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» décès d'icelle dame reine, lesdits peintres de» meureroient interdits de toutes fonctions dudit >> art de peinture, hormis toutefois qu'ils fussent » maîtres de la communauté: aux offres que fai» soient lesdits jurés de travailler aux ouvrages » qui seroient à faire pour les maisons du roi et » de la reine, toutes fois et quand il plairoit à » Leurs Majestés de le leur commander. >>

Chose non moins étonnante que cette requête même, elle fut admise au Parlement. Elle y donna lieu à une procédure des plus chargées, et où tous les détours de la chicane la plus raffinée sembloient se trouver rassemblés. Elle est relatée dans le Vu de l'arrêt du Parlement qui intervint en cette cause le.. août 1647, et qui constatera à jamais jusqu'où alloit le génie litigieux et processif de la cabale des jurés.

Par cet arrêt il fut ordonné « Qu'avant de pro» céder au jugement définitif, etc., ceux qui pre>> noient la qualité de peintres et de sculpteurs du » roi ou de la reine seroient assignés en ladite » Cour pour prendre communication dudit pro» cès, déduire leurs raisons et moyens, produire >> contredits et salvations, etc., pour, ce fait, et le » tout vu et communiqué au procureur général du >> roi, être ordonné ce qu'il appartiendroit ; dépens

>> réservés. »

Les jurés firent signifier cet arrêt à tous les pri

vilégiés sans exception, même à ceux qui, étant logés dans le Louvre, étoient censés être domesti ques et commensaux du roi. Le seul à qui ils cru rent devoir faire grâce de cette formalité fut M. Le Brun. Pour éluder et se sauver le désagrément d'être reçu maître, il avoit fait présent à leur communauté d'un tableau, ouvrage de sa jeunesse. Ils voulurent faire passer pour une espèce de retour de politesse le ménagement dont ils usèrent envers lui dans cette occasion. Mais, au fond, ils redoutoient le crédit que la supériorité de son génie et de ses talents et la politesse de ses mœurs lui avoient dès lors acquis auprès des magistrats et des grands, et crurent faire beaucoup pour eux de ne se point attirer un tel adversaire.

M. Le Brun pensoit trop dignement et chérissoit trop l'honneur de son art pour n'être pas plutôt blessé que touché d'une distinction aussi bizarre, et avoit trop de pénétration pour en être la dupe un seul instant. Il agit en conséquence, et, comme s'il se fût vu attaqué personnellement, recourut au seul remède capable de mettre fin à tant de maux, qui étoit l'institution d'un corps académique. Depuis long-temps il en méditoit et la forme et le plan : il les jeta alors sur le papier. MM. les deux frères Testelin étoient ses intimes amis. Outre qu'ils étoient d'une assez haute habileté dans l'art, c'étoient des hommes d'un excel

lent esprit et d'un très grand sens; la suite de cette histoire en fournira plus d'une preuve. M. Le Brun leur fit part de ses vues, de ses idées et de son travail, et il eut la satisfaction, dans plusieurs conférences qu'il eut sur ce sujet avec eux, de les trouver, mais de la manière la plus complète et la plus parfaite, réunis avec lui dans le même senti→

ment.

Ce fut, comme par une espèce d'inspiration, celui de tout ce qui s'appeloit gens d'art, privilégiés du roi et autres. La signification du dernier arrêt avoit servi de signal de ralliement indistinctement à tous. Nul d'entre eux ne songea à y défendre par les voies de droit. Le projet de l'établissement d'une académie occupa chacun en particulier, et se trouva le vœu général et unanime de tous, avant même que personne se fût communiqué. Aussi les conférences et les délibérations ne roulèrent-elles bientôt plus que sur le choix des moyens qui pourroient conduire à cet heureux événement. Plusieurs habiles maîtres de la communauté, qui y avoient été reçus en leur bas âge, ou qui, pour éviter les chicanes et les persécutions des jurés, avoient été contraints de s'y enrôler plus tard, s'en séquestrèrent avec joie, et vinrent se ranger sous la nouvelle association, au premier bruit qui perça qu'elle pût avoir lieu.

Gelles de toutes ces conférences cependant qui

opérèrent d'une manière plus efficace furent celles qui se tenoient chez M. Juste d'Egmont. Elles n'étoient rien moins qu'éclatantes et tumultueuses, n'étant composées que de lui, de M. Sarrazin et de M. Corneille. Mais M. de Charmois y assistoit très régulièrement, ou, pour mieux dire, il y présidoit et en étoit l'âme. Il étoit alors secrétaire de M. le maréchal de Schomberg, qu'il avoit suivi en cette qualité dans son ambassade à Rome. Il avoit fait un long séjour dans cette capitale du monde. L'amour extrême qu'il y avoit apporté pour la peinture et la sculpture l'avoit mis en état d'y acquérir des connaissances exquises et très supérieures dans ces deux beaux arts. Même il avoit quelque pratique dans le premier, dont il se servoit pour son amusement, et qui passoit de beaucoup la portée ordinaire de la nation bornée et incommode de nos amateurs.

Ce fut là l'homme à qui paroît avoir été réservée la gloire d'être en quelque sorte le premier fondateur de l'Académie. Il saisit avec empressement cette occasion qui s'offroit de faire éclater son zèle pour les arts et l'estime singulière qu'il faisoit de tant d'excellents hommes qui en illustroient alors la profession. Après avoir pris une connaissance exacte de l'état du procès en question et de cette longue suite de persécutions et de vexations qui l'avoit précédé, il se fixa et se confirma dans la

pensée de n'en chercher la fin qu'à l'ombre et au pied du trône même; et, pour effectuer ce dessein, il minuta avec beaucoup de force et d'habileté une requête au roi, qu'il résolut d'aller présenter luimême à Sa Majesté et à son conseil.

M. de Charmois avoit trop de prudence et de discernement pour négliger en cette occurrence les suffrages et le concours de M. Le Brun. Indépendamment du rang que ce grand homme tenoit déjà dans la peinture, de l'étendue de ses connaissances et de la solidité de son jugement, il étoit honoré avec une distinction particulière de la bienveillance de M. le chancelier, l'illustre Pierre Séguier. M. Le Brun adopta avec transport un projet dont il auroit pu se faire les premiers honneurs, et l'embrassa avec une chaleur digne de la noblesse de ses sentiments et d'une aussi bonne cause. MM. Errard, Van Mol, Guillain et Le Sueur ne tardèrent pas à suivre son exemple et à se ranger sous les

lois de cette nouvelle union.

Encouragé par ce premier succès, M. de Charmois mit tous ses soins à la fortifier promptement et à l'enrichir de tout ce qu'il connoissoit dans Paris d'hommes célèbres dans les deux arts. M. Le Brun agit de son côté. Ils eurent d'autant moins de peine à se les acquérir qu'en acquiesçant à cette association proposée, tous ne faisoient que suivre le penchant de leur cœur et remplissoient leurs

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