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» Mais un hasard heureux nous assure aujourd'hui
» D'un peuple belliqueux l'intérêt et l'appui ;
>> Et le Destin ici semble exprès vous conduire.

» Cité riche autrefois, siège d'un grand empire,

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Séjour heureux long-temps des braves Lydiens, >>> Agylle ici commande aux monts étruriens;

» Mais, déchue aujourd'hui de sa splendeur antique, » Mézence l'asservit à son joug tyrannique. » Comment peindre l'horreur de son règne odieux? » Puisse tomber sur lui la vengeance des dieux! » Ce monstre, joignant l'art avec la barbarie, » D'un tourment tout nouveau repaissoit sa furie: » Des vivans joints aux morts sur des lits inhumains, » La bouche sur la bouche, et les mains sur les mains, >> Tout dégouttans d'un sang qui faisoit ses délices, » Mouroient d'un long trépas dans ces affreux supplices; » Et le monstre auprès d'eux goûtoit tranquillement >> De ces corps déchirés l'horrible accouplement. » Mais son peuple à la fin, lassé de tant de crimes, » S'arme contre un tyran; et, vengeant ses victimes, Égorge ses amis, assiège son palais,

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» Et livre au feu vengeur ce séjour des forfaits..
>>> Turnus vient au secours de ce roi sacrilège;

» Son palais le reçoit, et son bras le protège.
»‹ Mais l'Étrurie entière a juré son trépas;
»Sa vengeance à grands cris appelle les combats.

» Marchez, prince troyen, avancez à leur tête;
>> Leur flotte est assemblée, et leur armée est prête.
» Déjà leurs fiers drapeaux flottent au gré des vents;
» Mais un sage vieillard, dont les regards savans
>> Lisent dans l'avenir, arrête leur armée,

» Tranquille maintenant, mais non pas désarmée;
» Et sa voix, réprimant leurs trans orts indiscrets,
» Du Destin en ces mots rappelle les décrets:

«< Illustres chefs, dit-il, héros de Méonie,

» Des braves Lydiens illustre colonie,

» Contre un tyran cruel un courroux mérité » Provoque justement votre bras irrité;

>> Mais un chef étranger doit guider votre audace.....>>

« Les Toscans, à ces mots, suspendent leur menace. » Tranquilles dans leurs camps, et leurs drapeaux baissés, » Ils attendent ces chefs par l'oracle annoncés..

» Par ses ambassadeurs, déjà Tarchon lui-même
>> Vient de m'offrir le sceptre avec le rang suprême;
» Il veut que, capitaine et monarque à la fois,
» L'armée et tout l'état se rangent sous mes lois.
» Mais il n'en est plus temps, et la glacc de l'âge
>> Envie à mes vieux ans un si noble avantage.
>> J'eusse envoyé mon fils, si le sang maternel
» Ne mettoit un obstacle à son droit paternel;
» Mais au peuple toscan étranger par son père,
» Mon fils du sang latin est sorti par sa mère,

» Et ce hasard l'exclut d'un rang si glorieux.

» Pour vous, qu'à plus d'un titre ont proclamé les dieux,

» Vous, de qui la fortune obtint des destinées

» Le droit de la naissance et celui des années,
» Marchez: puissé-je voir réunis dans vos mains
» L'intérêt d'Ilion et celui des Latins!

» Ce n'est pas tout mon fils, dont la tendre jeunesse
>> Est l'espoir de l'état, celui de ma vieillesse,

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Digne appui des Troyens ensemble et des Toscans, >>> Va quitter mon palais pour voler dans vos camps. » Instruisez aux combats son précoce courage;

Qu'il en fasse sous vous le noble apprentissage; >> De vos hautes leçons qu'il connoisse le prix: >> Savoir vous admirer, c'est avoir tout appris. » De deux cents cavaliers une élite intrépide » Va joindre à vos soldats son escadron rapide; >> Deux cents autres bientôt, également choisis', >> Vont, sous vos étendards, accompagner mon fils. » Il dit : et le héros et le fidèle Achate,

Malgré le noble espoir dont ce discours les flatte,

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Tous les deux en silence, immobiles tous deux,
Plongent d'un œil tremblant dans l'avenir douteux.
Tout à coup un signal que donne Cythérée
Vient ranimer leur cœur. Dans la plaine éthérée
L'air s'ébranle, des cieux partent de longs éclairs,
La trompette éclatante a souné dans les airs.

On regarde, on se tait: de nouveau les cieux grondent; Alors dans l'air serein, où mille échos répondent, Une superbe armure en longs sillons de feux Descend, tonne à l'oreille, et resplendit aux yeux. Ces éclairs, ce fracas, cette armure brillante, Dans les cœurs attentifs ont jeté l'épouvante; Mais Vénus, par ces sons, se révèle à son fils: C'est elle, c'est sa mère, et ses dons tant promis. « Cher Évandre, dit-il, que ce bruit, cette flamme » D'une vaine frayeur n'alterre point votre ame; » J'entends, je reconnois ce grand signal des cieux: » C'est à moi, c'est à moi que s'adressent les dieux.. » Vénus, si les Latins me déclarent la guerre,

» Et j'en crois son amour, doit au bruit du tonnerre » Descendre, et m'apporter les armes que Vulcain »Pour défendre son fils fabriqua de sa main. >> Malheureux Laurentins, quel péril vous menace ! » Combien votre Turnus paîra cher son audace! » Et toi, fleuve toscan, ah! combien dans tes flots » Tu vas rouler de sang, d'armes et de héros! » Allez, fiers ennemis, déclarez-moi la guerre ; » Vos têtes répondront des malheurs de la terre. » A ces mots, prononcés d'un accent solennel, Il se lève, d'Hercule il approche l'autel, S'incline avec respect, sous la cendre réveille Les restes assoupis des flammes de la veille,

Présente son hommage à ces humbles foyers,
Immole cinq brebis aux dieux hospitaliers.
Évandre y joint ses dons; et, marchant vers le temple,
La jeunesse troyenne imite leur exemple.

Le héros vers sa flotte enfin porte ses pas,
Choisit des cœurs vaillans et d'intrépides bras;
Le reste sur les flots, dont le cours les seconde,
Descend et s'abandonne à la pente de l'onde,
Va rejoindre son camp, et redire à son fils
Ce que le roi, le sort et les dieux ont promis.
Enfin, pour la jeunesse à Tarchon destinée
Des coursiers sont choisis; celui que monte Énée
Par une peau de tigre et par ses ongles d'or,
Déjà brillant et fier, se distinguoit encor.

Mais bientôt, consternant la foule épouvantée,
Un bruit s'est répandu dans l'humble Pallantée,
Que vers les murs toscans marche un gros de soldats:
Les mères, qu'effrayoit l'approche des combats,
Au pied des saints autels redoublent leurs prières,
Et, plus près du péril, frémissent d'être mères.
Le roi de ses adieux attendrit le héros,

Le presse sur son sein avec de longs sanglots,
Et, pour un fils qu'il aime exprimant ses alarmes,
De ses yeux paternels verse un torrent de larmes.

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« Ah! si les dieux, dit-il, me rendoient mon printemps; »Si j'étois ce guerrier qui, dans de meilleurs temps,

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