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mées par ceux qui n'ont vne véritable cognoissance de la Politique, n'auoir pas tousiours esté aussi sincères comme mes pensées l'ont esté, n'ayant iamais eu de soin plus particulier en mon administration que d'accomoder mes intérests auec ceux du Roy et de l'Estat.

7. Int. Si ie n'ay pas transporté grande quantité d'or et d'argent hors du Royaume? Si n'aguères ie n'ay pas faict passer douze mulets chargez d'or et de pierreries que i'enuoyois à M. mon père? Si ie n'ay pas des sommes considérables, tant sous mon nom que ceux de mes Confidens, aux banques de Venise et d'Amsterdam, et au Mont de Piété de Rome? Si pour transporter l'or plus facilement, ie n'ay pas fait fondre les Iustes et les Pistoles en lingots? Si ie n'ay pas acheué vn des plus somptueux édifices qui soit dans Rome, que i'ay acheté bien chèrement ? Et si pour orner ce Palais, ie n'ay pas fait transporter les plus beaux et plus exquis meubles de l'Europe? Pourquoy ayant profité de ces biens en ce Royaume, ie ne les y ay pas consommez, et employez en acquisitions de belles terres ? Et pourquoy il semble que i'aye affecté de n'acquérir aucuns biens en France?

Resp. Que ie m'estonne comme l'on me propose pour crimes des actions qui tournent à l'vtilité du Roy et à l'honneur de l'Estat; car qu'y a-t'il rien de plus glorieux à la France, que de faire paroistre aux Estrangers qu'elle n'est ingrate à ceux qui luy rendent quelque seruice, et d'attirer par ce moyen le cœur de tous ceux qui luy peuuent apporter quelque auantage? Et ce sans intéresser les finances du Royaume, puisque ie puis dire auec vérité, qu'il ne s'est pas transporté par mon ordre et pour mon particulier plus de trente millions, depuis le tems qu'il y a que i'ay l'honneur d'estre employé

dans le haut Ministère, qui est peu à comparaison des richesses qui sont en ce Royaume; ce qui a néantmoins causé l'admiration de toute l'Italie, et fait connoistre aux Estrangers la puissance de ce Pays. D'ailleurs, qu'ayant sceu par la longue expérience que l'ay des affaires, que la Fortune d'vn Estranger est exposée à de grandes calomnies, dont l'exemple est auiourd'hui apparent dans les affaires du Temps, il est sans doute que les gens d'esprit m'eussent accusé de peu de préuoyance, si ie n'auois mis mes biens en tel estat de sortir le moins intéressé qu'il m'eust esté possible, si la persécution de ceux qui me veulent du mal, eust esté plus violente et plus puissante. Et ceux qui considèreront de près, verront encores que ce que ie n'auois aucuns biens considérables en France, a beaucoup seruy pour ma conseruation, ayant retenu des plus considérables de mon party, qui m'eussent abandonné si, par ma perte, il eust eu quelque confiscation de conséquence à espérer; en quoy l'authorité du Roy eust sans doute esté blessée, puisqu'il dépend de sa grandeur de maintenir ce qu'il a esleué, et de me conseruer en vn estat qui puisse exciter les bons esprits de luy vouer leurs seruices.

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8. Int. Si ie scay que les transports d'argent et d'or sont contre les Ordonnances Royaux ?

Resp. Qu'il est hors de propos, pour blasmer mes actions, de me proposer les Ordonnances, puisque réprésentant la personne du Roy, c'est moy qui en dispense les autres.

9. Int. Si pour auoir occasion de transporter cet argent, ie n'ay pas pratiqué les sièges de Piombino et de Portolongone, quoy que ceux qui auoient quelque expérience en la guerre, m'eussent asseuré que ces siè

ges ne pouuoient apporter aucun honneur à la France ? Si pour le mesme suiet, ie n'ay pas affecté de faire des leuées de gens de guerre chez les Polonois, Allemans, Écossois et Anglois, afin de trouuer quelque prétexte à la sortie de l'argent hors de France, quoique l'on aye iamais manqué d'hommes en ce Royaume, et que les Estrangers que l'on y fait venir, coustent quatre fois autant que les soldats François, qui valent néantmoins mieux dans les armées que ceux des autres Nations?

