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A deux chars attelés quatre fougueux chevaux
De ses membres rompus emportoient les lambeaux:
Son sang au loin rougit les ronces dégouttantes.
Plus loin, de Porsenna les fureurs insultantes
Pressent Rome assiégée, et du joug des Tarquins
Menacent de nouveau ces fiers républicains;
Les Romains à sa rage opposent leur audace:
On le voit à son air, à son œil qui menace,
S'indigner qu'un seul homme, arrêtant ses drapeaux,
Brise le pont du Tibre et brave ses assauts.
Une femme, plus loin, égalant ce courage,
Brise ses fers, s'échappe, et s'élance à la nage
Sur le roc Tarpéien qu'illustra Romulus.
Devant le Capitole avançoit Manlius:

Le toit du fondateur dont le Romain s'honore
De son chaume récent se hérissoit encore;
Un oiseau, déployant son plumage argenté,
Crioit, couroit, erroit, voloit de tout côté :
On reconnoît l'oiseau, sentinelle de Rome,

Dont les cris vigilans, secondant un grand homme,
Annoncent aux Romains l'approche des Gaulois :
Protégés par la nuit et par l'ombre des bois,
Les Gaulois arrivoient; de la demeure sainte
Déjà leur troupe impie environne l'enceinte.
Dans ce vivant tableau l'art avoit figuré
Leur chevelure d'or, leur vêtement doré,

Et de leurs colliers d'or la parure flottante,

Qui couvroit de leur coù la blancheur éclatante;
Leurs tabliers pendans, dont les pans bigarrés
Sont rayés de rubans richement colorés;
Deux traits, qu'avoit fournis à leur main aguerrie
Le chêne vigoureux des Alpes leur patrie,
Sont leur arme légère, et de longs boucliers
D'un airain protecteur les couvrent tout entiers.
Là, les prêtres voués au grand dieu de la guerre
De leurs sauts cadencés font retentir la terre;
Plus loin, du dieu des bois les prêtres vagabonds,
Le corps nu, s'agitoient et s'élançoient par bonds.
L'art n'a point oublié dans cette vaste scène
Les boucliers garans de la grandeur romaine,
Ni du maître des dieux les prêtres révérés,
De leurs houpes de laine en marchant décorés,
Ni ces chars suspendus, où des femmes pudiques
Conduisent l'appareil de nos fêtes publiques.
Là, sur le bronze encor Vulcain vous dessina,
Noir séjour de l'enfer; et toi, Catilina,
Qu'une roche pendante incessamment menace,
Dont les filles du Styx épouvantent l'audace.
Enfin, seuls à l'écart, loin du noir Phlégéthon,
Les justes out leur place; à leur tête est Caton.
Parmi ces traits formés par une main savante,
Se montroit de la mer une image mouvante;

Ses plaines étoient d'or, mais des flots écumans
L'argent pur imitoit les longs frémissemens;
Et, promenant au loin leurs troupes vagabondes,
Des dauphins d'argent pur se jouoient sur les ondes.
Dans le centre, une mer plus étendue encor,
Sous les poupes d'airain rouloit des vagues d'or:-
La mer va décider du destin de la terre;
L'onde roule en grondant l'appareil de la guerre;
Leucate au loin commande à ces fatales eaux,
Et les vaisseaux déjà menacent les vaisseaux.
D'un côté, c'est Auguste et son puissant génie,
Sur cette onde guerrière entraînant l'Ausonie,
Le peuple, le sénat, Rome entière et ses dieux;
De sa poupe élevée il combat avec eux:
Deux faisceaux lumineux, présage de victoire,
L'environnent déjà des rayons de la gloire,
Et, sur son jeune front empreint de majesté,
De l'astre paternel resplendit la clarté.
Plus loin, c'est Agrippa; la couronne rostrale
Décore du héros la tête triomphale.

Vainqueur infortuné de vingt peuples divers,
Antoine ose à César disputer l'univers :
Près de l'aigle romain, mille enseignes bizarres
Rassemblent sous ses lois mille peuples barbares,
L'Arabe, le Persan, le Maure, l'Indien.
Sa femme lui conduit le vil Égyptien :

Sa femme, ô déshonneur! il combat pour ses charmes,
Opprobre de son lit, opprobre de ses armes.

Tous s'élancent ensemble, et l'airain des vaisseaux,
Et les bras des rameurs, font bouillonner les eaux:

La mer à leur fureur ouvre un théâtre immense.
On s'éloigne des bords, et le combat commence :
Soldats et matelots, et les vents et les mers,
Les poupes sur les eaux, et les mâts dans les airs,
Tout s'ébranle; on croit voir sur les eaux écumantes
Voguer, s'entrechoquer les Cyclades flottantes,
Ou, traînant leurs forêts sur les gouffres profonds,
Les monts avec fracas heurter contre les monts.
Neptune épouvanté voit mille morts cruelles;
L'eau mugit, le feu siffle, et le fer a des ailes.
Cléopâtre elle même, au milieu des combats,
Du sistre égyptien anime ses soldats,

Hélas! et ne voit pas deux serpens qui l'attendent.
Sous le nom de ses dieux cent monstres la défendent:
Ensemble conjurés, le mugissant Apis,

Le Crocodile impur, l'aboyant Anubis,

En vain osent encor, partageant sa fortune,
Lutter contre Vénus et Minerve et Neptune:
Gravés sur leur métal, l'impitoyable fer,
Mars, le terrible Mars, et les filles d'enfer,
Bellone aux fouets sanglans, la Discorde abhorrée
En triomphe étalant sa robe déchirée,

Mêlés aux combattans, les animent en vain :
Apollon les a vus de son temple divin;
Le dieu saisit son arc, et frappés d'épouvante,
L'Arabe et l'Indien et l'Égypte tremblante,

Tout fuit la reine même aux yeux de l'univers

:

Fuyant, n'implorant plus d'autres dieux que les mers,
Et les vents trop tardifs, et la voile, et la rame,
Part, l'orgueil dans les yeux, le désespoir dans l'ame.
Elle fuit, et déjà sur son front sans couleur
De la mort qui l'attend elle offre la pâleur.
Mais à sa fuite encor le Nil reste fidèle;
Fier de ses sept canaux, le Nil est devant elle;
Lui-même, des vaincus appelant les débris,
De sa robe azurée ouvre les larges plis,
Ouvre son vaste sein et ses immenses ondes,
Et cache leurs malheurs dans ses grottes profondes.
César, et conquérant, et pacificateur,

Par trois fois a conduit son char triomphateur;
Et, payant à ses dieux le tribut de sa gloire,
Par des dons solennels acquitte sa victoire.
Au temple d'Apollon, d'un marbre éblouissant,
Lui-même vient offrir son vœu reconnoissant;
Lui-même, le front ceint d'immortelles guirlandes,
De cent peuples divers il reçoit les offrandes ;
Et, suspendant leurs dons au portique du dieu,
Lui fait de ses faveurs le solennel avcu.

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