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velle procédure, et termina l'affaire sans retour. Il ne resta donc plus pour y donner la dernière main que de pourvoir à sa promulgation, et de mettre l'Académie en possession des priviléges et droits, ainsi que du plan d'administration, portés par le nouvel arrangement. M. Ratabon résolut de remplir ce double objet par un acte de grand apparat, capable de relever cet arrangement dans l'opinion publique, et de frapper les yeux de la maîtrise d'étonnement et de cette sorte de respect que le vulgaire refuse rarement à certain éclat extérieur quand il est placé à propos. Pour cet effet, l'on fit une convocation générale des deux compagnies qui formoient la jonction, lesquelles furent invitées à se trouver en la salle qui leur étoit commune le troisième jour de juillet 1655.

La nuit qui précéda ce grand jour, M. Ratabon fit décorer secrètement la salle d'assemblée d'une façon magnifique. On la tendit tout entière d'une superbe tapisserie de haute lisse. Une table posée vers le fond de la salle fut couverte d'un grand tapis de velours cramoisi. Au haut bout de cette table l'on plaça trois fauteuils, couverts de même de velours cramoisi, ainsi que leurs carreaux, et le tout enrichi de franges et de crépines d'or. Les jurés et leurs suppôts furent tout étourdis en arrivant de la richesse de cet appareil. Ils ne doutèrent pas un moment, voyant les trois fau

teuils de velours, que M. le châncelier ne vînt en personne tenir cette séance. Cette pensée les dérouta entièrement, et les empêcha de former aucun dessein pour troubler l'assemblée, au cas qu'elle ne tournât point à leur gré. La plupart d'entre eux, tant simples maîtres qu'anciens bacheliers et même jurés, se tinrent par respect dans la salle antérieure, qui étoit celle où, les jours ordinaires, se tenoit l'école.

C'est de là qu'ils virent avancer vers l'Académie trois carrosses, remplis par M. Ratabon et par les principaux d'entre les académiciens, tous vêtus de neuf et d'une manière convenable à la solennité de l'acte qui les amenoit. Ces messieurs descendirent de carrosse à la principale porte du lieu de l'assemblée, et y introduisirent M. Ratabon dans l'ordre qui suit : l'officier en mois le précéda immédiatement; M. Ratabon marcha seul à environ deux pas d'intervalle; il étoit suivi à pareille distance par le secrétaire de l'Académie, portant sur ses mains une cassette couverte de maroquin bleu tout parsemé de fleurs de lis d'or, ornée en dessus des armoiries de l'Académie, et garnie de coins et de fermetures de vermeil doré. Cette cassette renfermoit les expéditions authentiques des titres sus-mentionnés de l'opération du jour. Après le secrétaire venoient les autres officiers de l'Académie, qui s'étoient chargés d'aller

prendre et d'accompagner M. Ratabon, marchant deux à deux avec décence et avec gravité. S'étant avancés jusqu'au fond de la salle d'assemblée, le secrétaire posa la cassette sur la table, et M. Ratabon s'arrêta tout auprès. Tous ceux qui s'étoient jusqu'alors tenus hors de la salle y entrèrent aussitôt et la remplirent entièrement; les salutations et autres civilités usitées en pareil cas étant achevées, M. Ratabon s'informa au secrétaire si l'assemblée étoit complète, et, ayant su qu'elle l'étoit, il prit séance dans le dernier des trois fauteuils placés au haut de la table, c'est-à-dire dans celui qui donnoit la droite aux deux autres, lesquels demeurèrent réservés au protecteur et au viceprotecteur. L'attention que l'on avoit eue de changer le dernier arrangement des siéges obligea les membres des deux compagnies à se placer indistinctement, sans rechercher ni affecter aucun rang

entre eux.

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Silence fait, M. Ratabon salua l'assemblée, et ouvrit la séance par un petit discours, lequel en substance revint à peu près à ceci : « Que c'étoit » de l'exprès commandement du roi qu'il s'étoit » rendu au milieu des deux compagnies assem» blées pour leur faire entendre les intentions de » Sa Majesté. Qu'informée, comme elle l'étoit, et » très satisfaite des progrès que faisoient de jour >> en jour les beaux-arts sous la sage et savante

>> res,

» discipline de l'Académie, elle avoit pris la ré>> solution de récompenser et d'encourager le beau » zèle de cette compagnie par de nouvelles mar» ques de sa bienveillance royale, et par une aug>> mentation de grâces et de bienfaits; que, pour >> donner à cet acte de sa faveur et de sa munifi»cence toute la notoriété et la stabilité nécessaile roi avoit bien voulu s'en expliquer sous >> les formules établies des lettres patentes et des >> brevets; que même il avoit plu à Sa Majesté de >> faire dresser des articles en forme de statuts, >> dont sa volonté étoit que les premiers statuts de » l'Académie fussent augmentés; qu'il l'alloit à » l'instant même mettre en possession de ces tou>> chantes preuves des bontés de son souverain; » qu'il ne doutoit pas que l'assemblée ne se fît un >> honneur et un devoir d'y répondre en s'empres» sant, avec une unanimité parfaite et une noble » émulation, d'entrer dans les vues de Sa Majesté, » et dont elle alloit être instruite plus particuliè» rement par la lecture des nouveaux titres con» stitutifs qu'il venoit lui apporter de sa part. » Il se tourna alors vers le secrétaire, et lui ordonna, de la part du roi, de procéder à cette lecture.

A l'instant celui-ci tira de la cassette les trois pièces en question, les déploya, et, se tenant debout et découvert à côté de la table, prit de nouveau l'ordre pour commencer. Tous les membres

des deux compagnies composant l'assemblée se tinrent dans la même situation, pour la révérence due à la manifestation des volontés du roi. Le secrétaire lut donc, d'un ton de voix haut et posé, d'abord le brevet du roi portant don en faveur de l'Académie d'un logement et de mille livres de pension, ce brevet en date du 28 décembre 1654. Il lut ensuite les lettres patentes du mois de janvier 1655, confirmatives des mêmes dons, et qui, en outre, déchargeoient à perpétuité de toutes tutelles, curatelles, et de tout guet et garde, les dix-neuf officiers de l'Académie y désignés, savoir le directeur, les quatre recteurs, les douze professeurs, le trésorier et le secrétaire, et les onze de la même Académie qui devoient les premiers remplir lesdites places; accordoient à chacun de ces trente académiciens le committimus de toutes les clauses personnelles, possessoires et hypothécaires, tant en demandant qu'en défendant, aux requêtes de l'hôtel ou à celles du palais, à leur choix; attribuoient à l'Académie, exclusivement à tous autres, la faculté de faire des exercices publics touchant le fait de peinture et sculpture, et notamment de poser modèle; exceptoient ces deux arts de toutes lettres de maîtrise; et, enfin, ordonnoient l'exécution des statuts des.. février 1648 et 24 décembre 1654.

Le secrétaire s'arrêta quelques moments après

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