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>> Son triomphe fut court, sa peine est éternelle.
» Là, plus coupable encore, est ce géant rebelle,
>> Ce fameux Tityus, autre rival des dieux,
» De la terre étonnée enfant prodigieux:

» Par un coup de tonnerre aux enfers descendue,
>> Sur neuf vastes arpens sa masse est étendue.
» Un vautour sur son cœur s'acharne incessamment,
>> De sa faim éternelle éternel aliment:

>> Contre l'oiseau rongeur en vain sa rage gronde; » Il habite à jamais sa poitrine profonde;

» Il périt pour renaître, il renaît pour souffrir; » Il joint l'horreur de vivre à l'horreur de mourir; » Et son cœur, immortel et fécond en tortures, >> Pour les rouvrir encor referme ses blessures.

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Rappèlerai-je ici le superbe Ixion,

>> Le fier Pyrithoüs, et leur punition?

» Şur eux pend à jamais, pour punir leur audace, » D'un roc prêt à tomber, l'éternelle menace; >> Tantôt, pour irriter leur goût voluptueux, > S'offrent des mets exquis et des lits somptueux : >> Vain espoir! Des trois sœurs la plus impitoyable » Est là, levant sa tête et sa voix effroyable, >> Leur défend de toucher à ces perfides mets, >> Qui les tentent toujours sans les nourrir jamais. » Là sont ceux dont le cœur a pu haïr un frère; » Ceux dont la main impie ose outrager un père;

» Ceux qui de leurs cliens ont abusé la foi; >> Celui qui, possédant, accumulant pour soi, >> Aux besoins d'un parent ferme son cœur barbare, » Et seul couve des yeux son opulence avare. >> Ce nombre est infini. Vous nommerai-je ceux » Qu'un amour adultère a brûlé de ses feux,

>> Et ceux qui, se rangeant sous les drapeaux d'un traîtr >> Désertent lâchement la cause de leur maître?

» Chacun d'eux, dans les fers, attend son châtiment, » Et cette attente horrible est leur premier tourment. » Ne me demandez pas les peines innombrables >> Que partage le ciel à tous ces misérables: >> A rouler un rocher, l'un consume ses jours; » L'autre, toujours montant, et retombant toujours, » Voyage avec sa roue. Un destin tout contraire » De Thésée a puni l'audace téméraire » De ses longues erreurs revenu désormais, » Sur sa pierre immobile il s'assied pour jamais. » C'est-là son dernier trône: exemple épouvantable! » Là, sans cesse il redit d'une voix lamentable:

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Par le destin cruel que j'éprouve en ces lieux,

Apprenez, ô mortels! à respecter les dieux.» » Ils ont leur place ici, ces lâches mercenaires, » Qui vendent leur patrie à des lois étrangères. » La peine suit de près ce père incestueux >> Qui jeta sur sa fille un œil voluptueux

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Et, jusque dans son lit, portant sa flamme impure, » D'un horrible hyménée outragea la nature.

» Ils sont jugés ici tous ces juges sans foi,

>>

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Qui, de l'intérêt seul reconnoissoient la loi,

Qui, mettant la justice à d'infàmes enchères,

>> Dictoient et rétractoient leurs arrêts mercenaires,

» Et de qui la balance, inclinant à leurs choix,

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Corrompit la justice, et fit mentir les lois;

>> Tous ces profanateurs des liens légitimes,

>> Tout ce qui fut coupable, et jouit de ses crimes. » Non, quand j'aurois cent voix, je ne pourrois jamais » Dire tous ces tourmens, compter tous ces forfaits. >> Mais c'est trop de discours; ranime ton courage, » Suis moi je vois d'ici ce magnifique ouvrage, » Ce palais de Pluton, noble rival des cieux, » Et du dieu de Lemnos chef-d'oeuvre audacieux. » Voici bientôt la porte où la branche divine » Doit, par sa riche offrande, appaiser Proserpine. » Elle dit : et tous deux par des sentiers obscurs, Ils poursuivent leur route, et marchent vers ces murs. Le héros, le premier, touche au bout de sa course, Se baigne en des flots purs, tout récens de leur source, Et suspend son hommage au palais de Pluton. Ils avancent : au lieu de l'ardent Phlégéthon Et des rocs que rouloit son onde impétueuse, Des vergers odorans l'ombre voluptueuse,

Les prés délicieux et les bocages frais,

Tout dit: voici les lieux de l'éternelle paix!

Ces beaux lieux ont leur ciel, leur soleil, leurs étoiles;
Là, de plus douces nuits éclaircissent leurs voiles;
Là, pour favoriser ces douces régions,

Vous diriez que le ciel a choisi ses rayons.

Tantôt ce peuple heureux, sur les herbes naissantes,
Exerce, en se jouant, des luttes innocentes;
Tantôt leurs pieds légers, sur de rians gazons,
Bondissent en cadence au doux bruit des chansons;
D'autres touchent la lyre; à leur tête est Orphée,
Tel qu'il charma jadis les sommets du Riphée.
Son luth harmonieux, qu'accompagne sa voix,
Ou frémit sous l'archet, ou parle sous ses doigts.
L'œil suit les plis mouvans de sa robe flottante,
L'oreille est suspendue à sa lyre touchante,
Et, sur sept fils divins où résonnent sept tons,
Son doigt léger parcourt l'intervalle des sons.
Là brillent réunis, dans des scènes champêtres,
Les héros des Troyens, leurs princes, leurs ancêtres;
Tous, conservant les goûts dont ils furent épris,
Dans ce séjour de paix offrent aux yeux surpris
Des ombres retraçant les scènes de la guerre:
Ici, des javelots enfoncés dans la terre;

Là, des coursiers sur l'herbe errant paisiblement;
Des armes et des chars le noble amusement,

Ont suivi ces guerriers sur cet heureux rivage,
Et de la vie encore ils embrassent l'image.
Du tranquille bonheur qui règne dans ces lieux,
Une scène plus douce attire encor ses yeux.
Plusieurs, couchés en paix sur l'épaisseur des herbes,
Où l'Éridan divin roule ses eaux superbes,

Sous l'ombrage odorant des lauriers toujours verts,
Joignent leur douce voix au doux charme des vers.
Là, règnent les vertus ; là, sont ces cœurs sublimes,
Héros de la patrie ou ses nobles victimes;

Les prêtres qui n'ont point profané les autels;
Ceux dont les chants divins instruisoient les mortels;
Ceux dont l'humanité n'a point pleuré la gloire;
Ceux qui, par des bienfaits, vivent dans la mémoire;
Et ceux qui, de nos arts utiles inventeurs,

Ont défriché la vie et cultivé les mœurs.

De festons d'un blanc pur leurs têtes se couronnent; Avec eux est Musée, en cercle ils l'environnent; Illes domine tous d'un front majestueux. La Sibylle l'aborde: « O chantre vertueux, Qui charma les humains, la terre et l'Élysée! » De grâce, apprenez-moi, vénérable Musée, » Où d'Anchise est fixé le paisible séjour? >> C'est pour lui, qu'exilés de l'empire du jour, » Nous avons des enfers franchi les rives sombres. Nul espace marqué n'enferme ici les ombres,

»

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