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de leurs caractères. Parmi ces derniers on remarque un grand nombre de héros descendans des dieux; et leur réunion dans les camps de Turnus est très propre à donner une grande idée de la guerre qui va commencer: ce dénombrement n'est pas moins intéressant par l'agréable mélange des récits que Virgile a tirés tour à tour de l'histoire et de la fable, et qui sont autant de tableaux épisodiques qui distraient le lecteur. Le poëte ne varie pas seulement ses tableaux, mais il varie ses expressions avec un art qu'on ne sauroit trop louer, il emploie quelquefois l'apostrophe, et cette figure anime son récit. L'harmonie imitative vient aussi prodiguer ses merveilles au poëte, et le dernier trait de ce tableau est d'une beauté inimitable.

12) PAGE 92, VERS 7.

Illa vel intactæ segetis per summa volaret
Gramina, nec teneras cursu læsisset aristas :
Vel mare per medium, fluctu suspensa tumenti,
Ferret iter, celeres nec tingeret æquore plantas.

Ces vers, aussi légers que Camille elle-même, sont dans la mémoire de tout le monde : nous nous dispenserons d'en faire sentir les beautés.

Vida, dans son Art poétique, fournit plusieurs exemples de cette harmonie imitative. Pope, dans son poëme de la Critique, a imité le morceau de Camille, autant que la langue anglaise le lui permettoit. Nous en avons plusieurs imitations dans notre langue, mais aucune n'a rendu les beautés de l'original.

Nous n'avons pas besoin de faire remarquer ici que ce

septième livre se termine de la manière la plus heureuse : la guerre est déclarée, ses principaux acteurs sont connus, et c'est la jeune Camille qui ferme la marche de cette foule de demi-dieux et de héros. Ce chant est une très belle introduction aux scènes héroïques que le poëte va décrire : nous n'avons pu en faire voir toutes les beautés; mais nous en avons dit assez pour que ceux mêmes qui ne le connoissent point aient lieu de s'étonner de la sévérité des critiques qui en ont été faites.

Un esprit impartial pourra trouver quelques légers défauts dans l'Eneide; mais les beautés de tout genre y sont semées avec une telle prodigalité que la critique la moins sévère est toujours reçue avec défaveur; et la postérité a fait comme Auguste, qui refusa d'en croire Virgile lui-même lorsqu'il manifestoit des craintes sur le mérite de son ou vrage. Macrobe est le plus acharné des censeurs de l'Eneide ; son livre est presque tombé dans l'oubli, et nous pourrions avec raison lui appliquer cette fable de Boccalini, qui sera peut-être applicable aussi à certains critiques de notre temps: « Un fameux critique, dit Boccalini, ayant ramassé toutes » les fautes d'un poëte célèbre, en fit présent à Apollon; ce » dicu les reçut gracieusement, et résolut de récompenser » l'auteur d'une façon convenable pour la peine qu'il avoit »prise. Dans cette vue, il mit devant lui un monceau de blé » qui n'étoit point vanné; il lui ordonna ensuite de séparer » la paille d'avec le blé, et de la mettre à part. Le critique se » mit à travailler avec beaucoup d'industrie et de plaisir ; après qu'il eut fait la séparation, Apollon lui présenta la >> paille pour sa peine. >>

ARGUMENT

DU LIVRE HUITIÈME.

TURNUS, ayant arboré l'étendard de la

guerre, lève des troupes de tous côtés, et envoie une ambassade au célèbre Diomède, pour l'engager dans la ligue contre les Troyens. Cependant le dieu du Tibre apparoit en songe à Énée, et lui conseille de remonter le fleuve et de se rendre en personne à la cour d'Évandre, qui avoit établi une colonie d'Arcadiens dans le lieu même où Rome fut depuis bâtie. Enée s'embarque; il vogue heureusement, et arrive près de Pallantée, qui étoit la ville d'Évandre. Il est bien reçu, et admis au festin sacré qui ce jour-là se célébroit en l'honneur d'Hercule, et en reconnoissance de ce qu'il avoit délivré le pays d'un terrible fléau, en tuant Cacus. Evandre raconte à Enée le combat d'Hercule contre ce redoutable brigand, fils de Vulcain, qu'il étrangla dans sa caverne. En conduisant Énée à la ville, il lui fait observer sur la route les environs du mont Palatin; il lui raconte à ce sujet des faits singuliers et curieux, et lui explique plusieurs monumens de l'antiquité; ensuite il lui donne quatre cents chevaux, commandés par Pallas, son fils unique, et il lui conseille en même temps d'aller se mettre à la téte des Tyrrhéniens qui, soulevés contre le tyran Mézence qu'ils ont chassé du tróne, viennent d'assembler une armée, et n'attendent qu'un chef expérimente' pour marcher sous ses ordres contre leur puissant ennemi. Énée, ayant donc renvoyé au

camp une partie de ses troupes qui l'avoient escorté dans son voyage à la cour d'Évandre, va joindre, avec le reste, l'armée des Tyrrhéniens. Alors Vénus, qui avoit prié Vulcain son époux de forger pour Enée des armes d'une trempe divine, les apporte elle-même à son fils, entr'autres un bouclier magnifique, ciselé avec un art admirable. Vulcain y avoit exprimé toutes les grandes actions qui devoient un jour illustrer les Romains; l'histoire d'Octave surtout n'y étoit pas oubliée; et la victoire d'Actium, remportée sur Antoine et Cléopâtre, y étoit représentée avec les trois triomphes de l'heureux triumvir, depuis surnommé Auguste.

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LIBER OCTAVUS.

Ur belli signum Laurenti Turnus ab arce

Extulit, et rauco strepuerunt cornua cantu,

Utque acres concussit equos, utque impulit arma;

Extemplò turbati animi; simul omne tumultu

Conjurat trepido Latium, sævitque juventus

Effera. Ductores primi, Messapus, et Ufens,

Contemptorque deûm Mezentius, undique cogunt Auxilia, et latos vastant cultoribus agros.

Mittitur et magni Venulus Diomedis ad urbem, Qui petat auxilium, et Latio consistere Teucros, Advectum Enean classi, victosque Penates Inferre, et fatis regem se dicere posci,

Edoceat, multasque viro se adjungere gentes

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