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l'Académie de faire remplir l'engagement en question dans un temps convenable, les jurés seroient autorisés à en poursuivre l'exécution en justice. L'Académie eut avis de cette nouvelle levée de boucliers, mais crut devoir la dissimuler. Ses auteurs et leurs assistants ne s'en vantèrent point, et l'oublièrent apparemment par la suite. Jamais ils ne revinrent sur l'affaire qui y avoit donné lieu. Tant d'autres objets de vexation et de trouble occupoient à la fois ces esprits brouillons, qu'il n'est pas bien étonnant qu'ils abandonnassent celui-ci aussi facilement. Les sentiments connus des académiciens, qu'ils avoient osé attaquer, étoient d'ailleurs un rempart bien assuré contre la grossière impétuosité de leurs clameurs. Ils ne jugèrent pas à propos de s'y aller heurter une seconde fois.

Cependant tous ces biens tant promis, ce calme heureux que devoit produire la réunion des deux corps, n'en étoient pas pour cela plus connus dans l'Académie. Chaque jour y étoit marqué par quelque infraction ou quelque chicane nouvelle de la part des jurés, et, en conséquence, par quelque plainte, soit des officiers ou des membres de l'Académie, soit même des membres de la communauté. Celle-ci étoit infectée d'un principe de division presque irrectifiable. Les jeunes maîtres, et surtout ceux qui avoient été reçus depuis la jonc

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tion, sensibles à l'honneur de leur association avec l'Académie, cherchoient à s'en montrer dignes en cherchant à imiter cette compagnie dans sa conduite et dans son amour constant pour l'utilité générale et la bonne administration. Les anciens bacheliers, imbus des maximes des jurés et dressés à leur manége, étoient dans des sentiments diamétralement opposés. Leur intérêt personnel et celui de la cabale étoient l'unique règle de toutes leurs actions et de tous leurs mouvements. Ce n'étoit que dans le désordre que cet intérêt pouvoit s'exercer avec la licence dont leur avidité avoit besoin. La dernière séparation en avoit fourni un exemple sensible. Il s'y étoit fait une dissipa tion considérable de fonds, dont il n'étoit pas possible aux bien intentionnés d'avoir ni raison ni renseignement.

Ces derniers, après avoir épuisé vainement tous les moyens d'honnêteté et de bienséance, tant sur cet article que sur un grand nombre d'autres irrégularités, prirent le parti de supplier l'Académie qu'elle voulût bien venir à leur secours. Pour la convaincre que la démarche qu'ils faisoient n'étoit point illusoire, et l'engager d'autant mieux à leur accorder son appui, ils déclarèrent authentiquement qu'ils se soumettoient d'avance au jugement qu'elle prononceroit sur leurs griefs, lesquels ils articulèrent en détail, et dont ils offrirent d'admi

nistrer les preuves de même. L'Académie convoqua à ce sujet une assemblée générale, où elle invita les maîtres intimés à se trouver. Aucun d'eux n'y comparut. On les fit sommer à diverses fois de s'y rendre, mais tout aussi inutilement. Cela détermina à agir contre les défaillants en la forme de droit, et à leur imposer les peines prescrites par l'article neuvième de nos statuts contre les partisans opiniâtres de la désunion. Cette résolution fit faire quelques actes de soumission aux intimés, uniquement dans la vue de gagner du temps. Il y parut bientôt ; car ils ne se virent pas plutôt échappés à ce premier bouillon de notre zèle qu'ils reprirent leur train accoutumé. Nouvelles remontrances de la part des jeunes maîtres, nouvelles sommations de celle de l'Académie. Commissaire nommé pour ouïr les parties, examiner leurs différends et chercher les moyens de les terminer, pour, sur leur rapport, y être statué par l'assemblée générale. Travail assidu, contradictoire, amiable toutefois, et enfin projet de règlement contenant dix articles et qui embrassoit tous les griefs allégués. Ce projet, rapporté dans une assemblée générale, y fut approuvé, confirmé, signé des deux compagnies avec toutes les apparences de la plus parfaite unanimité. De part et d'autre l'on prodigua les éloges les plus vifs et les remerciements les plus affectueux aux commissaires

pacificateurs. Ce fut de la meilleure foi du monde. de celle de cette portion d'honnêtes gens qui formoient la saine partie de la communauté. Pour les autres, l'on savoit trop à quoi s'en tenir avec eux sur ce point pour être la dupe des compliments forcés que leur arrachoit un accord, dont chaque article déposoit contre quelques-unes de leurs prévarications.

En se comportant de la sorte, ils ne faisoient en effet que se ployer malgré eux sous l'incident du jour, bien résolus et bien assurés d'en faire naître bientôt de tels qu'ils les en relèveroient avec éclat et les vengeroient de l'affront qu'ils prétendoient avoir reçu en cette occasion. Car ils regardoient et poursuivoient sur ce pied-là tout arrangement qui eût pu tendre à ramener le bon ordre et la règle, et, par une suite nécessaire, à rompre le cours de leurs attentats. La longue habitude où ils étoient de se les passer les uns aux autres, la licence qu'ils s'arrogeoient d'enfreindre avec impunité les lois les plus autorisées, et de ne se conduire que par les mouvements de leur avidité ou de leur caprice, leur rendoient le gouvernement académique aussi insupportable qu'il leur étoit odieux. Ils ne tardèrent pas à le faire paroître par les effets. Entêtés systématiquement que leur ancienneté les dispensoit de l'observation des ordonnances et des règlements et les en rendoit les

interprètes et les arbitres, ils s'opposoient à tout ce qui pouvoit y ramener comme étant contraire à leurs usages, c'est-à-dire aux usurpations et aux abus qu'ils avoient introduits successivement.

Voyant que cette ridicule prétention n'empêchoit pas l'Académie et les bien intentionnés de la maîtrise d'aller leur chemin et de donner tous leurs soins à fonder et à affermir la bonne administration, ils reprirent leur tournant ordinaire. Aussitôt les assemblées séparées et discoles se renouvelèrent et s'exhalèrent en résultats factieux; les tentatives les plus insidieuses furent mises en œuvre pour semer le trouble dans les assemblées générales et légitimes et pour les déranger. D'un autre côté la cabale n'oublia rien pour se fortifier, et parvint à détacher des intérêts de l'Académie plusieurs des sujets qu'elle avoit bien voulu recevoir d'entre les maîtres. Elle poussa à la fin les choses à une telle extrémité, que les plus endurants d'entre les académiciens pacifiques commençoient à convenir qu'ils avoient présumé trop favorablement de la jurande, et qu'il n'étoit pas possible que la jonction subsistât encore longtemps, à moins d'un changement total dans ces esprits livrés à d'aussi grands excès.

Cinq ou six chefs de contravention des plus considérables et des plus graves qui éclatèrent peu de temps après, et qui furent dénoncés à l'assem

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