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occurrences critiques et délicates lui fit honneur dans l'Académie, et nous donna souvent sujet de remercier le secrétaire de nous avoir fait un tel présent. M. Bosse aimoit à parler et parloit assez bien. Il étoit dans une grande considération chez les maîtres. Il avoit eu l'adresse de s'établir dans leur esprit comme un homme impartial et désintéressé. Par là, il prenoit une grande supériorité dans la plupart des délibérations, et il n'y avoit guère que les sujets livrés aveuglément et sans réserve à la cabale des jurés qu'au besoin il n'entrainât dans son sentiment.

L'Académie avoit plus besoin que jamais de pareils secours pour l'aider à détourner ou à repousser les atteintes que les satellites de cette cabale cherchoient sans cesse à donner à son honneur et à ses droits. Il n'y eut sorte d'artifice dont ces der niers ne s'avisassent pour l'entamer, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, ou du moins pour troubler ses affaires et altérer cette douce paix, où ils savoient qu'elle étoit toujours prête à tout sacrifier. Quoique ces boute-feu fussent en assez petit nombre et dans une très médiocre estime, même parmi les leurs, ils ne laissoient pas d'être extrêmement dangereux. A force de remuer et de provoquer des objets de dissention, il n'étoit pas possible qu'ils n'en trouvassent quelqu'un d'assez imposant, par les apparences de certains points d'intérêt

général, pour animer la multitude, toujours prête à prendre feu.

De cette espèce fut la querelle sur la préséance, qu'ils entreprirent de renouveler en ce temps. Ils posèrent comme un principe incontestable que, dans toutes les compagnies connues, le premier rang est dévolu à la primordialité d'établissement. Or, celui de la leur pouvant compter plusieurs siècles, tandis que l'Académie étoit à peine sortie de son berceau, nulle raison valable à alléguer, selon eux, pour empêcher les jurés de précéder les anciens de l'Académie tant aux assemblées générales et particulières qu'ailleurs. De son côté, l'Académie ne se pouvoit relâcher en rien sur une prérogative qu'elle regardoit comme l'essence et la base de son institution. Elle croyoit avoir fait beaucoup déjà, et commençoit à voir qu'elle en avoit trop fait, de laisser prendre à un simple corps mécanique, et qui lui étoit si inférieur à tous égards, cet air d'égalité que la communauté avoit revêtu d'abord après la jonction. Le moyen que l'Académie entrât seulement en négociation sur une prétention aussi indécente et si contraire à sa gloire, et qu'elle mît en compromis ce degré de noblesse et d'honneur où il avoit plu au souverain lui-même de l'élever? Il y eut néanmoins quelques pourparlers, mais qui tous se terminèrent infructueusement. La cabale ne vouloit que le dés

ordre et l'agitation, où seuls elle pouvoit trouver son compte. Elle n'oublia rien pour écarter tout ce qui pouvoit servir d'acheminement vers la paix. M. Hervé, toujours animé du même esprit, crut que, pour la ramener et la fixer à toujours, il n'avoit qu'à faire terminer l'affaire de la vérification. Il la poursuivit avec tant d'assiduité que, bientôt, le 7 juin 1652, il en obtint l'arrêt. Par cet arrêt, le parlement ordonna l'enregistrement des lettres patentes du mois de février 1648,statuts et règlements homologués par ces lettres et articles accordés entre l'Académie et les maîtres jurés peintres et sculpteurs de Paris, pour être le tout gardé et observé selon sa forme et teneur, à la charge toutefois, que, pour le contenu au septième desdits articles, ce qui se paiera pour la réception ne pourra être taxé plus haut qu'à la somme de deux cents livres, et que, pour les amendes mentionnées aux articles sixième et huitième, elles demeureront réglées à la somme de trente livres, sans pouvoir être augmentées en aucun cas.

La jonction des deux compagnies, ainsi consommée dans toute sa plénitude, ne rétablit pas pour cela le calme dans les esprits, et n'empêcha point les brouillons d'agiter et de pousser avec un redoublement de chaleur le différend touchant la préséance. Tout ce que l'Académie put employer pour leur faire entendre raison fut inutile. Elle alla

jusqu'à leur offrir de s'en remettre au jugement de gens d'honneur, tels qu'ils voudroient les choisir eux-mêmes. Rien ne les put démouvoir de leur prétention. Ils ne cherchoient qu'un prétexte pour pouvoir rompre et s'emparer des affaires et des deniers de la maîtrise. Mais ils vouloient que la rupture se fît avec éclat, afin de pouvoir l'imputer à l'Académie. Elle démêla aisément leur dessein; les termes durs et offensants dont ils usoient à tous propos, sans égards ni réserve, les déceloient de reste. L'honnêteté et la modération qu'elle y opposa les embarrassèrent, mais ne les corrigèrent pas. Ils n'en devinrent que plus opiniâtres et plus fougueux.

Ainsi, sans être retenus, ni par la raison, ni par la bienséance, ni par les nouveaux liens de la jonction, ils prirent brusquement le parti de porter leurs jurés à faire bande à part. Ceux-ci, dociles à leurs inspirations, formèrent aussitôt leurs assemblées séparément, reçurent des maîtres et disposèrent des deniers provenant de ces réceptions avec tout autant d'indépendance que s'il n'eût jamais été question de bourse commune ni de comptabilité.

En même temps qu'ils agirent ainsi en gens absolument détachés d'intérêt et de société avec l'Académie, ils usèrent d'un nouveau tour d'adresse pour les retenir dans une sorte d'assujettis

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sement, ou du moins dans une liaison forcée, guè– re moins insoutenable. Ils firent retirer furtivement l'arrêt de vérification de nos statuts d'entre les mains du greffier du parlement, où il étoit resté. Qu'en vouloient-ils faire, après tout, dès qu'ils étoient les premiers à l'enfreindre? Ils ne vouloient que harasser l'Académie à force de mauvais procédés, et s'imaginoient que c'étoit se rendre d'autant plus redoutable à ce corps vertueux et pacifique qu'ils s'emporteroient contre lui à de plus grands excès.

Les, bien intentionnés de ce corps souffroient extrêmement de voir cette désunion s'établir ainsi et se répandre au dehors. Mais bientôt ils eurent un sujet de déplaisir bien plus sensible encore. La dispersion d'un grand nombre d'académiciens, que tous ces troubles et les emportements de ceux de la cabale des jurés avoient de nouveau éloignés des assemblées, rendoit très difficile le recouvrement des fonds nécessaires pour l'entretien des exercices publics. L'Académie se vit incessamment dans le même embarras où elle s'étoit déjà trouvée dans les premiers temps de son institution. L'ancien de mois étoit forcé de tirer de sa bourse ce qu'il falloit pour faire rouler l'école, et cet argent ne lui rentroit qu'avec assez de peine et très lentement. Ces avances ne tardèrent pas de devenir à charge à tous nos anciens en général, mais incom

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