jours dans la partie supérieure du corps ne donna pas le temps cette espèce de refroidissement de devenir pleinement contagieux. Par une louable adresse, l'on trouva le secret de ramener imperceptiblement toute cette ardeur première qui s'étoit portée vers cet objet avec tant de vivacité. Elle alla si loin, cette fois que nos traîneurs voulurent eux-mêmes établir une peine pour obvier à de plus longs retardements. Ils réitérèrent donc leur promesse par une délibération en forme. Ils fixèrent à six mois le terme dans lequel ils vouloient l'accomplir. A l'expiration de ce terme, et faute par eux d'avoir satisfait à ce nouvel engagement, ils s'imposèrent, de leur plein gré et sans y être poussés par personne, une amende de dix livres. Ils statuèrent de plus que cette amende seroit réitérée tous les six mois et jusqu'à la livraison effective des ouvrages promis. Que pouvoit-on attendre ou espérer de mieux, sinon l'exécution réelle et entière de ce bel acte de ferveur? En annonçant ici qu'il sera encore question de cette affaire dans la suite de ces mémoires, c'est dire assez qu'elle ne se termina pas aussi désirablement. Un autre point de décence académique, qui tenoit fort à cœur à ceux qui étoient véritablement touchés de la noblesse des beaux-arts, fut d'en distinguer la profession à l'extérieur, comme en tout le reste, d'avec l'exercice de la maîtrise. Cette proposition mise en avant dans une assemblée générale de l'Académie, il y fut décidé que tout membre du corps académique, sous peine d'en être exclu, s'abstiendroit de tenir boutique ouverte pour y étaler ses ouvrages, de les expo ser aux fenêtres ou autres endroits extérieurs du lieu de sa demeure, ou d'y apposer aucune ensei gne ni inscription pour en indiquer la vente, et de ne rien faire enfin qui pût donner lieu à confondre l'état honorable d'académicien avec l'état mécanique et mercenaire des maîtres de la communauté. Pour concevoir combien ceux qui se trouvoient alors à la tête de l'Académie étoient attentifs à bien établir cette distinction, il suffit d'être instruit d'un fait qui arriva vers ce même temps. M. Beaubrun les ayant consultés sur la conduite qu'il devoit tenir avec les jurés de la maîtrise, qu'il savoit être dans le dessein de lui présenter le pain bénit, ils furent d'avis qu'il le refusât, particuliè– rement à cause de sa qualité d'un des principaux officiers de l'Académie, afin d'éviter jusqu'au plus léger soupçon d'affinité et de correspondance avec ce corps de métier. Heureux si elle eût persisté invariablement dans un sentiment si convenable à sa dignité et à ses véritables intérêts! Pendant qu'elle travailloit ainsi à s'affermir dans une décence extérieure, peu s'en fallut qu'elle ne reçût une atteinte sensible dans ce qui lui touchoit le plus au dedans, qui étoit sa liberté, et qu'elle ne déchût tout à coup de cette union parfaite, sa félicité et sa gloire. La faute en eût été à M. de Charmois. Un incident auquel il donna matière alarma et mit en fermentation tout ce que l'Académie eut de suppôts instruits et jaloux de ses droits, ce qui comprit le corps presque entier. Grâce à l'adresse d'un de ses membres, également zélé et sage, l'affaire tourna à bien et produisit un arrangement avantageux qui subsiste encore aujourd'hui et qui vraisemblablement subsistera toujours. Il s'agissoit d'un point de police supérieure de l'administration de l'Académie, de la forme à garder dans la rédaction de ses délibérations. Aux termes de l'article 11 de ses statuts, elles devoient être écrites dans le registre de l'Académie par l'ancien qui seroit en mois, lequel, en sortant de son exercice, devoit remettre ce registre à son successeur; et il étoit porté par l'article 12 des mêmes statuts que toutes celles qui seroient prises dans les assemblées générales et couchées dans les registres de l'Académie pour des règlements particuliers, pourvu qu'elles ne fussent point contraires à ces statuts, seroient de même vertu et mises à exécution sans aucun délai ni retardement. Ces dispositions sembloient être de nature à ne pas devoir être négligées sitôt. Elles le furent pour tant. La cause en fut dans la manière dont l'Aca- 1 actes émanés de sa seule autorité et fabriqués, sans l'avis de personne, dans l'ombre de son cabinet. Il n'étoit pas possible que cette conduite ne causât beaucoup d'ombrage dans l'Académie; tout ce que M. de Charmois y avoit d'amis en prit l'alarme comme les autres; chacun convint qu'elle étoit intolérable; le seul esprit de politesse qui régnoit dans le corps tenoit en suspens sur les moyens d'y remédier. En attendant que l'on prît un parti décisif, plusieurs des principaux académiciens crurent devoir se retirer des assemblées, pour ne pas accréditer ces entreprises de leur chef par les apparences d'un acquiescement tacite; les autres s'y tenoient entre le murmure et le ménagement, dans l'attente de quelque occurrence qui les mît à por tée d'agir. De tous côtés l'éclat d'une division du chef et des membres parut inévitable; quelque fàcheuse que fût l'extrémité d'en venir à un tel éclat pour une académie naissante et dans les circonstances particulières où se trouvoit la nôtre, elle l'étoit moins au gré du plus grand nombre que ce scandaleux asservissement dont il la crut menacée de la part de M. de Charmois; il parut difficile de trouver un terme moyen qui la pût sauver à la fois de l'un et de l'autre de ces deux malheurs. Heureusement pour l'Académie, ce terme vint se montrer à elle au moment qu'elle s'y attendoit le moins, et que l'agitation des esprits sembloit ne |