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ce fut M. Vignon. Instruit que la nécessité d'acquitter quelques dettes contractées par les deux corps pourroit déranger les fonds requis pour l'entretien de l'école, il offrit, avec cette bonne grâce que donne toujours le vrai sentiment, de prêter à la bourse commune une somme assez considérable, et telle enfin qu'elle nous pût mettre en état de pouvoir faire face à tout. La compagnie réunie reçut cette offre comme elle le devoit, mais ne l'accepta qu'après avoir réglé que le remboursement de ce prêt seroit fait sur les premiers deniers qui proviendroient des réceptions dans l'un ou l'autre corps, et par préférence à toute autre destination. Par ce secours, les officiers de l'Académie, rédimés de ce que dans les occurrences semblables leur exercice avoit eu d'onéreux et de décourageant, s'y livrerent avec une assiduité et un zèle extrêmement profitables pour les étudiants. Jamais une si bonne action ne produisit un succès plus sensible et plus satisfaisant.

Ces commencements, si heureux et si avantageux pour l'école, furent bientôt traversés par l'esprit de chicane et de dissension qui se reproduisit de nouveau dans les assemblées. A peine les jurés et leur cabale s'y virent-ils réintégrés, qu'ils reprirent leurs anciens errements. Le rang que l'on avoit eu la foiblesse de leur y céder ne servit, comme les plus sages des nôtres l'avoient bien

prévu et prédit, qu'à leur donner quelques degrés d'arrogance de plus. Pour leur premier exploit, ils imaginèrent de former un incident qui devoit porter sur plusieurs d'entre les plus considérables d'entre nos académiciens, et les rendre en quelque sorte leurs justiciables. C'étoit en allant fouiller dans nos registres des délibérations qu'ils avoient fait la découverte d'un fait qui y étoit inséré comme un titre d'honneur pour plusieurs de nos collègues, sans que jamais l'on eût pu penser qu'à l'égard des autres il pût un jour fournir un titre de persécution. Voici de quoi il s'agit.

L'on peut aisément se rappeler certain engagement que, par une espèce de transport de zèle et de joie, les membres de notre naissante Académie prirent entre eux de la décorer chacun par un morceau de son ouvrage, et se souvenir aussi des peines qu'ils s'étoient galamment imposées euxmêmes, au cas qu'ils manquassent à tenir cet engagement. Plusieurs y satisfirent alors; plusieurs autres s'en dispensèrent. Le manque d'espace à pouvoir contenir tous les ouvrages qui auroient dû y avoir été fournis servit de prétexte à ces derniers pour différer, et de véritable raison à l'Académie pour ne les point presser sur ce point. D'autres soins étoient survenus depuis, et enfin cette affaire étoit tombée comme de soi-même. Voilà pourtant le corps du délit que les jurés se mirent

en tête de poursuivre, et qu'ils poursuivirent en effet avec toute la grossièreté et l'emportement dont ils étoient capables: car, sans s'arrêter à aucune de ces voies d'insinuation et de politesse, qui, dans toute compagnie bien composée, sont re– gardées comme un préalable obligatoire, sans même prévenir le chef de l'Académie sur la démarche qu'ils méditoient de faire, ils dénoncèrent le fait en question en pleine assemblée, avec une emphase et une affectation aussi indécente que méprisable. Ils en parlèrent comme d'une contravention toute des plus graves et des plus répréhensibles. Ils osèrent faire entrevoir dans le défaut de suite de l'engagement mentionné, sinón une sorte de connivence avec les retardants, du moins une longue et forte négligence à les remettre dans le devoir. Ils conclurent à ce qu'il fût pourvu sur le fait dénoncé; qu'il fût statué sur les amendes encourues par les académiciens en demeure, à raison de dix livres par chaque demi-année de retard, conformément audit engagement, et qu'il fût nommé des députés des deux corps pour veiller à l'exécution du tout.

Ceux des académiciens qui, ayant fourni leur morceau dans le temps, étoient comme hors de cause, eurent beau leur représenter combien le manquement qu'ils déféroient à l'assemblée leur paroissoit peu susceptible d'un traitement aussi ri

goureux qu'ils prétendoient qu'on lui infligeât. Ils eurent beau leur en déduire les raisons et leur expliquer l'esprit de l'obligation contractée, ils les trouvèrent butés durement à emporter l'exécution stricte et littérale de l'engagement pris. Surtout l'article des amendes encourues parut leur tenir fortement à cœur, ils y voyoient une sorte d'humiliation pour plusieurs académiciens illustres, et, fiers de les tenir ainsi sous leur censure, ils triomphoient de ce méprisable avantage comme d'une victoire signalée. Jamais l'on ne vit rien de plus choquant et de plus odieux.

Mais ce fut tout ce bas acharnement même de leur part qui, pour cette fois, donna à l'Académie le courage nécessaire pour leur résister en face, et soutenir vigoureusement le parti de la raison. Ainsi, sans disconvenir du principe que l'engagement contracté devoit ressortir son plein effet, elle vota que les académiciens en demeure d'y satisfaire y seroient exhortés civilement par les députés qui alloient être nommés pour cet effet. Elle éluda avec une modeste indignation le point des amendes, comme peu compatible avec cet esprit de fraternité et de douceur qui devoit surtout signaler ces premiers jours de réconciliation. Elle s'en remit au surplus aux assemblées générales pour agir, en cas d'inexécution de cet arrêté, soit par refus, délais abusifs ou autrement, et y or

donner alors les peines convenables, déclarant en même temps être bien assurée qu'elle n'auroit jamais besoin d'en venir à cette extrémité. La sagesse de cet avis fit qu'il passa tout d'une voix. L'on nomma ensuite des députés que l'on eut attention de choisir dans ce que nous avions de sujets le plus distingués par leur modération et leur politesse. Ainsi se termina cette affaire, entamée avec tant de fracas, sans qu'il en revînt rien à ses instigateurs que la honte de s'être dévoilés si infructueusement

Conformément à leurs principes ordinaires, ils se firent un point d'honneur de ne se pas tenir pour bien éconduits, et, sans montrer aucun égard pour une décision si solemnelle, de pousser leur entreprise jusqu'où ils s'étoient flattés de la porter en la formant. Il n'étoit pas possible qu'ils se livrassent à de pareilles fougues sans tomber dans de grandes irrégularités. Cette circonstance en fournit un nouvel exemple; car, sous prétexte de vouloir procurer l'observation exacte du dernier arrêté, dont ils s'arrogeoient ainsi, en premier lieu, la connoissance, sans aucune sorte de pouvoir, ils débutèrent, dans un fait de simple discipline après tout, par une contravention des plus formelles à la loi constitutive de la jonction. De nouveau ils s'assemblent séparément, mais en grand secret, et arrêtent entre eux que, faute par

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