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Élise. Mais que ne tâchez-vous aussi à gagner l'appui de mon frère, en cas que la servante s'avisât de révéler notre secret?

Valère. On ne peut pas ménager l'un et l'autre; et l'esprit du père et celui du fils sont des choses si opposées, qu'il est difficile d'accommoder ces deux confidences ensemble. Mais vous, de votre part, agissez auprès de votre frère, et servez-vous de l'amitié qui est entre vous deux, pour le jeter dans nos intérêts. Il vient. Je me retire. Prenez ce temps pour lui parler, et ne lui découvrez de notre affaire que ce que vous jugerez à propos.

Elise. Je ne sais si j'aurai la force de lui faire cette confidence.

SCÈNE II.

Cléante. Élise.

Cléante. Je suis bien aise de vous trouver seule, ma sœur; et je brûlais de vous parler, pour m'ouvrir à vous d'un secret.

ne veut rien écouter, et je vous prie de ne me point faire de remontrances. Elise. Vous êtes-vous engagé, mon frère, avec celle que vous aimez?

Cléante. Non; mais j'y suis résolu, et je vous conjure, encore une fois, de ne me point apporter des raisons pour m'en dissuader.

Elise. Suis-je, mon frère, une si étrange personne?

Cléante. Non, ma sœur; mais vous n'aimez pas. Vous ignorez la douce violence qu'un tendre amour fait sur nos cœurs, et j'appréhende votre sagesse.

Elise. Hélas! mon frère, ne parlons point de ma sagesse. Il n'est personne qui n'en manque, du moins une fois en sa vie; et, si je vous ouvre mon cœur, peut-être serai-je à vos yeux bien moins sage que vous.

Cléante. Ah! plût au ciel que votre âme, comme la mienne ...

Elise. Finissons auparavant votre affaire, et me dites qui est celle que vous aimez.

Elise. Me voilà prête à vous ouïr, Cléante. Une jeune personne qui loge mon frère. Qu'avez-vous à me dire? depuis peu en ces quartiers, et qui semble Cléante. Bien des choses, ma sœur, être faite pour donner de l'amour à tous enveloppées dans un mot. J'aime. ceux qui la voient. La nature, ma sœur, Elise. Vous aimez? n'a rien formé de plus aimable, et je Cléante. Oui, j'aime. Mais, avant Mais, avant me sentis transporté dès le moment que que d'aller plus loin, je sais que je dé-je la vis. Elle se nomme Mariane, et pends d'un père, et que le nom de fils vit sous la conduite d'une bonne femme me soumet à ses volontés; que nous de mère qui est presque toujours mane devons point engager notre foi sans lade, et pour qui cette aimable fille a le consentement de ceux dont nous te- des sentiments d'amitié qui ne sont pas nons le jour; que le ciel les a faits les imaginables. Elle la sert, la plaint et maîtres de nos vœux, et qu'il nous est la console avec une tendresse qui vous enjoint de n'en disposer que par leur toucherait l'âme. Elle se prend d'un conduite;' que, n'étant prévenus d'au- air le plus charmant du monde aux cune folle ardeur, ils sont en état de choses qu'elle fait, et l'on voit briller se tromper bien moins que nous, et de mille grâces en toutes ses actions, une voir beaucoup mieux ce qui nous est douceur pleine d'attraits, une bonté propre; qu'il en faut plutôt croire les tout engageante, une honnêteté adolumières de leur prudence que l'aveugle- rable, une... Ah! ma sœur, je voument de notre passion, et que l'emporte- drais que vous l'eussiez vue! ment de la jeunesse nous entraîne le plus souvent dans les précipices fàcheux. Je vous dis tout cela, ma sœur, afin que vous ne vous donniez pas la peine de me le dire; car enfin mon amour

1 Direction. Cfr. Et. III, 5; Am. magn. III, 1.

Elise. J'en vois beaucoup, mon frère, dans les choses que vous me dites; et, pour comprendre ce qu'elle est, il me suffit que vous l'aimez.

