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Jupiter, indigné que cet art criminel

Osât aux lois du sort arracher un mortel,
En plongea l'inventeur dans ce même Cocyte
Dont le fils d'Apollon affranchit Hippolyte ;
Mais Diane cacha l'objet de tant de pleurs
Dans les plus noirs abris de ses bois protecteurs,
Et la nymphe Égérie en fut dépositaire.
C'est là que, loin du monde, inconnu, solitaire,
Le héros coule en paix ses jours mystérieux;
Mais, pour tromper l'oreille aussi bien
Appelé Virbius par la belle Égérie,
Il prit un autre nom avec une autre vie.

que les

yeux,

Les coursiers cependant sont bannis de ces bois:
Diane se souvient qu'un dragon autrefois
Excita leur frayeur à déchirer leur maître.
Nourri comme son père en ce réduit champêtre,
Le nouvel Hippolyte y vécut sans témoins:
Mal instruit par l'exemple, il n'en aime pas moins
Ces fougueux animaux; et, desireux de gloire,
Son char rase les champs et vole à la victoire.

Turnus, plus beau, plus fier et plus impétueux,
Lève au-dessus d'eux tous un front majestueux:
A l'effroi qu'il répand son casque ajoute encore.
Tel que l'Etna lançant le feu qui le dévore,
Sur son cimier, où flotte un panache à trois rangs,
La Chimère vomit ses tourbillons brûlans;

*

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Et plus dans le combat s'échauffe le carnage,
Plus s'irritent du monstre et les feux et la rage.
Sur l'orbe éblouissant de son bouclier d'or

L'art présente un tableau plus magnifique encor,

C'est la trop belle Io transformée en génisse;

Ses poils, son front croissant, commencent son supplice,
Du courroux de Junon rigoureux instrument.
Argus de ses cent yeux la veille incessamment;
Inachus l'aperçoit, et d'un air taciturne

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Ce père joint ses pleurs aux ondes de son urne.
Turnus avec orgueil voit l'auteur de son sang;
Impatient, il part, vole de rang en rang;

Des plaines, des vallons, du sommet des montagnes,
. Ses alliés en foule inondent les campagnes;
Les fils de Serranus, les vieux Sicaniens,
Les Aurunces fougueux, les jeunes Argiens,
Et les Sacraniens dévoués à Cybèle,
Le Labique peignant son armure fidèle,
Ceux qui du Numicus peuplent les bords sacrés
Ceux par qui de Circé les monts sont labourés,
Et les tribus d'Anxur, où se montre à la terre
Sous les traits d'un enfant le maître du tonnerre,
Et les bergers voisins du fleuve dont les eaux
De la superbe Rome abreuvent les troupeaux,
Et le Rutule actif dont le soc se promène
Sur les côteaux ingrats qui forment son domaine

Ceux qui de Satura bordent les noirs marais,
Ceux à qui Féronie en ses vertes forêts
Offre l'abri sacré de leurs rians ombrages;

Enfin les habitans de ces frais paysages

Où des humbles vallons l'Ufens suit les détours,
Et dans les vastes mers va terminer son cours.
Des Volsques après eux marchoit la reine altière,
L'intrépide Camille; une troupe guerrière,
Dont les fiers escadrons aux rayons du soleil
De leurs armes d'airain font briller l'appareil,
Suivoit sur ses coursiers la superbe amazone.
Dès l'enfance exercée aux joutes de Bellone,
Camille préféroit, amante des combats,

La lance belliqueuse aux fuseaux de Pallas,
Les travaux de la guerre à des arts plus tranquilles.
Moins prompts sont les éclairs, et les vents moins agiles;
Elle eût, des jeunes blés rasant les verts tapis,
Sans plier leur sommet, couru sur les épis ;
Ou d'un pas suspendu sur les vagues profondes
De la mer en glissant eût effleuré les ondes,
Et d'un pied plus léger que l'aile des oiseaux,
Sans mouiller sa chaussure, eût volé sur les eaux.
Son air fier et décent, sa démarche imposante,
De son manteau royal la pourpre éblouissante,
Son carquois lycien, l'or en flexibles nœuds
Sur son front avec grâce attachant ses cheveux,

Son myrte armé de fer, qui dans ses mains légères
Fait ressembler la lance au sceptre des bergères,
Des guerriers attroupés au faîte des remparts
Sur elle ont réuni les avides regards:
L'œil étonné se plaît à ses grâces hautaines.
Des hameaux d'alentour, des bourgades lointaines
Tout un peuple empressé, sitôt qu'elle a paru,
Pour fêter son passage en foule est accouru.
Son audace aux Latins promet un sort prospère;
Le jeune homme s'enflamme, et le vieillard espère;.
Et la mère, admirant tant d'attraits réunis,

La voudroit pour sa fille, et la montre à son fils.

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FIN DU SEPTIEME LIVRE.

SUR LE LIVRE SEPTIEME.

UNE

NE nouvelle carrière vient de s'ouvrir pour le poëte et pour son héros. Jusqu'ici Enée n'a été en butte qu'aux périls de la mer et aux dangers d'une navigation incertaine; son courage va désormais être éprouvé par de plus grands obstacles, et il va se signaler par des faits plus éclatans. Il a sauvé les débris du peuple troyen de la poursuite de Junon'; il doit leur conquérir une patrie, et relever les autels de ses dieux. Il a déployé jusqu'à présent la prudence d'Ulysse; il lui reste à déployer toute la sagesse d'Agamemnon et toute la valeur d'Achille. Dans les six premiers livres il n'est presque question que d'un empire détruit; dans les six derniers c'est un nouvel empire qui s'élève et qui est fondé par la victoire.

A mesure que les difficultés augmentent pour le héros, elles semblent aussi augmenter pour le poëte. Virgile le fait sentir et en avertit ses lecteurs dès le début de ce septième livre :

Major rerum mihi nascitur ordo,

Majus opus moveo.

Virgile, en parlant de la destruction de Troie, avoit plus de moyens d'intéresser. Les images de la destruction plaisent

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