Et par un prompt courrier fait annoncer au roi De ce noble cartel la salutaire loi. A peine de la mer quittant le noir abîme Les coursiers du Soleil des monts doroient la cime, A ces rivaux fameux on prépare la lice: : Les chefs des deux partis volent de rangs en rangs; Et le fougueux Messape, enfant du dieu des mers, Le signal est donné; soudain un large espace Cependant, des hauteurs d'un mont alors sans nom, Qu'Albe illustra depuis, la puissante Junon En silence fixoit cette scène imposante, Les deux peuples, leurs camps, et les murs de Laurente. La déesse en ces mots à la nymphe s'adresse : » Oubliant d'un époux l'amour injurieux, » De mon lit profané vous porta dans les cieux. » Eh bien, apprenez donc quel malheur vous menace, » Et n'allez point du sort m'imputer la disgrace : » Autant que l'ont permis les sévères destins » J'ai secouru Turnus et sauvé les Latins; >> Mais c'en est fait, je vois venir l'heure fatale, » Turnus court affronter une lutte inégale, » Mon œil avec effroi voit ce dernier combat. » Vous, protégez des jours si chers à tout l'état: » Si vous osez tenter quelque noble entreprise, » Partez, de tous ses vœux Junon vous favorise; » D'un frère infortuné secourez la valeur, » Peut-être le hasard servira le malheur. » Juturne à ce discours laisse échapper des larmes, Et sa pitié touchante augmente encor ses charmes; Par trois fois elle frappe et meurtrit son beau sein. << Ce n'est point par des pleurs qu'on fléchit le destin: » Partez, lui dit Junon; à ce destin sévère » Hâtez-vous, s'il se peut, d'arracher votre frère; » Ou, d'un fatal traité prevenant les effets, Qu'un stratagème heureux fasse avorter la paix: » Partez, courez, volez, c'est moi qui vous l'ordonne. » Junon s'exprime ainsi, s'éloigne, et l'abandonne Au tumulte orageux de son cœur incertain. Au même instant, le chef de l'empire latin Marche dans tout l'éclat de sa magnificence ; On reconnoît Vulcain, et Vénus à ses charmes ; Près de lui c'est Ascagne, autre espoir des Romains. » Toi, puissant Jupiter; toi, sévère Junon, » Qui vois d'un œil plus doux les malheurs d'Ilion, Jadis mon ennemie, aujourd'hui ma déesse; » Et toi, terrible Mars, à qui ma voix s'adresse ; » Vous tous, ô dieux des eaux, de la terre et des cieux » Si le sort de Turnus fait triompher les vœux, J'en jure ici par vous, dans la cité d'Évandre » Nos dieux seront portés, et sans plus rien prétendre » Ascagne et les Troyens laisseront à jamais » Leurs armes en repos, et ce royaume en paix. » Mais si (puissent les dieux servir notre espérance!) » Le sort pour les Troyens fait pencher la balance, » Je ne réclame point la couronne des rois, →→ Et vaincus et vainqueurs auront les mêmes lois; » Latinus m'admettra dans sa noble famille, » Il recevra mes dieux, me donnera sa fille; » Et bâti par, nos mains un nouvel Ilion >> Du nom de Lavinie empruntera son nom. » Tel parle le premier le héros du Scamandre. Latinus à son tour ainsi se fait entendre, L'œil tourné vers l'olympe et la main sur l'autel : «Par la mer, par la terre, et la voûte du ciel, >> Par Janus aux deux fronts, par Diane et son frère, >> Par le dieu du Tartare et son noir sanctuaire >> Que jamais les mortels n'attestèrent en vain » Par ces feux solennels où je plonge ma main ; |