1 Molière emploie souvent un, une avec un substantif déterminé par un superlatif.

Cléante. J'ai découvert, sous main, qu'elles ne sont pas fort accommodées,' et que leur discrète conduite a de la peine à étendre à tous leurs besoins le bien qu'elles peuvent avoir. Figurezvous, ma sœur, quelle joie ce peut être que de relever la fortune d'une personne que l'on aime, que de donner adroitement quelques petits secours aux modestes nécessités d'une vertueuse famille; et concevez quel déplaisir ce m'est de voir que, par l'avarice d'un père, je sois dans l'impuissance de goûter cette joie, et de faire éclater à cette belle aucun témoignage de mon amour. Elise. Oui, je conçois assez, mon frère, quel doit être votre chagrin.

Cléante. Ah! ma sœur, il est plus grand qu'on ne peut croire. Car enfin peut-on rien voir de plus cruel que cette rigoureuse épargne qu'on exerce sur nous, que cette sécheresse étrange où l'on nous fait languir? Hé! que nous servira d'avoir du bien, s'il ne nous vient que dans le temps que nous ne serions plus dans le bel âge d'en jouir; et si, pour m'entretenir même, il faut que maintenant je m'engage de tous côtés, si je suis réduit avec vous à chercher tous les jours le secours des marchands pour avoir moyen de porter des habits raisonnables? Enfin, j'ai voulu vous parler pour m'aider à sonder mon père sur les sentiments où je suis, et, si je l'y trouve contraire, j'ai résolu d'aller en d'autres lieux, avec cette aimable personne, jouir de la fortune que le ciel voudra nous offrir. Je fais chercher partout, pour ce dessein, de l'argent à emprunter, et, si vos affaires, ma sœur, sont semblables aux miennes, et qu'il faille que notre père s'oppose à nos désirs, nous le quitterons là tous deux, et nous affranchirons de cette tyrannie où nous tient, depuis si longtemps, son avarice insupportable.

Elise. Il est bien vrai que tous les jours il nous donne de plus en plus sujet de regretter la mort de notre mère, et que

nous un peu pour achever notre confidence, et nous joindrons, après, nos forces pour venir attaquer la dureté de son humeur.

SCÈNE III.

Harpagon, La Flèche.

Harpagon. Hors d'ici tout-à-l'heure,' et qu'on ne réplique pas. Allons, que l'on détale de chez moi, maître juré filou, vrai gibier de potence!

La Flèche (a part). Je n'ai jamais rien vu de si méchant que ce maudit vieillard, et je pense, sauf correction, qu'il a le diable au corps.

Harpagon. Tu murmures entre tes

dents?

La Flèche. Pourquoi me chassezvous?

Harpagon. C'est bien à toi, pendard, à me demander des raisons! Sors vite, que je ne t'assomme.

La Flèche. Qu'est-ce que je vous ai fait?

Harpagon. Tu m'as fait, que je veux que tu sortes.

La Flèche. Mon maître, votre fils, m'a donné ordre de l'attendre.

Harpagon. Va-t'en l'attendre dans la rue, et ne sois point dans ma maison, planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe, et faire ton profit de tout. Je ne veux point voir sans cesse devant moi un espion de mes affaires, un traître, dont les yeux maudits assiègent toutes mes actions, dévorent ce que je possède, et furètent de tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler.

La Flèche. Comment diantre voulezvous qu'on fasse pour vous voler? Êtesvous un homme volable, quand vous renfermez toutes choses et faites sentinelle jour et nuit?

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2 Tout à l'heure signifie aujourd'hui: dans un

Cléante. J'entends sa voix. Éloignons- moment, il n'y a qu'un moment; un écrivain moderne

1 Accommodées des biens de la fortune, à l'aise. Cfr.

Am. magu. I, 6, incommodé, Pascal, 8e prov. 1 Pour que notre mère soit morte.

dirait

sur l'heure, sur-le-champ, etc. Cfr. l'Avare IV, 3.

1 Pour ne voilà-t-il pas. La langue moderne a perdu le sentiment de la valeur verbale des mots voici, voilà.

ce qu'on fait! Je tremble qu'il n'ait soupçonné quelque chose de mon argent. Ne serais-tu point homme à faire courir le bruit que j'ai chez moi de l'argent caché?

