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Alors le dieu du feu, qu'attache à la déesse
D'un cœur toujours brûlant l'éternelle tendresse :
« Vous faut-il tant de soins pour me persuader?
» C'est assez de vouloir, assez de commander.

>>

Depuis quand doutez-vous de mon obéissance ? » Vulcain a quelques droits à votre confiance;

» Et quand de vos malheurs eut commencé le cours, » Si Vénus de mon art eût voulu le secours,

» J'aurois à ses desirs satisfait avec joie;

>> Priam dix ans encor pouvoit régner sur Troie, » Le sort le permettoit. Mais enfin, en ce jour, » S'il me faut pour un fils rassurer votre amour, » Si de nouveaux combats veulent mon assistance, » Commandez seulement : tout ce qu'ont de puissance » Et l'haleine des vents, et le fer, et les feux,

>> Sous mes savantes mains va seconder vos vœux. » Cessez donc, en priant, d'offenser ma tendresse ; » La prière est un doute, et ce doute me blesse. » Il dit, reçoit le prix par sa flamme attendu, Et s'endort, sur son sein mollement étendu.

A peine un court sommeil a fermé sa paupière,
Le diligent Vulcain devance la lumière:

Et telle que, rendue à ses soins journaliers,
La sage ménagère à ses humbles foyers

Ranime en haletant la flamme qui sommeille,

Prescrit leur longue tâche aux femmes qu'elle éveille;

Elle-même, ajoutant la nuit à ses travaux,
Aux lueurs d'une lampe exerce ses fuseaux;
Quelquefois reprenant l'industrieuse aiguille,
Soutient d'un gain permis sa naissante famille,
La pudeur de sa fille, et l'honneur de son lit:
Tel le dieu matinal à Vénus obéit.

Il court, pour signaler son ardeur vigilante,
De sa couche céleste à sa forge brûlante.
Du sein de cette mer où sur leurs rocs épars
Les îles d'Éolie appellent les regards,
Auprès de Liparis, et non loin de Sicile,
L'onde jusques aux cieux voit s'élever une île
Qui toujours noircit l'air de son sommet fumant;
Dans ses flancs embrasés tonnent incessamment
Et les pesans marteaux et la bruyante enclume:
Là, sans cesse irritant le feu qui le consume,
Des soufflets haletans le vent chassé rugit;
De coups moins redoublés l'Etna tremblant mugit;
Et l'air, l'onde et les feux, exercés à toute heure,
Fatiguent de leur bruit la brûlante demeure;
Palais du noir Vulcain, cette île en a le nom:
Là vient du haut des cieux le divin forgeron.

Dans ce moment Brontès, laborieux cyclope,
Pyracmon aux bras nus, et le nerveux Stérope,
De leurs bruyans travaux faisoient retentir l'air,
Amollissoient le bronze et façonnoient le fer.

Leur céleste travail vient d'ébaucher un foudre,

Une

Un des foudres sous qui les monts tombent en poudre:
part est finie, et l'autre est brute encor.
Le dieu de la tempête, épuisant son trésor
Du terrible travail a fourni la matière:
Là, joignant l'air, le feu, la nuit et la lumière,
Ils ont mis trois rayons de l'Autan orageux,
Trois de grêle bruyante et de flocons neigeux;
lls alloient y mêler la terreur foudroyante,

1

Le courroux du tonnerre, et sa flamme effrayante,
Et son bruit qui poursuit le coupable en tout lieu,
Et l'éclair qui l'atteint sur ses ailes de feu.
Plus loin, c'étoit le char du grand dieu de la guerre,
Ce char qui roule égal aux flèches du tonnerre,
Qui rend l'ardeur guerrière aux peuples, aux cités,
Et dévaste en courant les champs ensanglantés.
Un autre pour Bellone apprêtoit une égide,
Signal de la fureur, de la rage homicide:
La cent hideux serpens entrelaçant leurs nœuds
De leur écaille d'or éblouissent les yeux;
Et les regards mortels de l'affreuse Gorgone
Vont placer la terreur sur le sein de Bellone.

K

Cyclopes, c'est assez; arrêtez, dit Vulcain;

>> Des travaux plus pressés attendent votre main :
» Allons, fils de l'Etna, ni délai, ni murmure;
» Pour un jeune héros j'ai besoin d'une armure;

>> Que vos feux un instant ne se reposent pas:
» Il me faut tout votre art, il me faut tous vos bras.
» Hâtez-vous, quittez tout. » Ainsi Vulcain ordonne.
Soudain le mont au loin sous les marteaux résonne;
Tous d'une égale ardeur poursuivent leurs travaux;
L'acier, l'or et l'argent coulent en longs ruisseaux.
On forme un bouclier impénétrable, immense,
Et seul contre une armée invincible défense:
Sept couches d'un métal que la flamme a durci
S'appliquent sous leurs mains sur son orbe épaissi.
Chacun a ses emplois, et pour hater l'ouvrage'
Entre leurs bras actifs le travail se partage:
Les uns placent l'enclume, et leur antre en gémit;
D'autres trempent l'acier dans le flot qui frémit ;
D'autres, tenant en main la tenaille mordante,
A leurs coups répétés offrent la masse ardente;
L'autre nourrit les feux dans leur brûlant séjour ;
L'autre enfermant les vents, les chassant tour à tour,
Irrite des brasiers les flammes paresseuses.

Tout agit, tout s'empresse, et leurs mains vigoureuses,
Tantôt levant, tantôt baissant leurs lourds marteaux,
Retombent en cadence, et domptent les métaux.
Tandis que Vulcain presse et dirige l'ouvrage,
Évandre dort encor sur son lit de feuillage;
Les oiseaux, de son toit hôtes harmonieux,
Et les premiers rayons qui redorent les cieux

Ont hâté son réveil. Sur ses pieds qu'il embrasse Un brodequin toscan se renoue avec grâce; De l'épaule au côté son glaive est suspendu; Un long poil tâcheté sur son dos étendu, Jadis d'un léopard la superbe parure, Ramène sur son sein son épaisse fourrure; Et deux chiens affidés, qui ne le quittent pas, Bondissent sur sa trace ou devancent ses pas. Empressé d'accomplir sa parole donnée, Dans son nocturne asile Évandre cherche Énée. Au-devant de ses pas, du lieu de son repos, Avec la même ardeur s'avance le héros. L'un vient avec Pallas, l'autre est suivi d'Achate.. Un transport mutuel dans leurs regards éclate; Tous deux en s'embrassant renouvellent leur foi; Tous deux, demeurés seuls dans le palais du roi, De leurs nobles projets, pesés par la prudence, Peuvent se faire entr'eux l'entière confidence. Le roi commence ainsi : « Fier successeur d'Hector, » Vous par qui Troie en cendre ose espérer encor, » Vous par qui le vaincu se promet la victoire, » Mes moyens ne sont pas dignes de votre gloire; » Le Tibre d'un côté, protecteur des Toscans, » Borne ici més états, et jusque dans mes camps. » Les Rutules de l'autre apportent les alarmes ; » J'entends d'ici leurs cris et le bruit de leurs armes.

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