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encore abusé. Ils l'ont eschauffé dans la poursuite de la descouuerte de cette entreprise et luy ont fait faire en public des contenances indignes de son Sang et de la mémoire de ses grandes actions, en le préoccupant des accidents tragiques qui enuironnent les grands hommes et qui se sont rencontrez si ordinairement en sa Maison. Enfin ils l'ont ietté dans la pensée de ce Tyran qui se plaignoit de la misérable condition des Princes dont on ne croit qu'à la mort seulement en matière de coniurations.

Si le mespris dont il nous a traitté, nous a donné suiet de désirer qu'il fust humilié, ce n'estoit point de la sorte ou du moins par le Cardinal Mazarin, qui ne peut estre que mauuais gardien d'vn dépost si cher à l'Estat et qu'il n'est pas permis d'abandonner à la discrétion de l'ennemy commun, mais d'vn ennemy timide et lasche qui ne peut auoir que de mauuaises nuits, des songes terribles et de fascheux réueils, tant qu'il aura dans l'esprit ce qu'vn Pape de sa nation mandoit à vn Roy de Sicile vita Caroli mors Conradini. Nous frémissons d'horreur quand nous voyons le Prince de Condé tout prest d'estre la victime d'vn estranger nourry dans cette pernicieuse maxime, et quand nous le voyons en estat de préférer vne vie infasme à vne vie glorieuse et vn sang venimeux à celuy du plus illustre des Bourbons, et enfin quand nous entrons en comparaison d'vn Prince du sang Royal sorty de nos Maistres et qui peut estre vn iour l'ancestre de nos Roys, auec vn homme condamné par la voix de tous les François et de tout le monde et que nous ne pouuons absoudre sans nous déclarer responsables de la playe dangereuse que nous auons faite à l'Estat pour arracher de ses mains la Couronne du Roy dont il faisoit vn bouclier à sa fortune.

Les déportemens du Prince de Condé ne nous ont pas aliénez de telle sorte que nous ayons iuré sa perte. Nous ne faisons pas tant d'estat de la vie qu'il nous auroit peu faire perdre iniustement, que de nostre honneur qui est la seule chose que nous ayons en nostre pouuoir; et l'on ne nous peut faire de plus sensible iniure que de nous croire d'intelligence auec le Cardinal Mazarin contre luy et mesme de penser que nous soyons ses amis ny les participans de son crédit. Nous ne nous excuserions iamais de nous rendre irréconciliables à vn Prince de nostre nation pour des actions d'imprudence qui n'ont point réussi, et de nous vnir d'intérest et d'amitié auec vn Italien qui nous a entrepris ouuertement avec toutes les forces du Royaume et qui a mis en vsage toutes sortes de trahisons pour nous faire périr dans des prisons ou par des supplices infasmes dont il nous a menacez. Nous ne voulons pas mesmes douter qu'il nous eust perdus si la supposition du prétendu assassinat eust préualu sur nostre innocence', et qu'il luy estoit indifférent lequel fust péry le premier, ou du party de ce Prince contre lequel il coniuroit secrètement, ou de celuy du Parlement et des Frondeurs dont il estoit l'ennemy déclaré. Semblable à ce Romain incertain du succez de la guerre d'Auguste et d'Antoine, qui instruisoit diuersement deux perroquets pour le retour glorieux de l'vn ou de l'autre des deux prétendans à l'Empire. Il préparoit publiquement vn foudre pour les Frondeurs prests à succomber,

Le prince de Condé avait accusé le duc de Beaufort, le Coadjuteur et le conseiller Broussel d'avoir formé un complot pour l'assassiner. Causes de récusation contre M. le Premier Président, etc. [656]. Requête de MM. le Duc de Beaufort, le Coadiuteur et Broussel à Nos Seigneurs du Parlement [3479].

et méditoit couuertement ce monument infasme de sa perfidie qui a éclaté le lendemain de la détention du Prince, et tout basty des ruines de ses trophées qu'il a démolis iniurieusement, pour nous faire perdre l'estime de ses conquestes qu'il se prépare d'exposer aux inuasions de l'ennemy pour l'occuper, tandis qu'il poursuiura la ruine de ce Prince infortuné et de toute sa Maison.