La Flèche. Vous avez de l'argent caché?

Harpagon. Non, coquin, je ne dis pas cela. (Bas.) J'enrage! (Haut.) Je demande si malicieusement tu n'irais point faire courir le bruit que j'en ai. La Flèche. Hé! que nous importe que vous en ayez ou que vous n'en ayez pas, si c'est pour nous la même chose?

Harpagon (levant la main pour donner un soufflet à La Flèche). Tu fais le raisonneur! Je te baillerai' de ce raisonnement-ci par les oreilles. Sors d'ici, encore une fois.

La Flèche. Hé bien! je sors. Harpagon. Attends. Ne m'emportes-tu rien?

La Flèche. Que vous emporterais-je? Harpagon. Tiens, viens ça, que je voie. Montre-moi tes mains.

La Flèche. Les voilà.
Harpagon. Les autres.
La Flèche. Les autres?
Harpagon. Oui.

La Flèche. Les voilà.
Harpagon. N'as-tu rien mis ici dedans?
La Flèche. Voyez vous-même.

Harpagon (tâtant le bas des hauts-de-chausses de La Flèche). Ces grands hauts-dechausses sont propres à devenir les receleurs des choses qu'on dérobe, et je voudrais qu'on en eût fait pendre quelqu'un.

La Flèche. Ah! qu'un homme comme cela mériterait bien ce qu'il craint! et que j'aurais de joie à le voler! Harpagon. He?

La Flèche. Quoi? Harpagon. Qu'est-ce que tu parles de voler?

La Flèche. Je dis que vous fouillez bien partout pour voir si je vous ai volé. Harpagon. C'est ce que je veux faire. (Harpagon fouille dans les poches de La Flèche.) La Flèche. La peste soit de l'avarice et des avaricieux!

1 Archaïsme, donnerai.

Harpagon. Comment? que dis-tu? La Flèche. Ce que je dis? Harpagon. Oui. Qu'est-ce que tu dis d'avarice et d'avaricieux?

La Flèche. Je dis que la peste soit de l'avarice et des avaricieux.

Harpagon. De qui veux-tu parler? La Flèche. Des avaricieux. Harpagon. Et qui sont-ils, ces avaricieux?

La Flèche. Des vilains et des ladres. Harpagon. Mais qui est-ce que tu entends par-là?

La Flèche. De quoi vous mettez-vous en peine?

Harpagon. Je me mets en peine de ce qu'il faut.

La Flèche. Est-ce que vous croyez que je veux parler de vous?

Harpagon. Je crois ce que je crois; mais je veux que tu me dises à qui tu parles quand tu dis cela.

La Flèche. Je parle... Je parle à mon bonnet.

Harpagon. Et moi, je pourrais bien parler à ta barrette.1

La Flèche. M'empêcherez-vous de

maudire les avaricieux?

Harpagon. Non; mais je t'empêcherai de jaser et d'être insolent. Tais-toi. La Flèche. Je ne nomme personne. Harpagon. Je te rosserai, si tu parles. La Flèche. Qui se sent morveux, qu'il se mouche.

2

Harpagon. Te tairas-tu?
La Flèche. Oui, malgré moi.
Harpagon. Ah! ah!

La Flèche (montrant à Harpagon une poche de son juste-au-corps). Tenez, voilà encore une poche. Êtes-vous satisfait?

Harpagon. Allons, rends-le-moi sans te fouiller.

La Flèche. Quoi?

Harpagon. Ce que tu m'as pris. La Flèche. Je ne vous ai rien pris du tout.

Harpagon. Assurément?

La Flèche. Assurément. Harpagon. Adieu. Va-t'en à tous les diables!

1 Phrase proverbiale qui signifie parler sans ménagement à qqn., porter la main sur lui, le frapper à la tête. 2 On dit aujourd'hui qui se sent morveux se mouche.

La Flèche. Me voilà bien congédié! Harpagon. Je te le mets sur la conscience au moins.

SCÈNE IV.