Resp. Qu'il suffit de dire pour me iustifier de ces sièges, que ne paroissant pas que dans leurs entreprises ils fussent domageables à la France, le mauuais succès n'en doit faire blasmer les desseins, estant incertain si d'autres eussent réussi plus fauorablement que ceux-là, et que la commodité que i'en ay retirée, ne me peut estre imputée, puisqu'il n'importoit à l'Estat de quel costé il attaquast son ennemy, pourueu qu'il en pust espérer de l'auantage. Et me suffit aussi pour ma iustification, que les leuées de gens de guerre chez les Estrangers ayent apporté cette vtilité à la France, de conseruer des hommes pour les occasions pressantes, sans que la commodité que i'en tire, puisse passer pour criminelle, veu qu'il suffit qu'elle ne combatte pas les inté– rests de la France pour estre à l'abry de tout reproche.

10. Int. Si ie n'ay pas diuerty le fonds des finances du Roy et employé plus d'argent aux machines des théâtres et balets qu'à celles de la guerre?

Resp. Que ce faict ne consiste qu'en interprétation, et que ces profusions ne me seront pas imputées à crime, quand on sçaura qu'il ne coustoit chose quelconque au Roy des balets et des comédies qui luy ont donné tant de plaisir, parceque les auances se prenoient véritable

ment dans les cofres de sa Maiesté; mais ayant eu soin de les faire représenter au Public après que le Roy et sa Cour y auoient pris leur satisfaction, ie retirois par mes gens beaucoup plus que les auances n'auoient cousté; ce que i'employois aux récompenses que la Reine me permettoit de prendre pour mes seruices, dont les finances de sa Maiesté se trouuoient d'autant deschargées.

11. Int. Si ie n'ay pas pris des profits sur le pain de munition destiné pour la nourriture des gens de guerre ?

Resp. Que c'est m'accuser d'auoir trop bien mesnagé les finances du Roy, parceque de vérité ayant veu en quelques années que le soldat, estant auancé dans le païs ennemy, auoit moyen de subsister des pillages qu'il faisoit, i'ay donné ordre à quelques personnes interposées de souffrir aux entrepreneurs du pain de munition qu'ils le diminuassent de quelques onces, à la charge qu'il leur seroit moins baillé à proportion du prix conuenu auec eux, ayant depuis employé cette diminution vtilement pour quelques affaires secrètes.

12. Int. Si, abusant de l'authorité que la Reine m'a donnée, ie n'ay pas disposé des principales charges et offices du Royaume indifféremment à toutes sortes de personnes, sans auoir égard aux mérites, pourueu qu'il m'en fust donné récompense; et si particulièrement ie n'ay pas tiré vne somme très considérable pour pouruoir le sieur d'Emery de la Surintendance, et Monsieur le Camus du Controole général des Finances?

Resp. Que cette demande contient ma deffense; car puisque la Reine a laissé les grandes charges du Royaume à ma discrétion, il est hors de doute que i'en puis disposer à telles conditions que ie trouueray raisonnables,

moyennant que i'en pouruoye des personnes qui n'en soient incapables, et qui sçachent exercer les fonctions des charges que ie leur commets.

13. Int. Si ie n'ay soutenu les Partisans pour mon intérest particulier, parcequ'il ne s'adiugeoit pas de party au Conseil, que l'Adiudication ne me donnast vn droict et récompense très considérable?

Resp. Que i'ay tousiours estimé que la direction des finances par party estoit très auantageuse à la France, à cause de la facilité et prompt secours que les affaires du Roy en reçoiuent; ce qui rend l'intérest des particuliers fort peu considérable, qui se plaignent de ce que par ce moyen il se lèue beaucoup plus d'argent qu'il ne se feroit dans la forme ordinaire, et que, par vne iniustice apparente, il se voit que ceux par le moyen desquels ces deniers sont leuez, y profitent plus que le Roy mesme, outre les récompenses qu'ils sont obligez de donner à ceux qui leur facilitent ces partis, parce qu'où l'intérest du Roy et de l'Estat se rencontre, celuy de ses subiets ne luy doit estre opposé; et le Prince, ny ses Ministres qui gouuernent le Royaume, comme Pères communs autant des vns que des autres, ne doiuent considérer si les biens de l'vn de ses subiets passent à l'autre, pourueu qu'ils demeurent tousiours dans le Royaume. Et n'importe en façon quelconque à la conseruation de l'Estat, si le riche est dépouillé pour en couurir le pauure, pourueu qu'il en demeure tousiours vn riche sur qui le Roy puisse leuer les droicts qui luy appartiennent. De là s'ensuit que ce n'est pas vn crime d'Estat d'auoir profité des partis, particulièrement s'il est remarqué que ce qui m'estoit baillé, n'alloit pas à la diminution du party, qui entroit entièrement, pour mon regard, dans les coffres de

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