Nous déclarons hautement que nous n'auons aucune part en tous ses malheureux desseins et que nous sommes plus prests de nous y opposer que d'y applaudir, puisque ce seroit consentir à la ruine de l'Estat et commettre la fortune de tous les François auec celle de ce mauuais estranger. Nous y sommes d'autant plus obligez que nous voyons que le vulgaire ignorant suit aueuglément les intentions des ennemis du Prince de Condé et qu'il nous donne la gloire d'vne entreprise que les autres ont horreur de s'approprier et dont ils veulent estre en estat de la pouuoir vanger sur nous si leur politique eschouée aux portes de Bellegarde ou de Stenay1 les oblige à se réconcilier avec luy. Nous ne sommes pas si peu prudens que nous ne sçachions bien que tout s'entreprend au nom de la Fronde et que l'on ose des choses peut-estre impossibles pour la rendre garante de tous les mauuais succez et pour profiter contre elle de tous les auantages qui en pourroient réussir, et enfin que la conduite du Cardinal Mazarin et de ses affidez tend à nous engager de sorte qu'il soit en mesme temps puissant sur la vie du Prince et sur nostre salut.

La garnison de Bellegarde avait obtenu de sortir de la place avec armes et bagages; et son commandant, le comte de Montmorency-Boutteville, depuis maréchal de Luxembourg, avait rejoint la duchesse de Longueville à Stenay.

Il a fait semblant de fuir 1, afin d'auoir suiet, à son retour, s'il est aussi heureux qu'il se promet, de rentrer en triomphe et de nous perdre publiquement en nous accusant de l'auoir poursuiuy; sinon, il nous chargera de l'auoir obligé à des résolutions extrauagantes et se plaindra de n'auoir esté que l'exécuteur de nos conseils; si bien que nostre vie, nostre honneur et nostre réputation seront en sa main et qu'il luy sera mesme facile d'engager contre nous à mesme temps ce mesme peuple qui chante si folement les victoires de la Fronde, et toutes les personnes de qualité qui gémissent et qui pastissent en leur honneur de la prison de Messieurs les Princes et de la honte de l'Estat, demeuré au pouuoir d'vn Ministre ridicule et deuenu enragé dans les embrassemens d'vne fortune qui tarde trop à l'estouffer.

Nous protestons que c'est auec vn extresme regret que nous voyons la légèreté du petit peuple ou des petits esprits de déclamer contre des personnes d'vne condition si recommandable et nous louer d'vn attentat et d'vne intelligence auec le Cardinal Mazarin contre les lois du Royaume et contre les respects que nous deuons au sang Royal, que nous abhorrons par toutes sortes de raisons et qui destruit la plus belle action du règne présent. C'est la Déclaration d'Octobre mil six cens quarante-huit, où nous tenons à si grand honneur d'auoir contribué qu'il n'y a que nos ennemis capitaux qui puissent dire que nous soyons si perdus d'esprit et de sens que de consentir qu'elle soit violée en son plus noble article, et

Le cardinal Mazarin n'a quitté le ministère et Paris que le 6 février 1651. Je ne sais donc pas ce que veut dire ici le Coadjuteur, à moins qu'il ne prenne le voyage de Guienne pour une fuite; ce qui, en tout cas, reporterait le pamphlet après le 4 juillet 1650.

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que nous ayons prostitué cette sainte Vierge, Patrone et Protectrice de l'Estat, à son plus grand ennemy et à son bourreau. N'importe que M. le Prince se soit opposé à la naissance de cette nouuelle Thémis. C'est vne Déesse aueugle qui ne considère point les personnes et qui doit accourir à la voix et aux plaintes de tous les affligez; et nous exhortons Messieurs du Parlement, ses Oracles et ses membres, d'obéir généreusement aux courageuses inspirations qu'elle leur redouble à tout moment, d'adiouter à la conseruation de l'Estat celle d'vn Prince qui en a mérité sa part par tant de playes et de trauaux, et de deux autres qui ne sont seconds qu'à luy seul de rang et de seruices et qui n'ont de crime que la plus glorieuse affinité du Royaume et la qualité qui leur deuroit estre la plus fauorable.

C'est à cette Cour Auguste d'agir d'authorité et d'acheuer heureusement ce que nous ne pouuons que désirer après nous estre despouillez pour le bien de l'Estat du cresdit que nos seruices nous auoient donné auprez du public. Nous la coniurons d'user de sa puissance qu'elle a recouurée, dans la plus notable occasion qu'elle puisse iamais rencontrer pour l'employer si glorieusement pour elle et si vtilement pour l'Estat, que l'on peut dire qu'estant auiourd'huy l'Arbitre du Royaume elle s'enseuelira dans les ruines dont il est menacé, si elle ne se fait Iustice malgré quelque ressentiment particulier qui l'a trop long-temps retenue, et suspendu la ioye que l'on espéroit de l'accomplissement de la Déclaration violée à l'égard du Prince, outragée dans toutes les Prouinces

'La Remontrance faite au Roi par M. le premier Président pour la liberté de Messieurs les Princes [3328] est du 20 janvier 1651; mais l'idée en avait été proposée longtemps auparavant.

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