Harpagon, seul.

Voilà un pendard de valet qui m'incommode fort, et je ne me plais point à voir ce chien de boiteux-là. Certes, ce n'est pas une petite peine que de garder chez soi une grande somme d'argent; et bien heureux qui a tout son fait bien placé, et ne conserve seulement que ce qu'il faut pour sa dépense. On n'est pas peu embarrassé à inventer dans toute une maison une cache fidèle; car, pour moi, les coffresforts me sont suspects, et je ne veux jamais m'y fier; je les tiens justement une franche amorce à voleurs, et c'est toujours la première chose que l'on va attaquer.

SCÈNE V.

Harpagon, Élise et Cléante. Harpagon (se croyant seul). Cependant je ne sais si j'aurai bien fait d'avoir enterré dans mon jardin dix mille écus qu'on me rendit hier. Dix mille écus en or, chez soi, est une somme assez ... (A part, apercevant Élise et Cléante.) O ciel! je me serai trahi moi-même; la chaleur m'aura emporté, et je crois que j'ai parlé haut, en raisonnant tout seul. (4 Cleante et à Elise.) Qu'est-ce?

Cléante. Rien, mon père. Harpagon. Y a-t-il longtemps que vous êtes là?

Elise. Nous ne venons que d'arriver.
Harpagon. Vous avez entendu...
Cléante. Quoi, mon père?
Harpagon. Là...
Élise. Quoi?

Harpagon. Ce que je viens de dire.
Cléante. Non.

Harpagon. Si fait, si fait.

Elise. Pardonnez-moi. Harpagon. Je vois bien que vous en avez ouï quelques mots. C'est que je m'entretenais en moi-même de la peine qu'il y a aujourd'hui à trouver de l'argent, et je disais qu'il est bien heureux qui peut avoir dix mille écus chez soi.

Cléante. Nous feignions1 à Vous aborder, de peur de vous interrompre.

Harpagon. Je suis bien aise de vous dire cela, afin que vous n'alliez pas prendre les choses de travers, et vous imaginer que je dise que c'est moi qui ai dix mille écus.

Cléante. Nous n'entrons point dans vos affaires.

Harpagon. Plût à Dieu que je les eusse, les dix mille écus!

Cléante. Je ne crois pas ... Harpagon. Ce serait une bonne affaire pour moi.

Elise. Ce sont des choses... Harpagon. J'en aurais bon besoin. Cléante. Je pense que...

Harpagon. Cela m'accommoderait fort. Elise. Vous êtes

Harpagon. Et je ne me plaindrais pas, comme je fais, que le temps est miserable.

Cléante. Mon Dieu! mon père, vous n'avez pas lieu de vous plaindre, - et l'on sait que vous avez assez de bien.

Harpagon. Comment! j'ai assez de bien? Ceux qui le disent en ont menti. Il n'y a rien de plus faux, et ce sont des coquins qui font courir tous ces bruits-là.

Elise. Ne vous mettez point en co

lère.

Harpagon. Cela est étrange, que mes propres enfants me trahissent, et deviennent mes ennemis!

Cléante. Est-ce être votre ennemi, que de dire que vous avez du bien?

Harpagon. Oui. De pareils discours, et les dépenses que vous faites, seront cause qu'un de ces jours on me viendra chez moi couper la gorge, dans la pensée que je suis tout cousu de pistoles.

Cléante. Quelle grande dépense estce que je fais?

Harpagon. Quelle? Est-il rien de plus scandaleux que ce somptueux équipage que vous promenez par la ville? Je querellais hier votre sœur; mais c'est encore pis. Voilà qui crie vengeance au ciel, et, à vous prendre depuis les pieds jusqu'à la tête, il y aurait là de quoi faire une bonne constitu

1 Feindre dans son acception primitive: hésiter.

tion.' Je vous l'ai dit vingt fois, mon fils: toutes vos manières me déplaisent fort, vous donnez furieusement dans le marquis, et pour aller ainsi vêtu, il faut bien que vous me dérobiez.

