» A ton sanglant hymen que Bellone préside. » Vénus a son Pâris pour une autre Ilion; ス Énée embrasera la nouvelle Pergame, Et ma haine deux fois aura vu Troie en flamme. » Sur la terre, à ces mots, la déesse descend; Elle ordonne: Alecton sort à son cri puissant, Alecton qui se plaît au meurtre, aux incendies, Aux noires trahisons, aux basses perfidies: Pluton même son père et ses barbares sœurs Ont en horreur ce monstre et ses lâches noirceurs; Tant ses traits sont hideux, tant son ame est cruelle, Tant ses affreux serpens fourmillent autour d'elle! « Viens, fille de la nuit, dit Junon; viens, sers-moi, » Sers ma juste vengeance: elle a besoin de toi. » La haine à ton aspect s'empare des familles; » Devant toi plus d'époux, ni de sœurs, ni de filles; >> Tu tiens les fouets vengeurs, les funèbres flambeaux; >> Tu détruis les palais, tu creuses les tombeaux : » Va, cours, romps cet hymen où leur espoir se fonde; » Fouille dans les trésors de ta rage féconde; Épuise tout ton art, déchaîne tout l'enfer; >> Toi-même forge, aiguise, ensanglante le fer, »Arme tout, confonds tout, c'est Junon qui l'ordonne. Empreinte des poisons de l'horrible Gorgone, Alecton prend l'essor, vole au palais des rois, « Hélas! est-il donc vrai?.vous donnez Lavinie >> Au misérable chef d'une race bannie? » De grâce, ayez pitié de vous, de mes douleurs, » D'une fille chérie et d'une mère en pleurs, » Qu'un ravisseur barbare et prompt à disparoître » Au premier aquilon va délaisser peut-être. » Eh! n'est-ce pas ainsi qu'un berger Phrygien » Par un rapt odieux flétrit le nom troyen? >> Où donc sont vos sermens et vos saintes promesses » A Turnus tant de fois comblé de vos tendresses; » Turnus, qu'unit à vous le sang de mes ayeux? » Si l'oracle de Faune et les ordres des dieux » Demandent un époux d'une race étrangère, » Ne peut-on expliquer cette loi si sévère? » Tout pays qui n'est pas gouverné par vos lois, » Dans le sens de l'oracle, est étranger, je crois; » Et le sang de Turnus sort des rois de Mycènes. » Tandis que son amour s'épuise en plaintes vaines, Tel, sous le fouet pliant qui siffle et le poursuit, Ainsi vole la reine, ainsi de tous côtés C'est peu: dans les fureurs de l'amour maternelle, Furieuse, elle vole à la suite du dieu; Et sous l'ombrage épais du plus sauvage lieu, Pour sauver des Troyens l'honneur de sa famille, Dans le fond des forêts elle entraîne sa fille. « A moi! s'écrioit-elle; à moi, divin Bacchus! » Viens, triomphe d'Énée et même de Turnus; >> Lavinie est à toi, mon choix te la destine; » A sa main virginale unis ta main divine; » C'est pour toi qu'elle vit, que du thyrse sacré » Elle porte en sa main le pampre révéré; » Pour toi qu'elle nourrit sa jeune chevelure >> Dont ses premiers sermens t'ont voué la parure; » Pour toi qu'elle s'unit à nos saintes fureurs, >> S'associe à nos chants, et se mêle à nos chœurs. » Viens, dieu puissant! toi seul mérites sa conquête, » Viens: sa mère t'implore, et ton épouse est prête. » Le bruit de ses fureurs vole de toutes parts. Soudain, pour les forêts désertant leurs remparts, Accourent sur ses pas les femmes d'Ausonie; Toutes, suivant leur reine, entourant Lavinie, Leur chevelure au vent, et le feu dans les yeux, Joignent à ses transports leurs transports furieux. D'autres, que couvre un lynx de sa peau bigarrée, Amate est à leur tête ; elle vole, elle chante » Venez; que mes douleurs dans vos cœurs retentissent, » Qu'à mes cris maternels vos cris se réunissent; » Allumez ces brandons, dénouez vos cheveux, Des transports de Bacchus aiguillonne la reine; |