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Cependant, déjà prêt à braver les hasards,
Turnus a revêtu l'or de ses longs cuissards;
Et déjà sur son sein, avide de batailles,
Sa cuirasse d'airain hérisse ses écailles ;
Sa tête est nue encor, mais son riche cimier
Est prêt à la couvrir de son panache altier.
A son côté déjà pend son glaive fidèle.
Il s'agite, il frémit, et de la citadelle

Dans son habit guerrier tout éblouissant d'or,
Déjà brûlant de vaincre, il a pris son essor:
Tel un coursier captif, mais fougueux et sauvage,
Las es molles langueurs d'un oisif esclavage,
Tout à coup rompt sa chaîne, et loin de sa prison
Possesseur libre enfin de l'immense horizon
Tantôt fier, l'œil en feu, les narines fumantes,
Demande aux vents les lieux où pissent ses amantes;
Tantôt, par la chaleur et la soif enflammé,
Court, bondit, et se plonge au fleuve accoutumé;
Tantôt le cou dressé, du pied frappant les ondes,
Pour reprendre à son choix ses courses vagabondes,
Part, et dans un vallon propice à ses ébats,
Battant l'air de sa tête et les champs de ses pas,
Levant ses crins mouvans que le zéphir déploie,
Vole, et frémit d'amour, et d'orgueil, et de joie.
Elle-même guidant ses escadrons poudreux,
Camille tout à coup vient s'offrir à ses yeux.

A peine parvenue aux portes de la ville,
Légère, elle descend de son coursier docile;
Son escadron l'imite, et soudain au héros
Avec une voix fière elle adresse ces mots :

<< Chacun doit écouter l'instinct de son courage; » J'ai consulté le mien, me voici, je m'engage, » Turnus, à terrasser les insolens Troyens : » Seule je veux marcher aux fiers Tyrrhéniens » Seule à leurs escadrons j'oppose mon audace. > Vous, de vos bataillons que l'invincible masse » Protège nos remparts, et laissez à mon bras » Et les premiers dangers, et les premiers combats. » L'intrépide Turnus que son courage étonne : << Que ne vous dois-je pas, ô superbe amazone? » Des guerriers d'Italie exemple glorieux ! » Venez donc partager ces honneurs dangereux. » Si de nos éclaireurs le rapport est sincère, Énée a fait partir une troupe légère

>>

>>

Qui doit battre la plaine et tromper les regards. >> Lui, prêt à rassembler ses pelotons épars,

» Il doit des monts voisins s'élancer sur la ville: » Répondons par un piège à son piège inutile. » Dans la gorge du mont, sous ces bois ténébreux, » Je l'attendrai, suivi de combattans nombreux : » Vous, des braves Latins, des enfans d'Étrurie, » Rivale des héros, dirigez la furie;

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» Le généreux Messape, et Catille, et Coras,
» Unis sous vos drapeaux, marcheront sur vos pas. »
Ensuite, s'adressant à ces chefs qu'il anime,

Il verse dans leurs cœurs son espoir magnanime.
Leur courage docile à ses lois est soumis.

Tout à coup il s'élance et vole aux ennemis.

Un noir vallon s'étend dans ces monts solitaires,
Dont le terrain, propice aux pièges militaires,
De toutes parts s'enfonce en sinueux détours.
Une épaisse forêt sur ces vastes contours

Penche son noir ombrage, et sous sa voûte obscure
Ne laisse d'autre accès qu'une étroite ouverture.
Une plaine au-dessus, cachée à tous les yeux,
Présente une retraite, un abri spacieux,
Qui sur les ennemis règne avec avantage,

Et de tous les côtés menace leur passage.

La Turnus à son choix peut combattre en tous sens,
Les fuir, les attaquer, ou des roes bondissans
Précipiter sur eux la masse impétueuse.
Suivant done des chemins la pente tortueuse,
Il accourt; et, caché dans l'épaisse forêt,
Attend les Phrygiens dans ce poste secret.
Diane cependant, sur la voûte azurée
Entretenant Opis, sa compagne sacrée,
Exprimoit en ces mots ses plaintives frayeurs:

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Toi, l'honneur de mes bois, l'ornement de mes chœurs,

» Chère Opis, tu le sais, mon aimable Camille,

» Portant mes traits, mon are, hélas ! arme inutile,

>> Affronte les combats. Ce n'est pas de ce

de ce jour >> Que cette jeune nymphe est chère à mon amour. » Je me rappelle encor sa naissance fatale.

» Chassé de Privernum, sa vieille capitale,

» Par son peuple irrité de ses fiers attentats, » Son père Métabus privé de ses états

>>

Fuyoit de bois en bois, de montagne en montagne: >> D'un exil qu'elle ignore innocente compagne,

» Camille, encore enfant, consoloit son chagrin;
» Son père malheureux la pressoit sur son sein,
» Et, tremblant pour l'objet de ses tendres alarmes,

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Fuyoit, prêtant l'oreille au bruit lointain des armes. >> Dans sa fuite soudain se présente à ses yeux » L'Amasène grondant, dont les flots furieux, >> Grossis pendant la nuit par les eaux des orages, >> Rouloient gonflés d'écume, et battoient ses rivages. » Il s'arrête; il voudroit, dans son premier transport, >> S'élancer à la nage et gagner l'autre bord;

» Mais, tremblant pour l'objet de sa tendresse extrême, » Il craint pour ce doux poids bien plus que pour lui-même. » Long-temps il délibère ; il se décide enfin :

» Autour d'un dard noueux, dont il arme sa main, » De son cœur inquiet la crainte paternelle

» L'enveloppe avec soin d'une écorce fidèle ;

» Puis l'élevant dans l'air, sa suppliante voix

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Implore par ces mots la déesse des bois :

~ « O déesse, tu vois cet enfant que j'adore! >> Ses tristes jours à peine ont commencé d'éclore; » Son père en ce moment la voue à tes autels; » Prends pitié de tous deux dans ces dangers cruels! » Pour la première fois elle a saisi tes armes; » Elle fuit un vil peuple, auteur de mes alarmes. » Tandis qu'avec le trait elle vole dans l'air, » O déesse! prends soin de ce dépôt si cher; » Déesse, c'est ton bien qu'à tes soins je confie; » A toi seule à jamais appartiendra sa vie..... » « Il dit, lance le dard de son bras vigoureux; » Le fleuve en retentit; avec le trait heureux >> Camille fend les airs et vole à l'autre rive. >> L'ennemi s'approchoit; lui, devant qu'il arrive, » S'élance, nage, aborde, et, d'un bras triomphant, » Arrache du gazon son dard et son enfant. >> Cet enfant, désormais réclamé par Diane, >> La ville ne fut point sa demeure profane, » Son père à ce séjour préféra les forêts; » Moi-même la cachai dans des antres secrets. » D'une fière jument, sa nourrice sauvage, » Sur sa lèvre enfantine exprimant le breuvage, >> Son père l'élevoit, et sa jeune fierté » Prit du cœur paternel la farouche âpreté.

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