Cléante. Hé! comment vous dérober? Harpagon. Que sais-je, moi? Ой pouvez-vous donc prendre de quoi entretenir l'état que vous portez?

⚫ Cléante. Moi, mon père? c'est que je joue, et comme je suis fort heureux, je mets sur moi tout l'argent que je gagne. Harpagon. C'est fort mal faire. Si Vous êtes heureux au jeu, vous en devriez profiter, et mettre à honnête intérêt l'argent que vous gagnez, afin de le trouver un jour. Je voudrais bien savoir, sans parler du reste, à quoi servent tous ces rubans dont vous voilà lardé depuis les pieds jusqu'à la tête, et si une demi-douzaine d'aiguillettes ne suffit pas pour attacher un haut-dechausses. Il est bien nécessaire d'employer de l'argent à des perruques, lorsque l'on peut porter des cheveux de son crû, qui ne coûtent rien! Je vais gager qu'en perruques et rubans il y a du moins vingt pistoles, et vingt pistoles rapportent par année dix-huit livres six sous huit deniers, à ne les placer qu'au denier douze.3

Cléante. Vous avez raison.

Harpagon. Laissons cela, et parlons d'autres affaires. Hé! (Bas, à part.) Je crois qu'ils se font signe l'un à l'autre de me voler ma bourse. (Haut.) Que veulent dire ces gestes-là?

Elise. Nous marchandons, mon frère et moi, à qui parlera le premier, et nous avons tous deux quelque chose à vous dire.

Harpagon. Et moi, j'ai quelque chose aussi à vous dire à tous deux.

Cléante. C'est de mariage, mon père, que nous désirons vous parler.

1 Rente; encore en usage comme terme de jurisprudence.

2 Etat est ici pour mise, qui, soit dit en passant, est en ce sens, un néologisme du dernier quart du 18e siècle. On dirait plutôt aujourd'hui mener un train.

3 Prêter au denier douze, au denier vingt, au denier trente, etc., c'est-à-dire que le produit annuel de la chose qu'on prête est le 12e, le 20e, le 30e, etc., de sa valeur. Ainsi notre prêter à 5% équivaut à prêter au denier vingt, etc.

Harpagon. Et c'est de mariage aussi que je veux vous entretenir. Elise. Ah! mon père.

Harpagon. Pourquoi ce cri? Est-ce le mot, ma fille, ou la chose qui vous fait peur?

Cléante. Le mariage peut nous faire peur à tous deux de la façon que vous pouvez l'entendre, et nous craignons que nos sentiments ne soient pas d'accord avec votre choix.

Harpagon. Un peu de patience. Ne vous alarmez point. Je sais ce qu'il faut à tous deux, et vous n'aurez ni l'un ni l'autre aucun lieu de vous plaindre de tout ce que je prétends faire; et pour commencer par un bout, avezvous vu, dites-moi, une jeune personne appelée Mariane, qui ne loge pas loin d'ici?

Cléante. Oui, mon père.
Harpagon. Et vous?

Elise. J'en ai ouï parler. Harpagon. Comment, mon fils, trouvez-vous cette fille?

Cléante. Une fort charmante personne.
Harpagon. Sa physionomie?

Cléante. Tout honnête et pleine d'esprit.

Harpagon. Son air et sa manière? Cléante. Admirables, sans doute. Harpagon. Ne croyez-vous pas qu'une fille comme cela mériterait assez que l'on songeât à elle?

Cléante. Oui, mon père.

Harpagon. Que ce serait un parti souhaitable?

Cléante. Très souhaitable. Harpagon. Qu'elle a toute la mine de faire un bon ménage?

Cléante. Sans doute.

Harpagon. Et qu'un mari aurait satisfaction avec elle?

Cléante. Assurément.

Harpagon. Il y a une petite difficulté: c'est que j'ai peur qu'il n'y ait pas, avec elle, tout le bien qu'on pourrait prétendre.

Cléante. Ah, mon père, le bien n'est pas considérable,' lorsqu'il est question d'épouser une honnête personne.

1 Considérable ne s'emploie plus en ce sens, on dit à considérer, prendre, faire entrer en

considération etc.

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