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Il dit, et sans effroi, sans arrogance vaine,
Au-devant de Turnus s'avance dans la plaine.
De ses braves soldats tout le sang s'est glacé..
Mais déjà de son char Turnus s'est élancé ;
C'est à pied, c'est de près, et sans vaine assistance,
Qu'il veut contre Pallas mesurer sa vaillance.
Et, tel qu'un fier lion, qui dans un pré lointain
Voit un taureau farouche au front large et hautain
Préparer au combat sa corne menaçante,

Part, les crins hérissés et la gueule écumante;
Turnus fond sur Pallas, par la rage emporté.
Inégal en vigueur, mais égal en fierté,

Pallas le voit venir, et l'attend sans rien craindre;
Et, s'arrêtant au lieu d'où le trait peut l'atteindre,
« Toi, qui daignas t'asseoir aux festins paternels,
» Hercule! entends ma voix des palais éternels,
» Dit-il; que ce Turnus à sa main expirante
>> Me voie ici ravir son armure sanglante;

>> Qu'il descende aux enfers la rage dans le cœur ;
» Et que ses yeux mourans contemplent son vainqueur ! »
Hercule en gémissant écoute sa prière;

La pitié de ses pleurs a mouillé sa paupière.

« Mon fils, dit Jupiter, dans cet humain séjour
» Chaque mortel paroît, disparoît sans retour;
par d'illustres faits vivre dans la mémoire,
>> Voilà la récompense et le droit de la gloire.

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Mais

» Ilion vit périr plus d'un enfant des dieux,

» Et Sarpédon mon fils n'est-il pas mort comme eux? » Ce fier Turnus lui-même, il faudra bien qu'il meure; » Et la Parque déjà file sa dernière heure. » Ainsi dit Jupiter, et des voûtes des cieux Vers les champs des Latins il rejette ses yeux.

Ces deux fameux rivaux déjà sont en présence :
Pallas d'un bras nerveux a fait voler sa lance;
Et, tandis qu'il saisit son glaive étincelant,
Le trait impétueux qui s'élance en sifflant
Va tomber à l'endroit où l'épaule cachée
Supporte la cuirasse autour d'elle attachée;
Et, malgré le pavois dont il perce les bords,
Son fer du grand Turnus vient effleurer le corps.
Pallas avec transport accepte ce présage,
Et cet heureux essai redouble son courage.
Turnus d'un bois pesant hérissé d'un long fer
Arme son bras puissant, le balance dans l'air :
« Tiens, vois qui de nos traits est le plus redoutable ! »
Il dit : au même instant le dard inévitable,

Malgré l'airain, le fer, dans la flamme durcis,
L'un sur l'autre ployés, l'un par l'autre épaissis,
Malgré les doubles peaux que son tissu rassemble,
Traverse sa cuirasse et son cœur tout ensemble.
Le courageux Pallas l'arrache tout sanglant;
Et sa vie aussitôt s'échappe avec son sang :

Sous l'inutile poids de sa brillante armure
Le jeune infortuné tombe sur sa blessure,
Et mord, en insultant au bras qui l'a dompté,
De ces bords ennemis le sable ensanglanté.
Turnus, d'un pied cruel foulant ce triste reste,
« Vous, témoins d'une audace à son fils si funeste,
>> Soldats d'Évandre, allez, remettez-le en ses bras
>> C'est ainsi que j'ai dû lui renvoyer Pallas.

» Cependant je veux bien, pour consoler un pèrc,
» Accorder à son corps l'asile funéraire :

» Qu'il lui dresse un tombeau, j'y consens; mais ce fils » Aura payé bien cher ses funestes amis ! »

Il dit, et, sur son corps posant son pied barbare,
Saisit son baudrier, l'en dépouille, et se pare
De ce riche trophée où l'art a reproduit
Cet hymen exécrable et cette horrible nuit
Qui, cachant les forfaits des lâches Danaïdes,
Inondèrent de sang leurs couches homicides;
Du travail de Clonus superbe monument.
Turnus s'en applaudit. Fatal aveuglement !
Combien de son bonheur l'homme aisément s'enivre!
Sans prévoir l'avenir au présent il se livre.
Hélas! le moment vient, il ne tardera pas,
Où l'orgueilleux Turnus paîra cher ce trépas,
Et, teignant de son sang ces marques de sa gloire
Maudira, mais trop tard, sa fatale victoire.

Cependant de Pallas les amis gémissans
Poussent en longs sanglots de lugubres accens,
L'environnent en foule, et, l'arrosant de larmes,
Rapportent ce guerrier étendu sur ses armes.
O cher et triste objet ! ô combien ton cercueil
Va porter chez Évandre et de gloire et de deuil !
Hélas! à peine entré dans la lice guerrière,
La mort avant le temps vient finir ta carrière !
Console-toi; le sort, en abrégeant son cours,
Ajoute à ton grand nom ce qu'il ôte à tés jours.
Bientôt un avis sûr au généreux Énée
Du malheureux Pallas apprend la destinée,
Lui dit quel grand danger environne les siens,
Qu'il est temps de voler au secours des Troyens.
Il part, moissonne tout sur son sanglant passage.
C'est toi, Turnus, c'est toi que demande sa rage:
Pallas et son trépas, Évandre et sa douleur,
Sont présens à ses yeux, sont présens à son cœur ;
Il n'a
pas oublié les services d'Évandre,

Sa table hospitalière et son accueil si tendre.
De Sulmon et d'Ufens huit malheureux enfans
Par ses terribles mains sont saisis tout vivans;
Du bûcher de Pallas, dont l'ombre les réclame,
Bientôt leur sang captif arrosera la flamme.
Magus, au même instant, se présente à ses coups;
Le trait vole: aussitôt, tombant sur ses genoux,

L'adroit Magus échappe à la mort qui s'apprête, Et le fer en passant a sifflé sur sa tête. Soudain il se prosterne implorant le héros, Et d'un ton suppliant il lui parle en ces mots : << Par les mânes d'Anchise, et par la tendre enfance » De ce fils adoré, votre douce espérance,

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» N'arrachez pas, d'un bras sans gloire triomphant, >> Un enfant à son père, un père à son enfant ! >> S'il faut le racheter, ma richesse est immense; » Mon palais est rempli de ma magnificence; » Des amas d'or, d'argent, travaillés, bruts encor, » Dans la terre enfouis composent mon trésor. >> Ce n'est pas de ma mort que dépend la victoire; » Et seul je ne puis mettre obstacle à votre gloire. Épargne pour tes fils tous ces vains amas d'or, >> Ou bruts ou travaillés, qu'enferme ton trésor. » Tu parles de pitié! Pallas attend vengeance, » Et Turnus le premier abolit la clémence. » Point de paix aux Latins, de grâce à leurs amis ! » Voilà le vœu d'Anchise et celui de son fils. >> Il dit, saisit sa tête, et jusqu'à la poignée Plonge le fer qui brille en sa main indignée. Non loin il apperçoit le brave fils d'Hémon, Pontife de Diane et prêtre d'Apollon. Son auguste tiare, et sa riche parure,

Et l'or éblouissant de sa superbe armure,

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