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Il fut dans l'Hespérie un usage sacré;

Long-temps par les Albains on le vit révéré;

Rome le reçut d'eux, et le conserve encore:

Lorsqu'en ses murs puissans la guerre est près d'éclore, Soit qu'on porte l'alarme aux Arabes errans,

Soit

que, de nos soldats les rapides torrens Menacent l'Hyrcanie ou les Gètes sauvages, de l'Orient inondant les rivages,

Soit

que

Ils volent ressaisir sur leurs fiers ennemis
Nos étendards captifs et nos aigles soumis,
Deux portes qu'on nomma les portes de la guerre,
Se rouvrant, se fermant, font le sort de la terre;
Janus en est le garde, et Mars le souverain:
De cent barres de fer, de cent verroux d'airain
L'invincible barrière, et plus encor la crainte,
Du temple redouté garde à jamais l'enceinte.
Aussi, dès
que de Mars provoquant la fureur
Le décret du sénat porte au loin la terreur,
Sous les pans bigarrés de la toge romaine
Le consul, renouant la robe gabienne,
Des portes qui de Rome annoncent le courroux
Fait tomber les barreaux et crier les verroux.

Sur leurs vieux gonds rouillés aussitôt elles s'ouvrent
Et du temple de Mars les voûtes se découvrent ;
Lui-même, sur le seuil, appelle les combats ;
La jeunesse à sa voix joint ses bruyans éclats,

Par ses accens guerriers le clairon les seconde,
Et sonne le réveil de la reine du monde.

Les Latins à grands cris environnant leur roi
Le pressoient d'obéir à cette antique loi.
Mais il craint de toucher cette porte terrible;
Il rejette bien loin ce ministère horrible,

Et court dans son palais enfermer ses chagrins.
Alors Junon, fidèle à ses affreux desseins,
Descend, frappe elle-même, et de ses mains puissantes
Fait gronder sur leurs gonds les portes menaçantes.
Soudain ce peuple heureux sort de sa longue paix;
Ici des bataillons serrent leurs rangs épais,
Là des fiers escadrons le rapide tonnerre
Sous des coursiers poudreux fait résonner la terre:
Chacun hâte à l'envi son appareil guerrier ;
L'un dérouille son dard, l'autre son bouclier,
L'autre déploie aux vents une enseigne flottante,
L'autre embouche déjà la trompette éclatante.
Cinq cités à la fois, sous les pesans marteaux,
Font retentir l'enclume, et domptent les métaux:
Toutes forgent les dards, instrumens de ruine.
La superbe Tibur et la puissante Atine,
Ardée et Crustumère, Antemne aux longues tours,
De Vulcain pour Bellone empruntent le secours.
On emmanche les dards, on aiguise les haches;
Là les casques creusés attendent les panaches;

Plus loin en boucliers le saule s'arrondit;
La sur de longs cuissards l'argent pur resplendit :
Ici l'airain brillant recouvre une cuirasse;

Le soc perd ses honneurs, le glaive le remplace :
Adieu Cérès, adieu tes paisibles travaux.

Pour les moissons de Mars on recourbe la faux;
Chacun rend aux fourneaux le glaive de ses pères,
Heureusement rouillé dans des jours plus prospères.
Tous sont prêts à partir; de leurs chefs différens
Déjà l'ordre est écrit, et court dans tous les rangs.
Enfin le clairon sonne. Aussitôt on s'élance;
L'un a saisi son casque, et l'autre prend sa lance;
L'un attèle à son char ses superbes coursiers;
Déjà brillent sur eux leurs riches baudriers,
Leur cotte à mailles d'or, et la gaîne éclatante
Où repose l'épée à leur côté pendante.

O Muses! ouvrez-moi les fastes d'Hélicon;
De chaque roi ligué redites-moi le nom;
De quel pays fameux, sous quels grands capitaines
Partirent les guerriers qui couvrirent ces plaines,
Et quels fiers combattans, sous les drapeaux Latins,
D'avance à l'univers annonçoient les Romains.
A peine un foible bruit en transmit la mémoire;
Vous, pour qui rien n'est vieux, retracez-m'en l'histoire.
Le contempteur des dieux, l'exemple des tyrans,
Mézence le premier conduit ses fiers Toscans;

Sous lui marche son fils, Lausus, dont le jeune âge
S'essayoit dans les bois sur l'animal sauvage;

Lausus, savant dans l'art de dompter les coursiers;
Lausus, après Turnus, le plus beau des guerriers,
Digne d'un meilleur roi, digne d'un meilleur père:
Il est tendre et vaillant, il sait combattre et plaire;
Mais, hélas! du Destin on ne triomphe pas :
Mille fiers Agyllans vont vaincre sur ses pas.
Après eux s'avançoit le fils du grand Alcide,
Le bel Aventinus, qui, de son char rapide
Guidant les beaux coursiers cent fois victorieux,
Leur promet des lauriers encor plus glorieux.
Quand le dieu de Tirynthe illustrant son courage,
Du triple Gérion eut terrassé la rage,

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Et vint baigner, pour prix de ses faits triomphans,
Ses taureaux d'Ibérie au fleuve des Toscans,
Unie avec ce dieu, Rhéa, simple mortelle,
Conçut sur l'Aventin cet enfant beau comme elle.
Cent serpens, sur son casque enlaçant leurs replis,
Du fier vainqueur de l'Hydre ont annoncé le fils.
Un bois creusé lançant le poignard qu'il recèle,
Un javelot sabin, leur armure fidèle,
Distinguent ses soldats. Au premier rang placé,
Des poils d'un fier lion son front est hérissé,
Et du monstre en deux rangs la gueule menaçante
Étale de ses dents la blancheur effrayante.

Dans cette pompe horrible il arrive au palais,
Et sous l'habit d'Hercule il en offre les traits.

Puis vient l'ardent Coras, et Cafillus son frère, Nés à Tibur; Argos a vu naître leur père: Tibur reçut son nom d'un prince de leur sang; Tous deux suivis des leurs marchent au prémier rang: Tels, d'Homole ou d'Othrys quittant les rocs sauvages, Deux centaures altiers, fiers enfans des nuages, De leur sommet neigeux descendent à grands pas; La forêt leur fait place, et s'ouvre avec fracas. Et toi, Préneste, aussi, de tes riches frontières Tu vis, fier de grossir ces phalanges guerrières, Partir ton fondateur, qui parmi les troupeaux Au trône destiné naquit dans les hameaux, Cécule, en un foyer trouvé dans son enfance, D'où l'on crut qu'à Vulcain il devoit la naissance. Et Préneste et Gabie où préside Junon,

Anagnia qu'entoure un fertile vallon,

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Les monts Herniciens arrosés d'eaux fécondes,
Les bords que l'Anio rafraîchit de ses ondes,
Et l'Amasène enfin, d'agrestes combattans
Pour cet illustre chef ont dépeuplé leurs champs.
Tous ils n'ont pas un char, un pavois, une lance:
L'un fait voler le plomb que la fronde balance;
De deux traits meurtriers d'autres arment leurs mains;
La dépouille d'un loup les coiffe de ses crins;

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