémoires, affirme que la première élection se fit chez M. de Charmois le soir même du jour qu'il avoit obtenu l'arrêt, tandis que, dans nos mémoires (I, 36) et dans Piganiol (215), il est dit à tort qu'elle fut faite dans une assemblée tenue chez M. Beaubrun dans le mois de février 1648.

Tout concourt donc à nous faire considérer Henry Testelin comme l'auteur de cette histoire, sa qualité d'écrivain, sa charge de secrétaire, la certitude donnée par Piganiol qu'il a écrit une histoire de l'Académie, et la ressemblance avec nos mémoires du récit de Piganiol fait avec cette histoire de Testelin. Il reste cependant à examiner une objection, et même assez forte, puisqu'elle paroît avoir empêché M. Hulst de l'attribuer à son véritable auteur. Nous ne la croyons cependant pas capable de détruire nos conclusions.

Cette objection porte sur ce que non seulement Testelin ne parle pas en son nom, mais que, toutes les fois qu'il est question de lui, il en est parlé à la troisième personne, si bien que dans la table il y a deux articles différents pour Henry Testelin et pour l'auteur anonyme de ces mémoires. Sans avoir besoin de citer les nombreux exemples de mémoires historiques écrits précisément à cette époque, et dans lesquels l'auteur n'a jamais employé le je, mais la troisième

il

personne,

y a bien des choses à dire sur ce point. Et d'abord, il faut faire remarquer que, si dans un cer

tain nombre de cas le nom de Testelin est accompagné d'éloges, ils sont parfaitement simples et convenables; il ne s'agit jamais que de ses soins, de son dévouement à l'Académie, et du bonheur qu'il a eu de lui être utile; la forme impersonnelle lui a permis de se rendre dans de justes bornes une justice qui lui étoit d'ailleurs bien due et qu'il ne surfait en aucune façon. L'auteur a cru en gardant l'anonyme avoir à la fois, et ce qui le concernoit y étoit pour la plus petite part, plus d'indépendance et d'autorité..

D'ailleurs cette modestie est bien dans sa nature. On verra, dans ces mémoires ce qui se rapporte à l'écrit anonyme Le cœur de l'Académie aux douze anciens d'icelle, qui détermina la création de la charge de secrétaire, et il est bien probable qu'il n'est pas d'un autre que de notre Testelin. Notre auteur, après avoir dit qu'on l'attribua à Testelin l'aîné, qui protesta n'y avoir eu aucune part, ajoute seulement : « Ce fut avec vérité, je » suis en état de certifier même qu'il n'en avoit » pas eu la moindre connoissance. » Mais Piganiol est plus explicite. En disant, par erreur, que Testelin le cadet fut le premier secrétaire, parce qu'il le fut de très bonne heure et très long-temps, il ajoute : « Il fut violemment soupçonné d'avoir » écrit la lettre anonyme, mais il protesta toujours » de n'y avoir aucune part; et comme il étoit » homme vrai, on l'en crut sur sa parole. » C'està-dire qu'on en étoit sûr, ma's qu'on ne le voulut point pousser. En même temps, dans la préface du Livre des Sentiments publié par lui en 1680 et avec son nom, Testelin emploie encore cette forme

impersonnelle, qui met les choses en jeu, et qui ne laisse, en quelque sorte, subsister de lui que sa charge et que ses soins, en effaçant sa personnalité, alors qu'il renvoie au journal des séances et des conférences tenu par le secrétaire. Je n'ai pas besoin de dire que ce secrétaire est lui-même. Pendant l'absence de Le Brun et la domination d'Errard, son rôle, qu'on peut voir ici, ne fut-il pas toujours de s'effacer autant qu'il étoit en lui, et de travailler pour arriver à sés fins sans en avoir l'air?

De plus, il est à croire qu'il écrivit ou du moins qu'il termina en Hollande cette histoire si travaillée, et qui, par là, fut peut-être quelquefois la consolation de son exil, en le faisant revivre dans le passé. En effet, l'on remarquera que la date précise du jour d'un fait est souvent laissée en blanc; il savoit parfaitement le fait et ses circonstances, l'année et le mois; mais sa mémoire et ses notes ne lui pouvoient donner le quantième. Il l'auroit eu s'il eût été à Paris, où il n'avoit qu'à ouvrir les registres, qu'à recourir aux pièces. Ĉes blancs ne sont point une des moins bonnes raisons d'attribuer cette histoire à Testelin; car son auteur, quel qu'il soit, ne pouvoit plus recourir aux originaux, ne pouvoit plus compléter ses notes, et Testelin se trouve avoir été précisément dans ce cas. Si donc l'ouvrage a été écrit par lui en Hollande, il suffiroit de cela pour expliquer l'anonyme qu'il a voulu garder au moins en apparence: car il est certain, quand on considère le soin et le travail de la rédaction, qu'il avoit l'intention de la publier, et, en sa qualité de protestant et de réfugié, il pouvoit

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craindre d'éprouver des obstacles à la publier ou à la faire circuler en France.

Il y auroit encore à faire remarquer le nombre de petits détails personnels à Testelin qui abondent dans ces mémoires, et combien certains ne peuvent avoir été connus de cette façon que par Testelin lui-même : ainsi toutes les menées secrètes qu'il suivit pendant si longtemps pour arriver à faire remettre Le Brun à la tête de l'Académie. Mais je crois qu'il seroit inutile d'insister davantage sur ce point, qui me paroît aussi acquis que possible, et tellement, qu'il est presque superflu d'indiquer une autre objection toute de forme. si, comme elle pourroit être faite, il ne valoit mieux la prévenir. Comme, dans un endroit, l'on trouve ces mots : « Il est fâcheux, pour la mé» moire de M. Mignard, que son nom soit conservé » avec celle de cet événement dans les registres » de la communauté,» il est possible, mais je ne sais s'il seroit bien sérieux de dire que Testelin, mort le 17 avril 1695, et ayant survécu un mois à Mignard, mort le 13 mai 1695, ne peut pas avoir écrit cette phrase. Il n'y a là qu'une façon de dire, et rien à tirer de ce que le verbe est au présent, et non au futur. Mais, ces deux objections fussentelles capitales, elles seroient bien ébranlées par l'impossibilité à peu près absolue de penser, dans les vingt-quatre premiers académiciens, à un autre qu'à Testelin.

Après avoir parlé de l'ouvrage que nous publions, nous avons à ajouter qu'il s'est conservé aussi une copie manuscrite d'une première pensée de cette histoire. Elle existe à la bibliothèque de

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