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L'annoncent à ses yeux par leur brillant éclat.
Il le poursuit, l'atteint dans le champ du combat ;
Il tombe; et, sans pitié pour le sang qui le souille,
D'un prêtre d'Apollon Mars saisit la dépouille :
Séreste la rapporte en ployant sous le poids.
Deux guerriers au héros s'opposent à la fois :
L'un d'eux est Céculus que Vulcain a fait naître ;
L'autre est le marse Ombron, orgueilleux de connoître
De ses monts paternels les végétaux fameux.
Énée avec fureur s'avance au-devant d'eux.
Le bouclier d'Anxur, avec sa main coupée,
D'abord vole en éclats sous sa terrible épée.
Ombron, fier de son art, par de magiques mots
Sans doute a cru charmer la fureur du héros :
Peut-être il espéroit, vainqueur des destinées,
Une heureuse vieillesse et de longues années;
Mais le glaive troyen en abrège le cours.
Le brave Tarquitus voloit à son secours :
De Dryope et de Faune, en un réduit champêtre,
Pour un destin plus doux l'amour l'avoit fait naître.
Fier de sa riche armure et de son sang divin,
Il accourt; le héros étend sur lui la main,
Perce son bouclier et sa forte cuirasse :

Il fuit, traînant le poids du fer qui l'embarrasse ;
Et, malgré sa prière et tous ses vains discours,
L'acier tranche d'un coup et sa tête et ses jours;

Et, repoussant son tronc sur la poudre sanglante:
« Reste là, malheureux ! ta mère gémissante
>> Au tombeau paternel ne t'enfermera pas:
>> Reste là; des vautours sois l'horrible repas,
>> Ou que des vastes mers, ta digne sépulture,
>> Les monstres affamés déchirent ta blessure:
>> Pallas du moins aura les honneurs du tombeau. »
Ainsi dit le vainqueur; et, plein d'un feu nouveau,
Fendant des premiers rangs la foule épouvantée,
Il poursuit et Lycas, et le robuste Antée,
Et le brave Numas, et le blond Camertès
Qui, fils du grand Volscens, et rappelant ses traits,
Unit à ce beau nom, à son domaine immense,
Le trône d'Amyclas, l'école du silence.
Partout le fier Troyen fait voler le trépas.

Tel couroit Égéon, aux cent mains, aux cent bras;
Tel, se multipliant sous mille aspects farouches,
Il vomissoit des feux de ses cinquante bouches,
De ses cinquante dards lançoit autant d'éclairs,
D'autant de boucliers obscurcissoit les airs,
Et, sous ses pieds tonnans faisant trembler la terre
Seul affrontoit l'Olympe et bravoit le tonnerre:
Tel étoit le héros; tel son fougueux transport
Multiplioit ses coups, le ravage et la mort.
Son épée, au carnage une fois échauffée,
Court, vole, brave tout, renverse tout. Niphée,

Sur son sanglant passage, hélas! pour son malheur,
Guidoit quatre coursiers : soudain, saisis de peur
A l'aspect du héros tout fumant de carnage,
Ils renversent leur guide, et, courant au rivage,
De son char fracassé dispersent les débris.

Par leurs beaux coursiers blancs, aux combats aguerris, Liger au ton superbe et Lucagus son frère, Rapidement traînés dans des flots de poussière, Fouloient des rangs entiers; et, tandis que l'un d'eux De ces coursiers ardens guide l'élan fougueux, Son frère, d'une main au carnage occupée, Fait tourner dans les airs sa foudroyante épée. Énée, à son aspect, ne s'émeut pas en vain; Terrible il fond sur eux une lance à la main. << Tourne ici, dit Liger, ta vue intimidée : >> Ces coursiers ne sont pas ceux du fils de Tydée; » Ce char n'est pas celui de l'enfant de Thétis, » Dont Vénus tant de fois a préservé son fils; >> Ils t'apportent la mort et la fin de la guerre, » Et ton sang odieux va rougir cette terre

>> Plus funeste pour toi que les champs phrygiens.»
Ainsi parle Liger. Le héros des Troyens

Laisse perdre dans l'air ces menaces frivoles,
Et répond par un dard à de vaines paroles.
Lucagus à l'instant, un javelot en main,
Excitant ses coursiers, se penche sur leur crin:

Superbe il se relève, et, redressant sa tête,
Le pied gauche en avant, au combat il s'apprête;
Mais déjà du Troyen le pénétrant acier

Traverse par les bords son épais bouclier,

Et court plonger son fer dans sa cuisse sanglante.
Le héros, insultant à sa chute pesante,

« Lucagus, lui dit-il, tu n'accuseras pas

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>> Tes chevaux et ton char d'avoir fui les combats:
>> Toi-même en descendant leur as lâché les rênes;
» Et c'est toi dont le sang doit arroser ces plaines.
Il dit, et dans l'instant saisit ses deux coursiers.
Liger, se corrigeant de ses discours altiers,
Tombe aux genoux d'Énée, et vers sa main sanglante
Élevant et ses bras et sa voix suppliante :

:

<< Par toi,
, par les auteurs de tes jours glorieux,

>> Troyen, ne m'ôte pas la lumière des cieux,

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>>

Et qu'un guerrier soumis désarme ton courage! »

-« Tu n'avois pas tantôt ce modeste langage,

» Lui répond le vainqueur : meurs sur ton frère mort;
» Et né du même sang subis le même sort. >>

Il dit; et, sans égard pour sa bassesse infàme,
A sa vile demeure il arrache son ame,

Sur son frère, à ces mots, il le jette mourant.

Plus fougueux que l'orage, et plus prompt qu'un torrent, Tel Énée à Pallas prodiguoit les victimes.

Soudain, encouragés par ses faits magnanimes,

Ascagne et les Troyens, foiblement assiégés,
S'élancent des remparts qui les ont protégés.

Aussitôt à Junon le roi des dieux s'adresse:

« O vous ! qu'à double titre honore ma tendresse, » Mon épouse, ma sœur, vous ne vous trompiez pas; >> C'est Vénus qui conduit les Troyens aux combats: >> Vous le voyez, ils sont sans force, sans courage; » Sans elle leur frayeur cèderoît à l'orage. » Junon, d'un ton soumis, lui répond : « Cher époux ! >> De ces cruels discours pourquoi m'accablez-vous ? » Mon cœur, vous le savez, craint votre humeur sévère, >> Ah! si comme autrefois Junon savoit vous plaire ! >> (Eh! quel motif a pu vous refroidir pour moi ?) » Vous-même, pour Turnus partageant mon effroi, >> Souffririez que Junon, à bon droit alarmée, » L'arrachât au péril, l'écartât de l'armée,

» Et le rendît vivant à son père Daunus ;

>> Mais sa vie est promise aux fureurs de Vénus, >> Je me soumets. Pourtant notre sang l'a fait naître » Du sang de Pilumnus, son glorieux ancêtre; » Et, s'il faut dire plus, nul parmi les mortels >> D'aussi riches présens n'a chargé nos autels. » Alors le souverain de la voûte céleste

Réplique en peu de mots : « Si du terme funeste >> Vous voulez pour Turnus retarder le moment, » S'il faut vous rassurer par mon consentement

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