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protestantes la contradiction d'une puissance non guerrière éclate de plus en plus. Certes le xixe siècle est un siècle de diplomatie, si jamais il en fut. Plus qu'à aucune autre époque, les affaires relèvent de la raison publique et tendent à se régler par la voie des transactions et des congrès. Quel avantage pour un gouvernement qui affecte de devoir tout à la religion, à la piété des peuples, aux traditions les plus respectables, à la solidarité de l'autel et du trône ! N'est-il pas vrai que si la paix était le principe, la condition et le but des États, le plus grand de tous les États, celui qui aurait la plus grande puissance d'absorption, ce devrait être l'Église ?

Mais la diplomatie, quand elle a la parole, n'est autre chose que l'organe officiel de la guerre; la politique entre les nations n'est au fond que la raison des armées, le droit de la force. Voilà pourquoi, dans les congrès des puissances, le souverain pontife n'a pas la parole, si ce n'est pour entonner le Te Deum et invoquer le Saint-Esprit. Voilà pourquoi, ne comptant pour rien, ni sur les champs de bataille, ni dans les conférences des souverains, sa politique à lui, sa politique de prêtre, est de dissoudre les forces qu'il ne peut dominer. Ne pouvant conquérir l'Italie, le pape ne travaille qu'à l'immobiliser, tantôt par ses propres divisions, tantôt par les armes étrangères. On l'a vu, en 1848, lorsque Pie IX refusa de suivre le peuple dans la guerre contre l'Autriche: «Je suis, dit-il, le

père commun des fidèles; il ne m'est pas permis de faire la guerre contre aucune fraction de mon troupeau. Quoi! saint-père, pas même pour l'affranchissement de la patrie italienne? Non, pas même pour l'affranchissement de la patrie italienne. La patrie est affaire d'État, et le royaume du Christ n'est pas de ce monde. Eh bien, alors, ne soyez donc pas chef d'État italien, noli ergo imperare: car la vie de l'Italie, avec vous, c'est le suicide. L'Italie ne peut rester pontificale et vivre. »

Aujourd'hui, l'Italie semble se réveiller. Elle a chassé, ou peu s'en faut, l'étranger; et les sujets du pape l'abandonnent. L'Église est désormais mise hors la politique, hors le temporel, en Italie et dans les États dits de l'Église, aussi bien qu'en France, en Autriche et dans tous les États catholiques. Concevezvous un idéal relégué hors de la vie universelle et de la réalité des choses? Un mot, un seul mot, a déterminé cette grande ruine : Le royaume du Christ n'est pas de ce monde. Son vicaire porte la houlette, non le glaive. Comment ce berger régnerait-il sur les hommes, s'il ne peut les mener au combat? Que l'on y songe : si quelque chose condamne irrémissiblement la souveraineté temporelle des papes, ne le cherchez point ailleurs, le voilà. Le pape n'est pas un calife; il lui est défendu de commander ses armées. Et prenez garde, si vous lui donnez un général, que tôt ou tard il ne soit supplanté par son général.

Au livre suivant, nous examinerons les règles qui président à l'emploi de la force, ce qu'on est convenu d'appeler la guerre dans les formes. Terminons d'abord ce que nous avons à dire des applications, immédiates et éloignées, du droit de la force.

CHAPITRE IX.

APPLICATION DU DROIT DE LA FORCE. 2° OBJET ET DÉTERMINATION DU DROIT DES GENS.

Que le droit de la guerre dérive immédiatement du droit de la force, ou, pour mieux dire, que le premier ne soit que la formule de revendication et de constatation du second, c'est ce que le lecteur doit regarder maintenant comme à l'abri de toute contestation, bien que les auteurs n'aient jamais paru le comprendre, bien qu'ils n'aient jamais vu dans la guerre qu'une manière, en usage parmi les peuples civilisés, de se contraindre avec le moins de férocité possible.

Mais que le droit des gens dérive, à son tour, du droit de la guerre, comme celui-ci dérive du droit de la force; que, par conséquent, le droit des gens ne soit, s'il est permis de parler ainsi, que le droit de la force à sa troisième génération, c'est ce que les jurisconsultes peuvent encore moins admettre, et qui renverse toutes leurs thèses. Non-seulement, en effet, ils ne reconnaissent pas le droit de la force, mais le droit de la guerre, dont nous avons si nettement défini l'objet et la spécialité, dont nous ferons bientôt connaître les règles, n'est à leurs yeux qu'une fiction,

formant un article particulier, exceptionnel, anormal, du droit des gens, qui se trouverait ainsi former le premier échelon du droit.

D'où vient alors, selon nos savants publicistes, le droit des gens, et en quoi consiste-t-il?

Le droit des gens, répondent-ils, découle du droit naturel. Et qu'est-ce que le droit naturel?

Vattel cite Hobbes, qui divise la loi naturelle en loi naturelle de l'homme et loi naturelle des États. Cette dernière est ce que l'on appelle d'ordinaire droit des gens. Les maximes de l'une et de l'autre de ces lois sont les mêmes. Vattel approuve la déduction de Hobbes; il observe seulement que le droit naturel, dans son application aux États, souffre certains changements; nous en avons parlé plus haut.

Pufendorf et Barbeyrac souscrivent comme Vattel à l'opinion du publiciste anglais.

Montesquieu dit, en gros, ce qui se passe; il ne sait pas le premier mot de ce qui est.

« Le droit des gens est naturellement fondé sur ce «< principe, que les diverses nations doivent se faire « dans la paix le plus de bien, et dans la guerre le <«< moins de mal qu'il est possible, sans nuire à leurs « véritables intérêts.

«L'objet de la guerre, c'est la victoire; celui de la « victoire, la conquête; celui de la conquête, la con«servation. De ce principe et du précédent doivent

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