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ques auprès des fossez de la ville de Réthel. Et environ l'heure de soleil levant soudainement assailli très roidement ladicte ville, voulant icelle prendre et piller du tout. Mais les habitans avoient esté du tout avertis de la venue d'iceulx, et pour eulx défendre s'estoient préparez le plus diligemment qu'ilz avoient peu. Néantmoins l'assault dura par très longue espace fort dur et merveilleux, et tant que d'un parti que d'autre y eut plusieurs hommes mors et navrez. Lors ledit messire Clugnet de Brabant, voiant la défense d'iceulx, lui sembla impossible d'entrer dedens. Si fist sonner la retraite et se tira avecques tous les siens aux champs, en reportant ou traynant avec eulx les mors et navrez. Et là départi ses gens en deux compaignies, dont les ungs s'en alèrent devers le pays de Laonnois, à Coucy et Chauny, en prenant et menant avecques eulx tous ceulx qu'ilz pourroient actaindre, tant prisonniers comme autres biens; et l'autre compaignie s'en retourna par l'Empire et par la conté de Guise, en passant parmy Cambrésis, et amenant devant eulx comme les autres, tout ce qu'ilz povoient trouver. Et par espécial amenèrent grant multitude de bestail, à tout lequel ilz retournèrent à la ville de Hem sur Somme et en leurs autres garnisons.

Après, quant ilz furent retournez et qu'ils se furent reposez environ huit jours, de rechef se mirent sus, bien six mille combatans, lesquelz prindrent leur chemin pour entrer ou pays d'Artois, et de fait alèrent jusques devant la ville de Bapaumes, appartenant au duc de Bourgongne, et de première venue prindrent les barrières et alèrent, jusques près de la porte, où ilz livrèrent une très dure escarmouche. Mais le sei

gneur de Heilly, messire Hue de Bossut, le seigneur d'Anceulles et autres vaillans hommes d'armes qui estoient dedens ladicte ville de par le duc de Bourgongne, saillirent à l'encontre d'iceulx et les reboutèrent hors desdictes barrières. Et là y furent faictes très grandes apertises d'armes, et moult y eut de mors et de navrez de chascune partie. Mais en la fin convint que les Bourguignons se rentrassent dedens, pour ce que les Orléanois estoient très puissans et en trop grant nombre. Après laquelle besongne lesdiz Orléanois se retrairent et acueillirent grans proies sur pays, à tout lesquelles s'en retournèrent en ladicte ville de Hem.

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Durant lequel temps, les ambaxadeurs du roy de France, c'estassavoir messire Jaques de Chastillon, admiral, et autres, qui traictèrent à Loliguen', ou pays de Boulenois, les trèves avec les légaulx du roy d'Angleterre durans un an entre les deux royaumes, par mer et par terre.

Et pendant que ces besongnes se faisoient, le duc de Berry vint un certain jour de Meleun à Corbueil avecques la royne de France. Duquel lieu de Corbueil il envoya Loys de Bavière à Paris, devers le duc d'Acquitaine et ceulx qui gouvernoient le Roy, et aussi aux bouchers, eulx prier qn'il leur pleust estre content qu'il peust venir avecques la Royne audit lieu de Paris, en son hostel de Neelle, emprès le Roy son nepveu, actendu qu'il ne se vouloit entremectre de la guerre de costé ne d'autre d'entre les deux ducs

1. Lelinghen, entre Boulogne et Calais. On a déjà vu que c'était le lieu habituel des conférences.

d'Orléans et de Bourgongne. Laquelle requeste ne lui fut point accordée, principalement par les bouchers de Paris et autres de la communaulté qui avoient grant audience. Mais tout au contraire, afin qu'il n'eust espérance de y plus venir, rompirent tous les huis et fenestres de sondit hostel de Neelle et y firent plusieurs desroys. Et après renvoièrent vers ladicte Royne, son frère dessusdit, et lui mandèrent qu'elle venist sans targer demourer à Paris avec le Roy son seigneur, et que elle n'amenast pas avec elle le duc de Berry'.

En oultre, iceulx Parisiens, afin que le Roy et le duc d'Acquitaine ne feussent envoiez hors de ladicte ville de Paris, les firent partir dudit hostel de Saint-Pol et aler demourer au Louvre. Et là avoient continuellement, jour et nuit, plusieurs, grans doubtes que par aucuns de la partie d'Orléans ne feussent soubstraiz et emmenez. Et adonques, la Royne, oiant par son frère le commandement que lui faisoient les dessusdiz, doubtant leurs commocions, se parti dudit lieu de Corbueil et s'en retourna audit lieu de Meleun, avec ledit duc de Berry, et son frère en sa compaignie. Et tantost après les Parisiens se mirent en armes à grant puissance et alèrent à Corbucil; si prindrent la ville et y mirent garnison. Et après rompirent tous les pons qui estoient sur Seine, depuis Charenton jusques à Meleun, afin que les Orléannois ne passassent la ri– vière pour venir en l'Isle de France. Et lors ladicte Royne et le duc de Berry, estans oudit lieu de Meleun

1. Le 19 août 1411, le duc de Berri se plaint au parlement de la mauvaise volonté des Parisiens à son égard. Nouvelles plaintes le 13 octobre. Voy. nos Pièces justificatives.

et avecques eulx le conte Waleran de Saint-Pol qui y avoit esté envoyé, le mareschal de Bouciquault, le maistre des arbalestriers et le Grant maistre d'hostel, vindrent devers eulx à peu de mesgnée le duc de Bourbon et le conte d'Alençon, qui venoient de Vermendois et de Beauvoisis pour aler au duc d'Orléans qui faisoit son assemblée de gens d'armes en Gastinois. Lesquelz deux requirent à ladicte Royne et au duc de Berry aide contre le duc de Bourgongne. Laquelle requeste ne leur fut point adonc accordée, pour ce que le Roy avoit de nouvel fait ung édict à Paris, en plein conseil ouquel présidoit le duc d'Acquitaine, avec lui plusieurs autres. Et est assavoir qu'il fut or- . donné que on envoieroit par tous les bailliages et seneschaulciés du royaume certains mandemens royaulx par lesquelz fut signifié à tous nobles et autres, de quelque estat qu'ilz feussent, qui avoient acoustumé de eulx armer, se meissent sus pour aler servir le Roy en la compaignie du duc Jehan de Bourgongne et lui aider à combatre et bouter hors les ennemis et inobédiens du Roy, en commandant que à lui comme au Roy obéissent en tous ses afaires; et aussi que toutes bonnes villes, citez et passages lui soient ouvers et lui facent confort et aide de vivres, habillemens de guerre et autres ses neccessitez, pareillement comme si le Roy y estoit en propre personne. Après lesquelz mandemens publiez et proclamez comme dit est, très grant nombre de gens se prestèrent en toute diligence pour aler servir ledit duc. Et d'autre part ledit duc d'Acquitaine lui escripvi ses lectres signées de sa main, par lesquelles il lui mandoit que à tout la plus grant partie de gens qu'il pourroit finer, le vint servir en

propre personne contre son cousin germain, le duc d'Orléans et ses aliez, lesquelz, comme il lui escripvoit, dégastoient le royaume en plusieurs et divers lieux, et qu'il se tirast le plus brief qu'il pourroit devers Senlis et en l'Isle de France.

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CHAPITRE LXXVIII.

Comment le duc Jehan de Bourgongne fist grant assemblée de gens d'armes et ala asséger la ville de Hem en Vermendois.

Item, après ce que le duc Jehan de Bourgongne fut véritablement acertené comment le duc d'Orléans et ses aliez se mectoient sus à grant puissance pour lui venir courir sus en ses pays, et que déjà avoit assis ses garnisons en plusieurs lieux, villes et fortresses appartenans à lui et aux siens, et aussi que icelles garnisons avoient couru et fait grant dommage en ses pays et de ceulx qui tenoient son party, il ne fut de ce point bien content. Et pour à ce résister, manda en tous ses pays, tant en Bourgongne, Flandres et Artois, comme ailleurs, tous les nobles et autres qui se avoient acoustumé d'armer, à venir devers lui le plus hastivement que faire se pourroit, très bien armez et habillez, prestz pour aler en sa compaignie au mandement du Roy pour rebouter ses ennemis et adversaires. Et d'autre part, fist requeste à ses bonnes villes du pays. de Flandres qu'ilz le voulsissent servir à puissance en icelle exercite. Lesquelles villes lui accordèrent assez libéralement, et se mirent sus bien jusques au nombre de quarante à cinquante mille hommes, très bien armez, et embastonnez selon la coustume du pays. Et

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